Malgré des propos apaisants, sans doute pour endormir notre vigilance, le gouvernement poursuit imperturbablement son chantier de destruction de nos départements. Seul le Parlement pourra l’arrêter. A défaut, il faudra saisir le Conseil Constitutionnel pour qu’il le fasse.
L’examen par le Sénat de la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale en est un bel exemple. L’exposé des motifs n’a pas varié d’un iota, il comporte la mention « un débat pourra s’engager sereinement sur les modalités de suppression des conseils départementaux à l’horizon 2020, pour aboutir à une révision constitutionnelle avant cette date » Ensuite, les articles organisent la fameuse « dévitalisation » annoncée en retirant aux départements les missions qu’ils ont si bien accomplies, depuis les lois de décentralisation, en matière de réseau routier, de collèges, de transports ou autres,
Tant sur le fond que sur la forme, cette méthode est inacceptable et le Parlement a le devoir de la rejeter. Le vote de chaque parlementaires sera d’ailleurs à scruter à la loupe.
Sur le fond, la collectivité territoriale départementale est la matrice de vie en société sur 90 % du territoire métropolitain. Elle doit donc être préservée. Si les 10% qui n’en veulent plus souhaitent un régime particulier, donnons-le leur ! A noter que le mythe métropolitain est un leurre démocratique puisqu’il ne s’agit nullement d’une collective dotée de ses attributs démocratiques mais d’un simple établissement public. Entre les 36.000 communes et les 13 nouvelles régions, comment peut-il être sérieusement envisagé de créer un vide démocratique aussi sidéral ? Entre 36.000 corps électoraux et 13, un invraisemblable vide démocratique est creusé. Qu’on se le dise : toutes les autres structures intermédiaires, dont on nous rebat les oreilles, ne sont pas des collectivités disposants de droits constitutionnels établis. Avec des droits démocratiques éprouvés au bénéfice des citoyens. Enfin, les familles veulent pouvoir parler des routes qu’elles empruntent au quotidien et du collège où sont scolarisés leurs enfants avec des élus qu’elles connaissent et non avec des administrations régionales concentrées, calfeutrées dans des centres administratifs de plus en plus éloignés d’elles.
Sur la forme, la méthode est politiquement hypocrite, juridiquement contestable et constitutionnellement douteuse. L’hypocrisie a vaincu des sommets encore jamais atteints. Que l’on veuille supprimer les conseils généraux n’a rien de déshonorant, je n’y suis pas favorable, mais je peux le comprendre. Qu’on veuille le faire, en catimini, en esquivant le débat au moyen de déclarations aussi nombreuses que contradictoires, en déposant des projets de lois qui contredisent les déclarations du Premier Ministre faites la semaine précédente, relève de la mauvaise manipulation démocratique, de la manœuvre dolosive pour tenter d’obtenir, au prix de l’ambiguïté, un vote du Parlement. Une sorte de mort programmée, en prétextant n’avoir jamais eu l’intention de la donner. Mais l’erreur, le dol, la violence sont des vices du consentement, de sorte qu’un vote du Parlement obtenu grâce à des méthodes affectant l’intégrité dudit consentement entache gravement la validité et la légitimité de la loi. Enfin la forme utilisée est constitutionnellement douteuse. Et cette dimension mérite un développement particulier.
L’existence des départements comme collectivité territoriale, et par conséquence des conseils généraux comme conseil élu, ne relève pas de la compétence du législateur « simple ». Il n’appartient donc pas à ce législateur de suggérer au pouvoir constituant dérivé, sans gravement empiéter sur ses compétences, la suppression d’une collectivité territoriale dont l’existence même est garantie par la Constitution. En vertu de l’article 5 de la Constitution le Président de la République, lui-même, devrait veiller à son respect, dans ce domaine aussi sensible que la démocratie locale. Il n’est pas convenable que le Gouvernement, dans un projet de loi, ose proposer de légiférer sur la base d’un droit constitutionnel futur et hypothétique, avant que le Constituant pour la période annoncée de 2020 n’ait été élu par le Peuple français lui-même.
Cette situation doit être dénoncée avec force, afin que la loi portant nouvelle organisation territoriale ne se transforme pas en tromperie législative. Elle doit être rejetée ou amendée pour clarifier et préciser l’intention réelle du législateur, lequel ne peut violer la Constitution et rayer de la carte démocratique une collectivité territoriale garantie par la Constitution. Un projet d’amendement est ici proposé pour poser clairement le principe d’existence des départements dans le respect de la Constitution : Article additionnel à insérer au début du Titre 3 du projet de loi.
Cela étant, les élections cantonales, appelées désormais départementales se tiendront en mars prochain, avant même que la loi ne soit devenue définitive. Les Français auront donc tout loisir pour choisir, selon leur préférence, les élus qui sont pour ou contre l’existence des départements et des conseils généraux. Ainsi ces élections auront valeur de référendum pour ou contre les départements. Et le Gouvernement aura ainsi la réponse à la question qu’il n’ose pas poser. C’est au Peuple français qu’il revient de décider du sort des départements et non au Gouvernement ! Oui, faisons des cantonales un référendum pour ou contre les départements, car cela permettra, par la même occasion, d’en faire un pour ou contre le Gouvernement !
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