Aujourd’hui s’est tenu au Conseil d’Etat un passionnant colloque sur le thème ô combien complexe des entreprises et participations publiques. Il s’articulait autour de quatre tables rondes. Pour quoi faire, d’abord ? Sous quelle forme juridique, ensuite ? Puis, l’outil de l’entreprise publique est-il le même pour l’Etat et pour les collectivités locales ? Enfin, comment concilier et clarifier la prise en compte des intérêts publics divers qui s’expriment au sein des entreprises publiques ?
Le Conseil d’Etat m’a honoré d’une invitation à participer à la troisième table ronde. Je n’ai malheureusement pas pu m’y rendre, mais je souhaite ici revenir sur les principaux points que j’aurais souhaité aborder, selon un point de vue de gestionnaire public local.
Mes convictions en la matière se résument à deux idées : l’entreprise publique doit produire des biens et services, et ne doit donc pas poursuivre un objectif purement patrimonial ; le régime juridique de l’entreprise publique locale doit être suffisamment souple, en tout cas au moins autant que celui des entreprises publiques nationales.
Ainsi, lorsqu’un besoin pour la production d’un bien ou d’un service est identifié, les collectivités locales devraient être libres de créer une entreprise. C’est l’approche de l’Etat. C’est également celle que les collectivités adoptent dans de nombreux domaines où l’intervention publique ne rentre pas nécessairement dans les cadres de l’économie libérale. Ainsi, dans l’Orne, nous favorisons l’installation de médecins, nous avons créé une agence d’ingénierie qui répond aux besoins des collectivités non pris en charge par le privé. Et je pourrais citer d’autres exemples, nombreux.
Cette approche pragmatique, qui voit dans l’entreprise publique un outil parmi d’autres, commande un cadre juridique souple, permettant de garantir la libre administration des collectivités territoriales. Pourtant, le cadre juridique des entreprises publiques locales reste particulièrement rigide.
Et je crois que les exigences spécifiques du droit des entreprises publiques locales par rapport aux nationales (formes spécifiques, encadrement de la répartition du capital…) sont un exemple parmi d’autre de la méfiance de l’Etat envers les collectivités. La prolifération des statuts d’entreprise publique locale ces dernières années a, il faut le souligner, été imposée par le droit de la commande publique. Quand complexification et camisoles juridiques se conjuguent, c’est la libre administration des collectivités territoriales qui en pâtit : le droit ne résout alors plus les problèmes, mais les pose !
Par ailleurs, je ne suis pas certain que les collectivités publiques, quelles qu’elles soient, soient les mieux placées pour intervenir à travers l’outil de la participation publique. Elles ne sont pas outillées pour et sont structurellement constituées d’intérêts divergents qui rendent impossible une position d’actionnaire ayant un raisonnement purement patrimonial. C’est pourquoi les possibilités octroyées aux régions dans le cadre de la loi NOTRe sur ce sujet m’inquiètent, au regard des expériences que la France a pu récemment observer.
Ce sujet m’a également donné l’occasion de constater une contradiction majeure entre deux textes promulgués à 10 jours d’intervalle : alors que la loi NOTRe entendait réduire les départements à un rôle purement social, la loi de transition énergétique leur permet d’investir dans des entreprises d’énergies renouvelables ! Or, à mon sens, soit on considère que ce n’est pas leur vocation ou qu’ils n’ont pas les compétences d’investir, et alors on le leur interdit, soit on pense l’inverse et on autorise au-delà de ce simple item. Voici un nouvel exemple d’incohérence de notre droit.
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