Excellent papier d’Eric Le Boucher dans Le Monde de cet après midi qui traite de la stagnation des revenus de la classe moyenne dans tous les pays développés. Chacun s’accorde à reconnaître que la meilleure réponse politique est l’investissement dans l’éduction, dans la recherche, dans l’innovation, dans l’esprit d’entreprise et les PME. Et sûrement pas dans les mesures protectionnistes ! Lisez-donc le papier :

C’est un problème très sérieux. » Pour Stephen Roach, économiste en chef de la banque Morgan Stanley, la stagnation des revenus de la classe moyenne dans les pays développés est un revers : « On avait expliqué que la mondialisation était un processus gagnant-gagnant pour tout le monde. Pour les salariés du Sud comme pour ceux du Nord. Mais on découvre qu’au Nord, ce sont surtout les détenteurs de capitaux qui y gagnent. »
A Davos, pour Le Monde, il explique que la part des revenus bruts (comprenant salaires, transferts sociaux, retraites) dans le revenu national de l’ensemble des grands pays (Etats-Unis, Eurozone, Grande-Bretagne, Japon, Canada) est tombée l’an passé à moins de 54 %, « niveau historiquement bas », tandis que la part des profits a grimpé à près de 16%.
Normalement, poursuit-il, lorsque la productivité s’améliore, les salariés en touchent les bénéfices. Or, et c’est là le noeud du problème, c’est de moins en moins vrai, ou, plutôt, c’est vrai, mais pour un nombre toujours plus restreint de gens. Le salaire médian (la moitié des salariés gagnent moins) stagne aux Etats-Unis.
Les salariés qui s’en sortent sont ceux qui peuvent faire valoir « une qualité spécifique » de leur travail et qui ne trouvent pas de rivaux ailleurs à moins cher. C’est un défi pour tous : « Le salaire n’est pas donné, chacun doit montrer ce dont il est capable. » Changement individuel énorme par rapport à la période précédente. Même les emplois de service, qu’on a cru longtemps protégés, sont de plus en plus soumis à cette pression, puisque le travail des programmeurs informatiques, des designers, des comptables, des analystes et même des médecins est délocalisable.
Est-ce un phénomène durable, structurel ? « Une transition sans doute, mais pénible et qui va durer longtemps », répond-il. Car, dans les démocraties industrielles, les syndicats sont trop faibles pour obtenir une meilleure part du gâteau. Les revendications vont alors se tourner vers la classe politique, qui est sensible au nombre, poursuit Stephen Roach.
Qu’elle doit être la réponse politique ? « Investir dans l’éducation, dans la recherche, dans l’innovation, encourager l’esprit d’entreprise et les PME. » Mais ce sont des mesures qui paient sur le long terme ; or le cycle politique est, lui, à court terme. Les hommes politiques préfèrent des décisions qui ont « un effet immédiat », gros affichage mais portée courte (salaires des patrons, nouvelles taxes, augmentation du smic). Le pire serait les mesures protectionnistes : pour Stephen Roach, elles sont illusoires et aggraveraient le mal.
La variable essentielle, c’est le temps : les changements s’accélèrent, alors que les pays développés mettent du temps à s’adapter. Là résident la gravité du problème et le danger.
Eric Le Boucher
Article paru dans l’édition du 30.01.07.

N’hésitez pas à réagir sur ce sujet, en essayant de nous élever au dessus du franco-français en campagne électorale.