Spirale2010.jpgDe façon régulière, je suis amené devant différents publics à présenter l’évolution de la dette publique et ses conséquences sur la vie économique. Voici, en 2 billets, quelques unes des remarques (en italique) qui me sont les plus fréquemment objectées. Et bien sur, les réponses qui sont données. Voici le dernier billet.

Et demain ? La dette publique atteignait fin septembre 2009 1450 milliards d’euro, soit 75 % du PIB.

L’exemple de la Grèce qui pourrait ne pas demeurer le seul en Europe, démontre l’inanité des thèses qui affirment le peu d’importance qu’il faut attacher à la dette publique. A cet égard, je tiens d’ailleurs à souligner que ce qui est d’abord préoccupant, c’est son augmentation continue depuis 35 ans, la dépendance croissante qu’elle entraine vis à vis de l’extérieur et les dysfonctionnements majeurs dont elle permet la pérennité.

Ceci dit, il est encore possible de réagir. La France présente de solides points forts. Elle dispose de quelques fleurons industriels et financiers, d’une infrastructure de transports efficace, de cadres de haut niveau et d’une protection sociale importante.

Mais, c’est toute l’ambivalence du « modèle social » français qui repose sur une société à 3 vitesses avec : – des secteurs qui cumulent les protections de l’Etat, au risque de l’immobilisme ; – des secteurs qui font doivent faire preuve d’une forte productivité, car soumis à une forte pression fiscale ; – les « marginalisés », qui ne peuvent présenter la « productivité minimale » exigée pour accéder au secteur précédent et qui récoltent au final les miettes de la protection sociale.

Il convient d’être prudent sur la lecture de certains ratios, qui doivent être affinés. J’ai déjà expliqué dans un billet du mois d’aout que le PIB non marchand était surévalué. De même, lorsqu’on évoque la forte productivité des travailleurs français, on ne compare que la productivité horaire de ceux qui travaillent. Si on prend en compte la moindre durée du travail en France et l’inactivité d’une partie de la population active (sic), cette productivité devient moins brillante. Le premier des maux français, c’est le malthusianisme. Il est illusoire de croire qu’on peut maintenir durablement un niveau de vie élevé en travaillant peu et en pénalisant l’investissement. Comme l’écrivent 3 économistes (CAHUC, ZYMBERBERG, ARTUS ; 2007), « aucune étude empirique ne permet de préciser qu’une réduction autoritaire de la durée du travail pourrait accroître l’emploi. Ce dernier dépend avant tout du coût du travail et de la productivité ». Aussi, loin de créer massivement des emplois, la mise en place des « 35 h » a contribué à la marginalisation des travailleurs les moins qualifiés. En outre, cette mesure qui pénalisait la productivité a été appliquée dans un contexte de dépenses publiques croissantes, tant du fait des effectifs de fonctionnaires que des coûts de retraite. Les salariés français se sont retrouvés ainsi pris dans des ciseaux. Le coût du travail horaire en France est l’un des plus élevé du monde mais les prélèvements obligatoires sont colossaux (60 à 80 % selon les revenus).

Peut on au moins se féliciter de l’écrasement de l’échelle des revenus, de 1 à 6 en France ? Pas si sur … D’une part une « inégalité » n’est pas forcément une injustice (on peut lire à cet égard le philosophe américain John RAWL). Mais surtout, la manière dont cet écrasement est obtenu couvre, lui, d’importantes injustices. Ainsi, quand le bénéficiaire d’un régime spécial de retraite part à 55 ans – ou avant -, lorsque le secteur public embauche des fonctionnaires surnuméraires, on réduit certes l’échelle des revenus, mais on crée de la pauvreté !

Depuis presque 4 ans que j’écris sur ce blog, j’ai souvent eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet. Aussi, je laisse Hubert VEDRINES, ancien ministre de Lionel JOSPIN, le dire à son tour (2007) : « Paradoxe, les dépenses sociales de la France qui représentent pourtant 30% de son PIB, comme dans les pays scandinaves, sont peu efficaces dans la lutte contre la pauvreté, ce qui peut s’expliquer par le « poids et l’inefficacité financière de la sphère publique » comme le dit M.CAMDESSUS. Le système de protection est lui-même devenu inadapté ». Ajoutons que la redistribution permet de s’attaquer avec mollesse aux causes de la pauvreté.

En effet, une explication nous est donnée par la Cour des Comptes, dans un très récent rapport : depuis 1980, les effectifs totaux de la fonction publique ont cru 2 fois plus vite que la population active (36 % contre 18 %). Le rapport annuel de l’Observatoire de la Fonction Publique permet même d’établir que ce rythme d’augmentation est encore supérieur sur la période 2000-2007 (10,7 % contre 4,9 %) ! Certes, une partie de ces mouvements s’explique : l’amélioration de la qualité des soins à un impact sur le personnel hospitalier ; il y a eu d’importants transferts de personnel entre l’Etat et les Collectivités Locales. Il existe au sein du secteur public des « pôles d’excellence » comme par exemple la gendarmerie nationale ou les SAMU. Mais au final, c’est bien la question de la productivité réelle des effectifs publics qui est posée. Personne aujourd’hui ne semble plus maîtriser les embauches, dominées par la logique du « toujours plus » et non par celle du résultat. La croissance du secteur public apparaît comme totalement dérégulée.

Joint à l’absence d’une réforme profonde des systèmes de retraite – qui doit commencer par l’alignement des régimes spéciaux sur le régime général -, la France connaît ici la cause de ses principales tensions paupérisantes que la dette permet de contrecarrer tant bien que mal, en donnant l’illusion d’un revenu que l’on a pas. Accessoirement, n’oublions pas que les retraites constituent une dette implicite représentant 4 à 6 années de PIB. C’est clairement la question de la soutenabilité par les générations à venir qui est posée, d’autant qu’il n’est pas démontré que les prélèvements seront sans impact sur la création de richesses.

Laissons conclure la Cour des Comptes : « au cours des 25 dernières années, les effectifs publics ont continué de croître sans discontinuer … à un rythme très supérieur à l’augmentation de la population et de la population active … La juxtaposition des niveaux administratifs multiplie le nombre de services et celui des agents … Les fréquentes situations de compétences conjointes …ne permettent pas de tirer parti des complémentarités entre services. Au total, la nouvelle répartition des compétences entre collectivités publiques est loin d’avoir abouti à une meilleure maîtrise des effectifs ; elle a au contraire généré d’importants surcoûts en dépenses de personnel, y compris les charges différées de retraite ». Tout est dit !

La France ressemble à ces vieilles châtelaines qui pour maintenir l’illusion de leur grandeur vivent à crédit. L’Etat s’endette et pousse les particuliers à s’endetter. Il a déjà oublié, s’il les a jamais comprises, les causes de la récente crise. Or, nous avons là les ingrédients d’une nouvelle crise financière. Les départs en retraite de fonctionnaires territoriaux vont s’accélérer dans les prochaines années. Faute d’une réforme à temps, la fiscalité locale va répercuter les hausses de cotisations, ce qui aura des conséquences sur une partie de la population, multipliant notamment les cas de surendettement. Une hausse des impôts qui ne pourra être que générale aura des effets déflationnistes terribles, et pourrait chasser les jeunes cadres à l’étranger.

Alors ? Il est encore temps de réagir. Par exemple, considérons les responsables locaux comme des gestionnaires publics et appliquons leur les obligations de la LOLF, notamment en termes d’embauches. Afin d’éviter l’empilement des structures, la mobilité géographique et/ou fonctionnelle doit clairement apparaître comme la contrepartie obligée de la sécurité de l’emploi. Et il est temps de faire évoluer les systèmes de retraites vers un dispositif unique fondé sur des comptes notionnels.