Le Premier Ministre était dans son rôle en formulant des propositions pour avancer dans une réforme territoriale que l’effacement technologique des distances et l’ouverture au monde rendent d’une évidente nécessité. Les discours de politique générale, par leur format, rendent les annonces lapidaires et donc sujettes à caution. L’annonce de la suppression des départements et la division du nombre de régions par deux en est la caricature et n’a pas manqué de produire son effet. Outre qu’elle a suscité un nombre incalculable de controverses, sa cohérence prête à caution, dès lors qu’il est difficile d’articuler en même temps la suppression d’un échelon territorial et l’éloignement accentué du centre de la nouvelle entité de rattachement. Cette faille d’articulation signe le côté parisien de la proposition : pourquoi faut-il que la France soit différente de l’Ile de France ? C’est assommant. Même les Rois de France s’en plaignaient, les nouveaux Princes de la République tout autant. Pourtant, il faut bien faire avec.
A la vérité, le sujet semble mal posé. La question préalable, pour le Premier Ministre, est de savoir s’il s’arcboute sur le modèle napoléonien de la France, avec sa matrice d’uniformité aussi raide que la justice ou s’il regarde la France telle qu’elle est, c’est-à-dire riche de sa diversité. Soit il souhaite rester amidonné dans le moule du XIXème siècle, et il lui faudra traiter Paris, Lyon et Marseille comme la Creuse, la Lozère, et les Hautes-Alpes ou inversement. Moyennant quoi, en ce cas, il serait mieux inspiré de ne rien changer, sauf à mécontenter tout le monde. Soit il innove et s’appuie sur la diversité pour reconstruire une unité de la nation fondée sur sa réalité et non sur son mythe. Et alors, les départements lui apparaitront comme indispensables, là où la densité de population est très faible et les intercommunalités de petites tailles. Et ils pourront se confondre avec les métropoles, là où la population est très dense.
Au final, comme en toutes choses, le Chef du Gouvernement doit veiller à ne pas confondre but et moyens. Le but est la performance territoriale : faire que toute entité publique ne fonde son existence que sur son hyper-compétitivité quant au rapport cout/efficacité de ses missions, et non sur son ancienneté ou la force du lobby qui le soutient. Les moyens ne sont pas les déclarations fracassantes qui épatent le temps d’un instant, mais les démarches qui rassemblent et cimentent l’action d’acteurs aujourd’hui désemparés. La question n’est pas « nous les départements, que voulez-vous faire de nous ? » mais « où allons-nous ensemble ? » Les conseils généraux sont des pèlerins au service d’une foi dans l’action publique et non des « agents de voyages pour excursions en aventures électorales ».
Le débat, même mal engagé, pourrait être utile. Encore faut-il lui redonner un cap sans retard !
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