Depuis quelques jours le débat sur l’euro fort fait rage. Il a progressé de 13% par rapport au dollar depuis le début de l’année (soit de 6,6% depuis le mois d’octobre). Quelles conséquences ? Le Ministre allemand des finances, Peer Steinbrück souhaite « éviter les fluctuations trop rapides et brutales des taux de change » mais il a ajoute que « les parités sont déterminées par les marchés » ce qui conduit, à ses yeux, à abandonner toute « intervention politique ». C’est pourquoi il envisage « une petite pause de la consommation » tout en estimant qu’elle ne sera « pas durable ». De son côté, le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, constate que les mouvements de change ne peuvent pas être qualifiés de « brutaux ». L’interprétation allemande ne partage pas la crainte française puisque P. Steinbrück ajoute : « je ne pense pas qu’il faille être trop inquiet de la situation ni dramatiser les choses, sachant qu’il faut éviter les à-coups et les bouleversements trop brutaux qui peuvent avoir un impact négatif sur l’économie ».
Eric Chaney (chef économiste pour l’Europe de Morgan Stanley) pense que « si l’euro reste au niveau actuel, cela pourrait réduire la croissance de 0,2 à 0,3 point l’an prochain » sachant que Michael Dicks (chef économiste pour l’Europe de Lehman Brothers) envisage « qu’une hausse de 10% du taux de change de l’euro affecte d’un demi-point la croissance du PIB ». Les entreprises exportatrices voient donc leurs produits augmenter sur les marchés étrangers et doivent donc faire face à la concurrence américaine et japonaise. Certains soulignent que l’augmentation de l’euro constituera un inconvénient pour les entreprises qui rapatrient des Etats-Unis certains bénéfices.
Cependant, d’autres nuancent ces avis au motif que l’euro fort a des avantages au niveau du prix d’achat des matières premières et du pétrole. Ainsi, les économistes du Crédit Agricole précisent que les Etats-Unis ne sont pas le seul partenaire de la zone euro : « Le dollar représente environ 20% du taux de change effectif nominal de l’Europe, qui tient compte aussi des monnaies des autres principaux partenaires commerciaux ». Ils observent que le taux de change effectif de l’euro se stabilise depuis trois ans, ce qui leur permet d’avancer « qu’à ce stade l’appréciation de l’euro ne constitue donc pas un danger ». Dans le même sens, Gilles Moëc, chef économiste Europ de Bank of America, ajoute que les Pecos « apportent une contribution au commerce extérieur de la zone euro supérieure à celle des Etats-Unis » et de la même façon, les monnaies des pays émergents se sont revalorisées face à l’euro » ce qui permet de penser que « l’effet change sur la compétitivité des Douze de la zone euro serait donc quasi nul ». Il estime normal le bas niveau des taux d’intérêt à long terme en zone euro car il évoque qu’ « avec une croissance potentielle et une inflation toutes deux de l’ordre de 2%, il n’est pas du tout anormal d’avoir des taux d’intérêt à long terme de l’ordre de 4% ».
Alors que le Ministre allemand des finances, Peer Steinbrück évoque qu’il ne faut pas « dramatiser les choses » en évitant « toute intervention politique », le Ministre de l’économie et des finances français, Thierry Breton a opté pour la « vigilance collective ». Il s’inquiète de la perte de compétitivité de la France. Jean-Claude Trichet rétorque que l’indice pondéré de l’euro par rapport aux monnaies des principaux partenaires commerciaux de la zone euro a progressé de moins de 2% cette année ce qui ne représente donc pas, selon lui, un danger au niveau de la compétitivité.
Parallèlement, la BCE a annoncé une hausse d’un quart de point de son taux directeur qui est donc porté à 3,5%. Son président répétant que le niveau du loyer de l’argent reste « accommodant » !
Ce débat est fort riche. Les acteurs ne semblent habités d’aucun doute, quelque soit leur avis. Le problème est qu’aucun n’a le même. A.B. Galiani ne manquera pas de nous l’éclairer par ses commentaires. Pour ma part, on ne m’enlèvera pas de l’idée que les pouvoirs politiques européens feraient bien de chercher de vraies solutions pour la croissance, ailleurs que dans la monnaie. Une économie compétitive, ce n’est pas seulement une politique monétaire accommodante. C’est une politique budgétaire responsable. Et notamment une maitrise des dépenses publiques qui sont le cancer de nos pays. Ces niveaux excessifs de dépenses révèlent cruellement l’absence de compétitivité de notre sphère publique, laquelle consomme plus de la moitié de la richesse produite chaque année. Modernisons vite, simplifions, introduisons toute la souplesse nécessaire au cadre juridique, fiscal, et social dans lequel agissent nos agents économiques et vous verrez qu’ils feront immédiatement de la France le pays d’Europe de l’ouest à la croissance la plus élevée !
Moderniser, simplifier, c’est très bien. Mais tant que nous garderons un euro fort et une politique monétaire restrictive, cela n’ira jamais bien loin. L’euro fort signifie la prime aux délocalisations et empèche nos PME d’exporter et d’embaucher. L’euro fort signifie la prime aux emplois protégés de la fonction publique, et un accrochage toujours plus important des fonctionnaires sur leurs prérogatives sachant qu’ils ne trouveront pas mieux ailleurs.
D’ailleurs, nos partenairesnos principaux de la zone Euro qui avaient connu un timide rebond début 2006 se cassent les dents à notre suite sur l’Euro fort : le taux de croissance de l’Italie marque le pas depuis juillet et la croissance allemande sera divisée au moins par 2 au 4ème trimestre 2006, selon les dernières prévisions.
Merci l’Euro, Merci Trichet.
Il est plus facile de faire pression sur Mr Jean-Claude Trichet et de mener une politique d’épouvantail type, si l’euro monte c’est la catastrophe, que de réformer nôtre bon vieux cher pays.
Quel intéressant débat que celui de l’impact du niveau des changes sur l’activité.
On peut effectivement s’étonner ou tout simplement constater – et tirer les conséquences – que les avis divergents sont autant d’arguments suceptibles de légitimer une position qui sera utile et adéquate à un moment donné et selon l’intérèt en jeu.
L’économie, c’est bien cela : l’incarnation d’un pragmatisme d’intérèt.
Pour aller plus loin, on peut aussi dire que, pour un certain nombre de produits européens, un euro fort n’aurait que peu d’impact sur le volume des exportations dès l’intant où ces produits sont très spécifiques et dont le savoir-faire n’est détenu que par un petit nombre.
En ce sens, on peut louer un des divers avantages de l’innovation et du progrès : celui de permettre la non-péjoration des exportations d’un pays en cas de forte appréciation de sa monnaie puisque les étrangers continuent d’acheter si le produit n’est pas vendu ailleurs…
Innover, progresser, prendre des marchés, c’est la voie forte qui doit être privilégiée et suivie.
Contester, remettre en question, déplorer, c’est la voie de la faiblesse que la France doit quitter.
ecotone.blogspace.fr/
L’Euro face au dollar a plus d’avantages que d’inconvénients dans sa globalité,tout en sachant que l’exportation de notre production (industrielle et agricole ) en est pénalisée. Dans la concurence mondiale la France a de plus en plus de mal à exporter son coût social que nos productions supportent , là est le vrai débat .
L’Euro face au dollar a plus d’avantages que d’inconvénients dans sa globalité,tout en sachant que l’exportation de notre production (industrielle et agricole ) en est pénalisée. Dans la concurence mondiale la France a de plus en plus de mal à exporter son coût social que nos productions supportent , là est le vrai débat .
Il est grandement exagéré de parler de politique monétaire restrictive et le pire serait d’écouter les taupes du court terme. L’inflation (qui menace) conduirait à un désastre sur le plan de l’emploi
J’attends également les éclairages des théoriciens de la politique monétaire mais d’ores et déjà le simple citoyen-consommateur que je suis remarque :
– que la BCE et donc M.TRICHET ne font qu’appliquer la politique adoptée dans le cadre du traité de Maastricht et à laquelle les Allemands sont particulièrement attachés eu égard à leur histoire
– que la plupart de nos échanges commerciaux s’effectuent dans la zone EURO
– que l’hélicoptère européen " Eurocopter" vient d’etre choisi par l’U.S. Army ce qui est un véritable exploit pour de multiples raisons et notemment eu égard aux clauses de changes défavorables dans le rapport Euro/dollar
– que nous avons tellement pratiqué la dévaluation de notre monnaie ( un avantage de la monnaie unique qui nous en protège désormais ce qui était une facilité conforme à nos moeurs de l’époque ante Euro )que nous n’avons pas encore " digéré " les critères de stabilité auxquels nous avons souscrit et que nous avons tant de mal à respecter
– que les Allemands ne semblent pas gènés par un Euro fort quant on lit leur balance commerciale largement excédentaire alors que la notre….Alors BRETON- ROYAL meme combat ? Eu égard à notre audience en Europe il faut leur souhaiter bon courage car nous risquons encore de nous retrouver bien seuls ( cette fameuse exception française ? …)
€uro fort/€uro faible
Le monétarisme n’est sans doute pas la panacée.
Observons seulement qu’il nous permet d’avoir un niveau général des prix modéré et d’éviter les inconvénients de l’inflation qui fausse tout.
Par ailleurs, la parité usd/eur favorable à ce dernier nous permet d’acheter à meilleur coût les matières première qui sont réglées dans la monnaie de référence des échanges internationaux :l’USD.
Aujourd’hui le problème est celui de la compétitivé internationale de l’Europe relativement aux pays émergents.
On peut charger plutôt l’ex GATT , l’OMC (*)et son dogmatisme , libérer BRUTALEMENT d’un coup(), ravageant au passage l’industrie de l’europe, mais surement pas l’euro fort.
aujourd’hui, on a une monnaie unique à fort pouvoir d’achat .
vouloir "tripatouiller le cours de l’€uro", ne nous garantit pas de devenir durablement compétitif.
reportons nous 25 ans en arrière, la France a fait combien de dévaluations compétitives ? , on nous expliquait le mécanisme de la courbe en " J". mais la France continuait à perdre des emplois…
A vouloir toucher au cours de l’euro , on pourrait se retrouver avec une inflation importée par le coût des MP( pétrole, bauxite, minerais rares) et avec un tissu industriel toujours aussi vulnérable.
(*) nos gouvernements, élites ,ont donné un blanc seing coupable à l’OMC , pliant sous la vulgate primaire des anglosaxons et multi nationaleset leur cabinets d’avocats lobbyistes.
Par yffic31,
Je vous rappelle :
– Que le traité de Mastricht a été signé à une époque où l’idéologie monétariste triomphait. Or, plus aucun économiste sérieux ne se dit plus monétariste de nos jours : on s’est aperçu à l’expérience des nombreuses erreurs de cette théorie.
– Qu’aucune grande banque centrale au monde n’a inscrit dans ses statuts qu’elle doit juguler l’inflation à moins de 2%. Nous avons les statuts les plus draconiens qui soient.
– Que la dernière dévaluation en France date de 1983. Et avait été provoqué par les monstrueux abus économiques et budgétaires des deux premières années de Mitterand.
– Que les justifications de Trichet à la hausse des taux d’intérêt sont absurde : il le justifie par l’accroissement de la masse monétaire. Or, toutes les analyses ont prouvé qu’il n’y avait aucun lien dans les écnomies modernes entre masse monétaire et inflation. Aussi, la banque centrale américaine ne tient-elle plus aucun compte du niveau de la masse monétaire.
– Que l’hélicoptère européen " Eurocopter" sera construit majoritairement aux US ou en zone dollar. Ce qui ne profite pas à l’emploi européen.
– Que le haut niveau des exportations allemandes est en grande partie un mirage : la plupart des produits qui y figurent ont été principalement condtruits à l’est, hors zone euro… Mais sont comptabilisé comme ayant été construits en Allemagne. D’ailleurs, l’économie de l’Allemagne n’est pas franchement plus florissante que celle de la France : le taux de chômage y est plus élevé de presque 2 points et la croissance y est assez faible.
A Jean B
"toutes les analyses ont montré qu’il n’y avait aucun lien dans les économies modernes entre masse monétaire et inflation" : voilà qui est interessant. moi qui travaille fort régulièrement sur ces sujets, je puis vous assurer que l’inflation est bien un phénomène d’origine monétaire, même si c’est une fonction à plusieurs variables. Quant aux grandes Banques Centrales, elles travaillent aussi avec des objectifs d’inflation. Et si la FED ne publie plus M3, il y a toujours une surveillance d’indicateurs monétaires.
Merci Messieurs pour ces éclairages passionnants
Comme ces sujets m’intéressent j’ai écouté E.COHEN sur BFM TV hier au soir et je remarque que je suis plutot d’accord avec son raisonnement dans lequel il inclut AIRBUS dont les composants proviendront de plus en plus de la zone dollar….