En ce début de XXI° siècle, les Français auraient bien besoin d’un Portalis pour dire quelle juste place réserver aux législations de crise supposées garantir un « intérêt d’Etat » comme à celles régissant les réalités ordinaires de la vie en société.
« La loi ne doit ni se laisser entraîner dans les détails ni disposer pour un avenir qu’elle ignore » recommandait-il. Comme il serait absurde de se livrer à des idées absolues de perfection dans des choses qui ne sont susceptibles que d’une bonté relative. Selon lui, la loi travaillerait mieux pour l’avenir en construisant un édifice juridique solide capable de s’adapter à l’évolution des temps, plutôt que de nourrir la dangereuse ambition de vouloir tout régler et tout prévoir. Il redoutait que tout devienne droit public.
Nous y sommes !
Légiférer, nous enseigne-t-il, c’est garantir des équilibres entre les forces centripètes et centrifuges d’un Pays. En précisant que la complexité sociale ne peut s’accompagner d’une législation proliférante. Si « l’on ne simplifie pas en prévoyant tout », on paralyse tout en voulant tout prévoir.
C’est dans le droit naturel et dans l’observation sereine de l’expérience que les textes régiront le mieux « la vie des hommes entre eux » et avec leur contexte devenu si large et turbulent.
C’est ainsi qu’il proposa une construction très réfléchie sur la laïcité du droit, sans s’encombrer de pompeuses formules : « à la religion, le soin de tracer aux hommes le chemin de la perfection, aux politiques qui doivent compter avec la faiblesse humaine, s’efforcer d’éviter les désordres ».
Il n’accordait pas aux lois une valeur utile de communication. Bien avant le fracas médiatique d’aujourd’hui, il supprima même les publications « à son de trompe » ou « au bruit de tambours » qui retrouveraient pourtant un charme que les réseaux sociaux ne sauraient nous offrir.
Comme le remarque Michel Massenet, il se méfiait de l’éloquence, choisissant avec sureté ses adjectifs et formules. Au fond, il préférait convaincre qu’imposer, en affirmant « qu’au lieu de changer les lois, il est presque toujours utile de présenter aux citoyens de nouveaux motifs de les aimer ».
Conseillons à tout producteur de norme aujourd’hui, une relecture attentive du discours préliminaire du Code Civil. Il dit tout et nous prévient des travers dans lesquels nous sommes si gravement tombés.
Merci cher Alain de ce billet très inspirant.
Je vais relire ce fameux préambule !
Bien à vous
Xavier LIEVRE