Ça y est ! Le Parti Socialiste tient enfin sa potion souveraine contre le chômage : il faut relancer ! Il suffit donc d’augmenter le SMIC à 1500 €, ce qui au demeurant poussera l’ensemble des salaires vers le haut. La démonstration est imparable. Si les ménages ont un pouvoir d’achat accru, ils consomment plus, donc ils achètent plus, donc il est nécessaire d’embaucher davantage. CQFD ! Et pourtant … cette démonstration imparable est pourtant fausse, au risque de provoquer, si la mesure était appliquée telle quelle, de gros dégâts …

Tout d’abord, il faut savoir que depuis 25 ans la France pratique de façon ininterrompue la relance par le déficit budgétaire. Cette façon de soutenir la demande est théoriquement beaucoup plus efficace que la relance par la hausse des salaires. En effet, quand l’Etat dépense 100 € non compensés par des prélèvements, ce sont 100 € de production en plus que les entreprises doivent assurer. Si ces 100 € viennent d’une augmentation de salaire, les ménages épargnant, ce ne sont que 80 ou 85 € qui vont venir gonfler la demande. Pourtant, cette « relance efficace » ne parvient guère à faire tomber le chômage en dessous de 9 %, nous situant parmi les plus mauvais élèves européens. Alors, pourquoi si peu de résultat ?

Dans la théorie économique, la relance s’appuie sur un phénomène de multiplicateur. Ainsi, une demande supplémentaire de 100 €, parce qu’elle se traduit par une production supplémentaire entraînant des versements de salaires supplémentaires, va générer une seconde vague de demande de 85 € qui, par le même mécanisme, va générer une nouvelle vague de 72 € et ainsi de suite. Au final, l’impulsion de 100 doit permettre une augmentation totale de la demande de 666. Fabuleux, non ?

Mais, voilà ! Le mécanisme s’est grippé. Reprenons la démonstration : une demande supplémentaire de 100 redistribuée intégralement en coût du travail ne va que pour moitié dans la poche des salariés, l’autre partie étant prélevée sous forme de charges. Les 50 restant subissent, au moment d’être dépensés, une nouvelle ponction invisible mais bien présente, la TVA. Et n’oublions pas les impôts : sur le revenu, locaux … Bref, l’impulsion initiale de 100 se traduit par une demande supplémentaire aux entreprises de 40 qu’il reste pour effectivement dépenser. La relance ne marche pas car, au final, les prélèvements obligatoires absorbent très vite les hausses de revenus, dissipant ainsi les effets favorables.

Et il ne reste au bout du compte que les effets défavorables : le coût du travail s’est accru et s’il n’est pas compensé par des augmentations de productivité, il contribue à éliminer les travailleurs les plus fragiles. A cet égard, on pourra se référer aux billets d’Alain Lambert en date du 19 juin sur « Le SMIC ou le baiser de Juda » et de moi-même sur « La feuille de paye » en date du 20 juin. Bref, augmenter le SMIC, oui, mais gare au chômage, dans un pays où le coût du travail est le premier obstacle à l’emploi.

Il est enfin étonnant que ce soit les responsables de la dégradation des conditions de vie des plus défavorisés qui donnent aujourd’hui des leçons de générosité. De 2002 à 2006, le SMIC horaire a augmenté de 21 % (contre 13,5 % de 1997 à 2002), alors que le SMIC mensuel a cru de moins de 9 %. Pourquoi un tel écart entre salaire horaire et salaire mensuel ? Ce sont ni plus ni moins que les conséquences de l’application des « 35 heures ». Peut être oublie-t-on trop vite qu’on ne peut à la fois vouloir être riche et refuser de créer la richesse.