L’Assemblée Nationale entamera demain l’examen du projet de loi dit « relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral ». Bref un fourre-tout suffisamment confus pour qu’il soit impossible d’y déceler clairement, d’une part, les intentions réelles du Gouvernement, porteur de ce texte et, d’autre part, celles du législateur telles qu’elle pourront être décryptées du texte qui sortira. L’objectif affiché est celui de la fusion des régions.On peut comprendre que cela justifie un texte spécifique. On comprend moins que le même texte vienne traiter des conseils généraux devenus conseils départementaux, d’une part, pour corriger déjà un mode de scrutin invraisemblable adopté l’an passé et, d’autre part, pour repousser la date des élections fixées, l’an dernier encore, en mars prochain.
Où la démarche devient carrément suspecte, c’est dans l’étude d’impact jointe au projet de loi. On y parle crûment page 31 de la « disparition des départements » ! Il n’est pas écrit « des conseils généraux », mais « des départements », ce qui confirme parfaitement l’intention précise et concordante des nombreuses déclarations en ce sens faites par le Gouvernement. Comme nous l’avons déjà écrit, « la suppression des départements », comme celle des conseils généraux, ne relève pas ni des pouvoirs du Gouvernement, ni de la loi ordinaire, ni d’une loi organique, mais d’une révision de la Constitution !
Ce n’est pas faire un procès d’intention au Gouvernement que de lui rappeler ses écrits. Les informations qu’il doit annexer à son projet de loi pour « définir les objectifs qu’il poursuit » comportent la suppression des départements ! Dès lors, envisage-t-il de reconnaître cet objectif comme une erreur contenue dans son étude d’impact, ou confirme-t-il au contraire qu’il maintient cet objectif ? Sa réponse est essentielle pour vérifier que, par son texte examiné demain, il ne tente pas de procéder à une modification rampante de la Constitution. Il ne peut pas davantage prétendre que cette question sera débattue lors du prochain texte relatif à la distribution des compétences. Ce serait une manœuvre dilatoire consistant alors à insérer dans une étude d’impact d’un texte un objectif destiné à un autre texte ultérieur. S’il ne veut subir aucun soupçon, ni aucune censure, il ne peut raisonnablement pas continuer à esquiver le sujet et entretenir une ambiguïté de cette gravité.
La question de la suppression éventuelle des départements, collectivité territoriale figurant en toutes lettres dans notre Constitution, mérite mieux que des ruses rédactionnelles médiocres visant à rendre inintelligible et insincère l’intention effective du législateur.
De toute manière, les conseillers généraux en exercice ne peuvent pas attendre la promulgation, de plus en plus éventuelle, d’un texte repoussant les prochaines élections prévues par une loi actuellement en vigueur en mars prochain. Leurs obligations de tenue d’un compte de campagne et le plafonnement des dépenses applicables «pendant l’année précédant le premier jour du mois de l’élection» font qu’il n’est donc plus possible de différer la fixation d’une date définitive du scrutin. Comme il avait été fixé en mars 2015 par une loi proposée par le présent gouvernement l’an dernier, n’y changeons plus rien ! C’est trop tard ! Puis, ce sera une excellente occasion de vérifier ce que pensent les Français des intentions cachées du gouvernement quant à l’avenir des départements. Il serait dommage de s’en priver !
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