La presse nous informe que « Bercy » (curieuse expression, cette maison est pourtant incarnée par des ministres) souhaiterait alléger les droits de succession. C’est une idée proposée depuis plusieurs mois par Nicolas Sarkozy. Bien que je lui sois fidèlement attaché, je ne partage pas son avis sur ce sujet. Même si, comme lui, je pense que les abattements pourraient être élargis afin, par exemple, qu’un couple de cadres moyens puisse transmettre à ses enfants le fruit d’une vie de travail sans prélèvement. En revanche, pour avoir pratiqué cette fiscalité pendant plus de 30 ans dans le notariat, je suis septique sur l’utilité de privilégier la baisse de cette fiscalité, par rapport à d’autres impôts infiniment plus dévastateurs pour notre économie et pour l’emploi.

D’abord parce qu’il faut bien continuer à prélever quelques impôts, sauf à ce que l’Etat n’ait plus les moyens d’accomplir ses missions. Ensuite parce que ce type d’impôt comporte l’avantage rare de ne pas réduire le revenu du travail des personnes. Contrairement à l’IRPP ou à l’ISF. Le prélèvement s’effectue au moment d’une transmission au cours de laquelle un bénéficiaire reçoit, par chance, une part de patrimoine qui lui est offerte. Certes des dispositions particulières doivent être maintenues, voire renforcées au bénéfice des biens faiblement producteurs de revenus, ou pour les entreprises familiales. Puis la tranche à 40 % en ligne directe doit être supprimée.

A-t-on bien cependant conscience que dans un contexte d’extrême prolongement de la durée de vie, les droits de succession restent le seul levier dont nous disposons pour inciter à la transmission anticipée du patrimoine ? L’idée que le patrimoine français soit détenu demain par une majorité de nonagénaires me panique un peu.

L’exonération du conjoint survivant mérite certes d’être étudiée, elle éviterait des changements de régime matrimoniaux pour motif fiscal. Une mesure facilitant la transformation de l’usufruit en pleine propriété pour les enfants serait cependant nécessaire pour éviter le risque ci-dessus évoqué de fossilisation du patrimoine.

Il se dit que cette suppression des droits de succession serait populaire. Bof. Je n’y crois guère. N’est-ce-pas plutôt une façon discrète d’essayer de résoudre les questions qui fâchent comme l’IRPP et l’ISF ? Si c’était le cas, ce serait raté, car je pense que le couple de cadres moyens habitant Paris se trouvant désormais soumis à l’ISF, à cause des prix de l’immobilier, n’auront guère le sentiment d’avoir été compris en baissant … les droits de succession !