Le Président de la République vient de nous confier, à Martin Malvy, Président du Conseil régional de Midi-Pyrénées (PS), et à moi en qualité de Président de Conseil Général de l’Orne, une nouvelle mission sur la maîtrise de la dépense publique. Nous avons, tous les deux, été choisis pour cette mission parce que nous étions deux chefs d’Exécutifs locaux en exercice et d’anciens ministres du budget.
Ce sujet de la rationalisation de la dépense me tient tellement à cœur qu’elle hantera le livre : « Déficits publics. La démocratie en danger » que je publie et qui sort en librairie le 16 octobre prochain, dans 11 jours.
La dépense publique a atteint un niveau sans précédent. Elle dégrade actuellement nos comptes publics sans garantir pour autant la préservation durable du modèle français de services publics auquel nos concitoyens sont attachés. Un nouveau pilotage est donc urgent à trouver et il est indispensable si nous voulons rendre sa compétitivité à notre pays.
Notre nouvelle mission a pour objectifs de :
- passer au crible les dépenses publiques des trois grands secteurs de l’administration en France (Etat, sécurité sociale et administrations publiques locales)
- mettre à plat les règles clarifiées entre eux (qui ordonne ? qui coordonne ? qui dépense ?)
- examiner plusieurs politiques publiques et voir comment mieux les articuler
- proposer des outils pour rendre plus efficace l’action publique
- ouvrir des pistes d’optimisation et de maîtrise des dépenses publiques en faisant des propositions simples, claires et responsabilisantes pour l’ensemble des acteurs publics.
Pour atteindre tous ces objectifs, Martin Malvy comme moi, constituons actuellement une équipe composée des trois corps d’inspection (finances, affaire sociales et administration). Nos conclusions seront rendues le 1er mars 2014 au Gouvernement. Cette mission ne pourra être menée à bien que grâce à un engagement conjoint de l’ensemble des acteurs de l’action publique.
Monsieur,
Un ami me donne l’occasion de connaître votre démarche politique que je fais mienne, à ma modeste place de praticien, psychiatre alcoologue.
Je me permets de vous joindre un texte qui sera prochainement publié sur le site de l’association et distribué aux congressistes.
La Sécurité sociale fait partie des « exceptions françaises ». Elle est l’œuvre de la République rétablie, du mouvement social et d’une tradition culturelle progressiste, issue des Lumières.
La logique ultralibérale en cours instrumentalise l’Etat depuis trop d’années. Elle entend réduire ses « faux-frais » dans le domaine de la Santé par différents procédés qui éloignent de plus en plus la Sécurité sociale de sa mission première au service de l’intérêt de la population.
Les Mutuelles ou Assurances, donc les entreprises et leurs salariés, font les frais du désengagement progressif de la Sécurité sociale. Il n’est pas évident pour elles de choisir l’efficience (la qualité et l’utilité au meilleur coût).
À l’AREA, nous sommes en désaccord avec une politique dominée par des préoccupations presque exclusivement financières.
De leur côté, et depuis des années, les médecins subissent des contraintes administratives inutiles, dévoreuses de temps, compliquées d’incitations rétribuées, qui visent à les rendre conformes aux objectifs financiers des gestionnaires ultralibéraux.
Il existe curieusement un laisser-faire face aux gaspillages et aux disparités, une fermeture à l’innovation et à un esprit véritablement contractuel s’accordant sur des objectifs et des moyens. Le principe de précaution et le formalisme entravent l’esprit de responsabilité et d’initiative. Les associations de réflexion et d’entraide ne sont pas considérées comme des partenaires par les gestionnaires. Les Agences Régionales de Santé et les différentes structures étatiques conditionnent et perpétuent cette politique, éloignée des intérêts de la population dans plusieurs domaines. Dans ce contexte, le soin psychique, dont fait partie l’alcoologie, est particulièrement laissé en déshérence.
Voici, tout d’abord, quelques propositions d’ordre général, non limitatives, que nous souhaiterions voir adopter :
− Planification négociée de la démographie médicale en fonction des besoins géographiques et des besoins par discipline, ce qui implique la remise en cause d’une liberté d’installation qui ne correspondrait pas aux besoins de la population.
− Contingentement rigoureux des dépassements d’honoraires qui doivent être justifiés et délimités, pour chaque discipline.
− Prix unique encadré du médicament, avec passage programmé dans le domaine public. Disparition à terme des génériques, qui sont des freins à la recherche.
− Rétribution forfaitaire et contractuelle des gardes des week-ends et jours fériés (pour désencombrer les Urgences et restaurer la continuité de la relation de soin).
− Rétribution forfaitaire et contractuelle du temps consacré à la gestion des cabinets, favorable à la création d’emplois.
− Autogestion de la formation continue individuelle et collective − dans le domaine médical mais aussi social − des praticiens qui auront à rendre compte par un document descriptif, tant à la Sécurité sociale qu’à leurs patients.
− Rétribution forfaitaire et contractuelle des actions d’éducation, d’information et de prévention pour la santé :
– à l’intention des jeunes, en lien avec les rectorats,
– des futures mères et des jeunes parents, en lien avec les services obstétricaux et néonataux,
– des familles,
– des personnes ayant commis des infractions sous l’effet de substances psycho-actives, donc de l’alcool,
− Refonte de la politique pénitentiaire avec prise en compte de la souffrance psychique, des besoins de connaissance et de formation.
− Remise en question négociée des méthodologies et des pratiques ayant fait la preuve de leur inefficacité ou d’un coût disproportionné à l’utilité sociale.
− Stimulation de la recherche et de l’évaluation de toutes les formes de soins.
Pour ce qui concerne plus particulièrement le soin psychique et alcoologique, nous devons faire prendre conscience du caractère irréductiblement disparate de ce qui est regroupé de nos jours sous le terme générique d’addiction. Le mot fonctionne comme un fourre-tout qui ne peut convenir qu’à la condition de vouloir ignorer les réalités cliniques et les stratégies thérapeutiques différenciées qu’elles réclament. D’autre part, ce n’est pas une addiction qui définit une personne mais plutôt la psychopathologie sous-jacente, son contexte familial, social et culturel, sans négliger la combinaison des différentes addictions pour cette même personne. Certaines addictions ont un impact plus massif que d’autres. La pire de toute, la plus massive, mais aussi la plus économiquement nécessaire est l’addiction alcoolique. Les plus dérangeantes, ne serait-ce que pour le prélèvement des taxes d’État, restent les toxicomanies aux substances illicites. Tout ou presque peut être à l’origine d’une distorsion addictive, sans pour autant être identifié comme tel. Ainsi, le rapport à l’argent ou aux honneurs n’a pas fait l’objet d’études cliniques sérieuses en dehors des œuvres littéraires, alors que ces déviances mettent en péril notre planète, plus gravement encore que les fanatismes idéologiques. Le statut social fait souvent écran. Dans ce contexte, être alcoologue est une discipline suffisamment large, complexe et éclectique pour passer la main en cas d’addictions relevant d’autres approches thérapeutiques. Quoi de commun, d’un point de vue thérapeutique, entre une anorexique mentale et un dépendant tabagique, un toxicomane à l’héroïne et un « bon vivant » piégé par la dépendance alcoolique ?
Voici quelques propositions qui nous semblent nécessaires :
− Création d’un corps de cliniciens de ville, assurant des consultations de psychothérapie de durée égale ou supérieure à 30mn, distinguées des consultations d’ajustement ou de renouvellement d’ordonnance.
− Individualisation de la spécificité psy-alcoologique, associant la double compétence psychiatrique et alcoologique.
− En raison de la banalité des addictions associées chez un même sujet, et du fait de l’hétérogénéité des soins, mise en place de réseaux addictologiques, intégrant pleinement la médecine de ville.
− Assouplissement du parcours de soin pour le soin psychique et addictologique, en cessant de pénaliser financièrement les patients qui effectuent leur première démarche sans obligatoirement passer par la case du médecin référent. Le spécialiste en psychiatrie et en addictologie est tenu, si le patient en est d’accord, de s’accorder avec le praticien généraliste sur le projet thérapeutique convenu.
− Travail de psychothérapie de groupe, soumis à des référentiels de qualité, validé contractuellement par la Sécurité sociale, pour :
– les personnes directement concernées par la problématique alcoolique,
– leurs proches demandeurs d’aide,
– leurs enfants.
− Élargissement de la couverture sociale à des consultations de psychothérapie validées par la Sécurité sociale par des non-médecins pour des domaines précis tels que les consultations familiales ou des activités corporelles à visée thérapeutique.
Sur ces bases, la Sécurité sociale, les Mutuelles et Assurances pourraient mieux servir les intérêts de la population et de la Collectivité, à un coût social moindre car mieux orienté. Ces mesures changeraient la donne face aux problématiques alcooliques, en s’inscrivant dans un mouvement d’amélioration des conditions de la pratique de la médecine de ville.
Détail oublié : – revalorisation de la consultation
Nous sommes tout à fait hostiles à la généralisation du tiers-payant car elle renforce la déresponsabilisation des patients et dénature un peu plus la consultation. Elle transforme la médecine de ville en médecine de Caisse.
Nous serions favorables au contingentement des consultations par jour ouvrable, en favorisant les consultations sur RV, y compris pour les généralistes, en payant mieux les consultations longues, en dévaluant les simples renouvellements d’ordonnance. La médecine est un exercice d’écoute et d’observation. Elle reste un art. Elle ne réduit pas à la mise en œuvre d’algorithmes et d’ordonnances automatiques.