27 août 1958
La Constitution de la Vème République
vue par l’un de ses principaux auteurs
Michel Debré
Le corps politique s’enivre souvent du mot « République », l’invoquant comme une piété, le brandissant comme un texte sacré. Peu s’intéresse à la Constitution. Elle en est pourtant la norme suprême.
Depuis toujours, je pense que pour bien se pénétrer de l’esprit de la Vème République, il faut lire et relire le discours de Michel Debré, Ministre de la Justice, devant le Conseil d’Etat le 27 aout 1958. Il y a 59 ans, aujourd’hui.
Une première précision apparait. Il s’agit de donner à la France un régime parlementaire. Pour échapper au régime d’assemblée qui a détruit la IVème République, le régime parlementaire sera « rationalisé ». Il signale cependant que le régime présidentiel est hors d’état de fonctionner en France.
Les sessions parlementaires sans fin, la multiplication des séances et des scrutins sont dénoncés. Le régime des sessions est donc fortement encadré. Il sera hélas détruit ensuite.
Les difficultés d’un régime présidentiel sont d’ores et déjà évoquées, même si elles seront partiellement oubliées en 1962, dans le fracas des attentats contre le Chef de l’Etat. Il est clairement précisé que le Gouvernement n’a pas succombé à la tentation du régime présidentiel, ce que Michel Debré qualifie de sagesse. Il pense le régime présidentiel dangereux.
Le domaine de la loi est clairement défini, afin d’éviter sa confusion avec le domaine du règlement. Et cela, en réaction à la confusion et à l’engorgement des textes, que malgré tous les efforts, il a été impossible de désencombrer, par l’excès de lois. Aujourd’hui, reconnaissons que tout est à refaire. 59 ans après, la colère de la nation s’annonce, le déluge de normes a repris. La loi qui devait se limiter aux grands principes s’est engloutie dans des détails inapplicables.
Un jour seulement est réservé par semaine aux questions d’actualité. Voilà qui était sage, et qui évitait de faire du Parlement un lieu de mauvais spectacle.
La « course aux portefeuilles » ministériels est moquée.
Il faut à la France une puissante deuxième chambre ! Le Sénat.
Le Président de la République est présenté comme « la clef de voûte ». Ses pouvoirs sont précisés. Le Président, « comme il se doit », n’a pas d’autre pouvoir que celui de solliciter un autre pouvoir : le Parlement. Il ajoute que sa désignation doit être entourée de soins particuliers.
S’agissant du suffrage universel, il précise que dans un régime parlementaire, ce type de suffrage n’est pas un corps électoral normal. Relisons la suite prophétique : « le président, qui est élu au suffrage universel, est un chef politique attaché à l’œuvre quotidienne du Gouvernement et du commandement ; recourir au suffrage universel, c’est recourir à la constitution présidentielle qui a été écartée. » Le corps électoral sera, à l’époque, d’environ 30.000 personnes, constituant une image aussi conforme que possible de ce qu’est la France politique.
Une relecture complète apporte bien d’autres informations. Mais celles qui précèdent illustrent bien à quel point, il ne suffit d’invoquer la République, il faut en respecter les fondements, et éviter de ne pas retomber dans le chaos dont il a fallu la relever.
Désolé, j’avais oublié la pièce jointe, elle est ajoutée.