Dans un premier billet, j’évoquais les (derniers) chiffres officiels de la fonction publique. L’affirmation d’une réduction d’effectif est déjà très contestable. Poursuivons l’analyse …
Il y a eu également des transferts considérables entre fonctions publiques, expliquant en partie – mais en partie seulement – la hausse des effectifs de la FPT. En effet, des personnels de l’Éducation nationale et des directions départementales de l’équipement ont sont passés des statuts « FPE » au statut « FPT » à compter de 2005. C’est en 2007 que les transferts ont été les plus massifs.
Illustrons avec le cas de l’Education Nationale, au sujet de laquelle, il y a quelques semaines, un ancien ministre de l’Education Nationale déclarait sur une radio jadis qualifiée de périphérique qu’elle avait perdu 100 000 enseignants. Regardons les chiffres. En effet, le nombre de fonctionnaires du Ministère de l’Education Nationale (EN) est passé de 1,2 million en 2000 à 1,1 million en 2007. A première vue, on retrouve bien une baisse de 100 000 personnes (ce qui ne signifie pas « enseignants »). Mais si l’on ajoute les « Établissements Publics Administratifs », des « opérateurs » dépendant de l’Education Nationale (qui sont des établissements d’enseignement ou de recherche) qui sont décomptés à part, les chiffres donnent 1 295 000 personnes à l’EN en 2000 et … 1 295 000 en 2007.
Pourtant, il y a eu des transferts : 40 000 ouvriers et techniciens sont passés du statut « FPE » (donc déduits des effectifs de l’EN et des EPA) à la « FPT » … où on en retrouve 46 000 de plus ! Au final, nonobstant les statuts multiples et variés, l’EN a en fait augmenté ses effectifs. Dans la réalité, seuls 10 000 postes d’enseignants ont disparu, ce qui rapporté aux 840 000 postes d’enseignants ressemble plus à un ajustement qu’à une politique de réduction massive.
Au final, la Cour des Comptes conclut que « à l’exception du ministère de l’équipement, les secteurs dans lesquels ont été mises en œuvre des mesures importantes de décentralisation et d’externalisation vers des opérateurs autres que les services ministériels n’ont pas fait l’objet d’ajustements notables de leurs effectifs » tout en admettant que « pour une part, ce constat trouve son explication dans les particularités de certains secteurs (par exemple, la stabilité des effectifs des ministères sociaux au regard de missions en constante évolution) ».
Enfin, concernant la croissance des effectifs de la FPT, on avance régulièrement l’explication des transferts de compétences, explications que la Cour des Comptes relativise : « il est paradoxal de constater que les plus fortes augmentations d’effectifs se sont produites dans les catégories de collectivités – communes et leurs groupements – qui n’ont guère été concernées par des transferts significatifs de compétences ». Le rapport 2010 sur la situation des finances publiques cosigné par Jean Philippe Cotis, directeur de l’INSEE, souligne qu’« entre 1996 et 2007, la fonction publique territoriale s’est accrue de 440 000 agents, dont moins de 50 000 au titre des compétences transférées ». Ce qu’on pourrait résumer par l’adage : « j’embauche donc j’existe ».
Pour la FPH, la Cour des Comptes explique la forte augmentation des recrutements à compter de 2000 par la politique de réduction de travail. Ce qui au demeurant a pesé sur les charges de sécurité sociale, donc sur les cotisations sociales donc sur le pouvoir d’achat … Rappelons que les diminutions d’impôts de la fin des années 90 ont été absorbées par les augmentations de cotisations sociales !
La conclusion du rapport de la Cour des Comptes est sans ambages : actant la hausse forte et continue de la fonction publique, elle constate un empilement de structures « multipliant le nombre de services et celui des agents ». La dernière phrase se passe de tout commentaire : « au total, la nouvelle répartition des compétences entre collectivités publiques est loin d’avoir abouti à une meilleure maîtrise des effectifs ». Bref, un manque de performance généralisé, ce qui se comprend aisément quand on rapproche la croissance forte des effectifs des faibles modifications du périmètre d’activité.
Quelques explications : Tout d’abord, demeure toujours une très insuffisante mesure de la productivité. La Cour des Comptes évoque, concernant le rapprochement « police – gendarmerie », que les promoteurs de la réforme avançaient que des gains de productivité seraient dégagés « mais l’enquête à laquelle la Cour a procédé n’a pas permis d’identifier de tels effets et aucun chiffre n’est disponible, ni sur les gains déjà obtenus, ni sur les perspectives à ce titre ». Les instruments de contrôle de gestion sont indigents, et si la Cour des Comptes utilise cette expression à propos de l’Etat, elle peut être étendue sans difficulté à l’ensemble des fonctions publiques. Ainsi l’atomisation des catégories de personnels cache les véritables évolutions d’effectif par domaine. Le cas de l’Education Nationale, évoqué supra, est révélateur : les syndicats pleurent sur l’évolution des effectifs affectés au Ministère, mais oublient de prendre en compte ceux des EPA et des collectivités locales travaillant dans le domaine de l’éducation… D’une façon générale, d’ailleurs, la baisse d’effectifs dans les Ministères, a été largement compensées par la hausse des embauches dans les EPA.
On peut s’étonner également de l’absence de schémas cibles d’organisation, déterminant le bon niveau d’emploi, c’est-à-dire alliant efficacité et productivité. Il est vrai qu’en la quasi absence de mobilité fonctionnelle voire géographique, l’organisation peut finir par avoir pour objectif principal de justifier l’emploi de fonctionnaires inamovibles. Encore une fois, laissons la parole à la Cour des Comptes qui conclut que :
- « la juxtaposition des niveaux administratifs multiplie le nombre des services et celui des agents » ;
- « au total, la nouvelle répartition des compétences entre collectivités publiques est loin d’avoir abouti à une meilleure maîtrise des effectifs ; elle a au contraire généré d’importants surcoûts en dépenses de personnel, y compris les charges différées de retraite ».
Il est désormais grand temps de généraliser les principes de la LOLF à l’ensemble du secteur public, pour réguler les effectifs de la fonction publique : la performance est devenue aujourd’hui un enjeu majeur. A défaut, c’est le modèle social français qui risque d’imploser, l’Etat entretenant toujours ces causes qui ont provoqué la récente crise économique.
A B Galiani
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