Dans un récent rapport sur la mise en oeuvre de la LOLF, la Commission des Finances du Sénat revient sur la discussion du PLF 2006 et émet une série de 16 propositions visant à moderniser la discussion budgétaire. Je vous en recommande la lecture, très instructive sur le bilan de la discussion du premier budget « au format LOLF ». Je me contenterai quant à moi de revenir sur les propositions visant à renforcer la place du débat d’orientation budgétaire (DOB) et à mettre en place un véritable « cercle vertueux ».
Le rapport n° 312 de Jean Arthuis.
La Commission reprend en effet la proposition du rapport Lambert-Migaud de consacrer une semaine à l’examen de la loi de règlement (LR) et de recentrer le chaînage vertueux en reliant l’examen de la loi de règlement non plus avec la loi de finances initiale mais bien avec le DOB (voir précédent billet). La Commission rejoint ainsi notre analyse à savoir que l’impact du Parlement sur la maquette a été bien plus grand en amont de la discussion budgétaire que par l’exercice de leur nouveau droit d’amendement.
En conséquence, la Commission souhaite revaloriser l’objet du DOB en concentrant les débats sur la maquette budgétaire – notamment pour que le Gouvernement puisse tenir compte des propositions dans le PLF. Elle souhaite également que le débat soit élargi à l’ensemble des prélèvements obligatoires (État, Finances locales, Financement de la Sécurité sociale). Cette extension est des plus opportunes car il apparaît de plus en plus indispensable d’avoir une vision consolidée des comptes publics. Reste que cette double extension de l’objet du DOB impliquera de supprimer les discussions générales et, sans doute, de rallonger la durée consacrée à ce débat. On se demandera néanmoins s’il ne serait pas plus efficace de dissocier un DOB – technique – portant exclusivement sur la nomenclature d’une discussion – plus générale – sur la politique budgétaire et l’évolution des prélèvements obligatoires. Cela semble d’ailleurs l’option souhaitée par le législateur organique (art. 48 et 52).
Enfin, notons que la mise en place de ce « cercle vertueux » suppose également une revalorisation de la LR avec certes une extension de la durée d’examen mais surtout avec la mise en place d’auditions des ministres gestionnaires (et non des RPROG, voir un précédent billet) auxquelles participeraient les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis. Cela passe également par un recadrage des débats autour de la maquette budgétaire – préalable au DOB.
Ces propositions – complétées bien entendu par des propositions concernant la discussion budgétaire proprement dite – vont incontestablement dans le bon sens. Elles sont susceptibles de renforcer efficacement l’impact du Parlement sur les choix budgétaires et ainsi de valoriser sa fonction de contrôle. Espérons donc que ces propositions soient effectivement retenues par les acteurs concernés. L’examen de la loi de règlement et le débat d’orientation budgétaire qui se dérouleront dans quelques semaines constitueront ainsi une étape clef dans la revalorisation des pouvoirs budgétaires du Parlement. C’est dire s’il s’agit d’une occasion à ne pas manquer…
Catteau Damien, Université de Lille 2, Institut de Recherche en Droit Public.
Nul lecteur informé n’est à cette heure sans opinion personnelle sur la relation entre la structure de l’administration gouvernementale et la maquette budgétaire. Vous savez d’ailleurs que la structure de l’administration déconcentrée mimera celle de l’administration gouvernementale, puisque les réorganisations de l’administration gouvernementales étant rarement commentées, il est difficile, du point de vue déconcentré, de prédire quelles conclusions tirer de réorganisations de l’administration centrale.
Pensez-vous que les efforts d’importante réorganisation entamés il y a parfois trois ans des ministères soient sans rapport avec de possibles évolutions de la maquette budgétaire ? Sous-entendu, le cadre des possibles réaménagements de la maquette budgétaire n’a-t-il pas été arrêté, au fond, il y a déjà trois ans ?
Au fait, j’en profite pour féliciter le sénat (et les sénateurs, donc) : en pratique, c’est bien là qu’on trouve le plus facilement l’information, au format le plus adapté (exemple parfait ici : en une seule page ou par morceaux, en pdf pour les amateurs d’impressions). D’ailleurs les moteurs de recherche ne s’y trompe pas : le sénat ressort avant les ministères concernés (qui sont très frileux sur la mise en ligne), quant à l’assemblée on ne la voit tout simplement même pas…
A gem,
En effet, on ne peut que louer la très grande implication du Sénat sur le suivi de la mise en application de la LOLF mais également, je pense, sa réactivité face aux évolutions qu’entraîne la réforme… En témoignent les expérimentations réalisées à l’occasion de l’examen de la LR2004, le DOB2006 ou encore les appels réguliers à une évolution des méthodes de travail…
A l’agent,
Je ne peux pas répondre à votre première question car, en toute franchise, je ne l’ai pas bien comprise… En revanche, je suis assez d’accord avec vous, les très grandes lignes de la maquette (et donc de la structure administrative) ont été arrêtées très tôt. Je pense que l’administration n’a pas réellement souhaité profiter des travaux d’élaboration pour remettre à plat son organisation ; elle a plutôt essayer d’élaborer une maquette la plus compatible possible avec les structures existantes, quitte à avoir recours aux services polyvalents ou aux fonctions supports (mais je ne relance pas le débat). Je pense également que l’idée était d’avoir une maquette arrêtée le plus tôt possible pour permettre une application "en douceur" de la LOLF quitte à midifier – via une procédure de révision des programmes – la maquette ultérieurement.
Cela dit, un petit bémol tout de même puisque la maquette a fait l’objet de différents projets de 2003 à 2005 sur lesquels le Parlement a pu véritablement peser (bien plus d’ailleurs que par le biais de son "nouveau droit d’amendement") et les modifications opérées à partir de ces propositions sont loin d’être négligeables (voir le rapport)…
Une fois n’est pas coutume (d’ailleurs, il neige…) je prendrais la défense des administrations centrales, en constatant une intense activité de réorganisation au J.O., concernant tout particulièrement le plus grand employeur du monde depuis la fin de l’armée rouge, à savoir, l’éducation nationale française (un "champion national" méconnu dans le secteur de la GRH, mais non, je blague à peine).
Bien entendu, il n’y a rien de particulièrement surprenant à constater que, pour réussir une telle réorganisation, il n’est pas rare qu’il faille plusieurs années.
Si on admet l’intérêt (très relatif à mes yeux, mais consensuellement admis) que la maquette budgétaire reflète la structure de l’administration gouvernementale et, ce qui est certainement plus important encore, inversement, on en déduira aisément que les marges de manoeuvre réelles sur la maquette se situent dans les réorganisations débutées, achevées ou en cours de l’administration gouvernementale.
Or, toutes les administrations gouvernementales ne sont pas inactives : c’est aisé à vérifier, il "suffit de lire le JO".
Je pense qu’il va bientôt cesser de neiger.
Aucune proposition concernant la mise en oeuvre de la fongibilité asymétrique ? Autant dire qu’on brasse de l’air.
En considérant que 97% des dépenses d’une mission comme l’enseignement scolaire sont de la masse salariale, quel "chaînage vertueux" peut-on espérer mettre en oeuvre sans pouvoir réduire la masse salariale ?
A Bug,
Pas de proposition sur la fongibilité ? Bien entendu ! Ce rapport porte sur le bilan de la discussion budgétaire 2006 et émet des propositions pour améliorer le rôle du Parlement en matière budgétaire. Ainsi, à l’évidence la fongibilité n’a rien à faire dans ce rapport… C’est d’ailleurs une question qui relève de l’exécution de la loi de finances, donc du gouvernement…
A la limite, le rapport aurait pu aborder la question du compte-rendu de l’utilisation des crédits dans la LR, mais il est difficile de proposer des améliorations avant les premiers résultats i.e. la LR2005.
S’agissant de la seconde question, je dirais qu’il ne faut pas tout confondre même si je comprends votre point de vue… Pour réduire les dépenses et dégager des marges de manoeuvre, il faudrait pouvoir jouer sur la masse salariale… La LOLF met en place quelques outils dans ce cadre mais il s’agirait très probablement pour les pouvoirs publics de prendre des mesures volontaires de réduction/gestion des effectifs… je n’insiste pas, ça n’est pas le sujet du billet… En revanche, le "chaînage vertueux" vise à permettre de tirer les conséquences des résultats d’un exercice sur la programmation d’un exercice suivant (en termes de crédits, d’emplois et d’objectifs de performance – je simplifie)… et je pense que le mesures proposées par la Commission vont dans le bon sens…
Cordialement,
D.C.
Damien au sujet de la fongibilité : Je m’étonne que le régulateur que veut devenir le Parlement ne semble pas souhaiter s’inquiéter des limites posées par l’administration à l’amélioration de ses propres performances par les règles qu’elle s’impose ! Mais, fort heureusement, même au Sénat, d’autres s’en chargent :
"Or M. Adrien Gouteyron constate, dans son rapport d’information publié au terme d’un contrôle sur pièces et sur place l’ayant conduit dans cinq ambassades, que les conditions ne sont pas réunies, sur le terrain, pour tirer parti de la LOLF. S ‘il relève un certain nombre de points positifs, il note une absence, la logique de performance, et un oubli, la fongibilité des crédits."
http://www.latribune.fr/News/New...
Mais bon : l’IFRAP a fini par lever le lièvre :
http://www.ifrap.org/0-ouvrirles...
On admirera notamment l’effort méritoire fourni par le ministère de la défense pour optimiser l’usage de 0.01% de son budget
Je ne pense pas que le Parlement (le Sénat en particulier) se désintéresse de la question de l’utilisation de la fongibilité pour améliorer la performance de la gestion… Je pense juste que cette question n’était pas l’objet du rapport Athuis axé sur la discussion budgétaire. En revanche, comme vous le notez parfaitement, dans le cadre des contrôle, le Parlement va inévitablement se pencher sur cette question comme le fait A.Gouteyron. J’avais déjà mis en avant ces conclusions lors de mon billet sur les fonctions supports (qui sont un frein à l’utilisation de la fongibilité). Il faudrait que j’écrive un billet sur ce sujet afin que nous puissions en débattre (ou que je vous renvoie à ma thèse) mais notons qu’on pourra également se demander si la stratification opérationnelle combinée à des règles assez complexes de mise en oeuvre des mesures de fongibilité (voire ayant un effet de recentralisation de la fongibilité) n’a pas justement été un frein à l’utilisation de cet outil… et à se demander si ce grade fou n’a pas été volontairement décidé par peur d’un dérapage des dépenses (mais à l’encontre de la responsabilisation des gestionnaires)…
Il semble que la réponse ne soit pas si difficile à trouver… Cela dit, il faudra attendre la fin de l’exercice 2006, pour que le Parlement se saisisse de la question et, j’en suis sûr, pour qu’il tire les conclusions de l’utilisation de cet outil par rapport à la finalité poursuivie par le législateur organique…
Tant que j’y suis, je vous remercie pour l’enquête de l’IFRAP, je suis moi-même en train d’écrire un article sur le sujet et cette enquête me sera très utile !!! Merci !
Cordialement,
D.C.
De mon point de vue, la raison essentielle des nombreux blocages créés de sorte à interdire tout usage de la fongibilité était d’éviter que l’administration se mette effectivement à réduire ses dépenses, par exemple, en comprimant les effectifs par tous les moyens imaginables !
Car, et je tiens à le re-souligner, à ce jour, c’est l’administration centrale et le gouvernement qui se bagarrent pour imposer des personnels à l’administration déconcentrée qui, elle, fait son possible pour éviter de s’en faire refiler ! Donc ici, c’est plutôt l’échelon central, doté de tous les pouvoirs de décision, qui pousse à l’augmentation de la dépense publique (dois-je encore reciter les récents propos des ministres De Robien et Borloo ?)
Si la fongibilité était effectivement mise en oeuvre, la constituion de GIPs (avec les collectivités locales) ou de GIEs (par exemple, pour l’externalisation des fonctions logistiques ou les mutualisation de compétences entre acteurs) serait rendue aisée par la possibilité pour l’administration locale de s’engager financièrement avec ses partenaires locaux, ce qu’une maîtrise micrométrique des crédits par l’administration centrale et le parlement interdit (comment pourrait-on de bonne foi s’engager quand on sait d’avance que le rouleau compresseur parisien remettra tout en cause chaque année ?).
Maintenant, de vous à moi, je doute que l’électorat attende "la fin de l’exercice 2006" pour se faire sa propre opinion sur ces sujets.
Avec un peu de malice, et également entre nous, je doute quant à moi que l’electorat fasse de la gestion des finances publiques un critère décisif de leurs choix electoraux… C’est une question qui n’intéresse malheureusement que peu de citoyens…
Mais espérons que les choses puissent évoluer, il faut communiquer sur ce sujet… c’est d’ailleurs une des priorités du Minefi… ou l’intérêt de ce blog…
D.C.
J’aurais, dans l’absolu, tendance à partager vos interrogations. Mais j’observe par ailleurs qu’une des stratégies de défausse des élus nationaux ces dix dernières années a été d’une part d’invoquer le poids du passé "25 ans de XXXX" et "l’incompétence de l’administration".
Il est dès lors logique que l’administration, soucieuse du bon usage de l’argent public mais tenue à la plus grande réserve concernant le détail de son activité, s’approprie la dynamique citoyenne créée par les élus pour porter l’intérêt public. Car, après tout, s’il est toujours très difficile de faire la même chose pour moins cher, il est souvent beaucoup plus simple de faire mieux avec moins. Or, faire mieux implique, souvent, savoir se donner des ambitions, mais aussi, savoir renoncer à des objectifs, outils, méthodes ou moyens qui se sont révélés, à l’usage, peu adaptés au contexte.
Or, les questions d’outils, méthodes et moyens sont des questions sans rapport direct avec les finances publiques, mais qui, pourtant, découlent du cadre fixé par les finances publiques. Par exemple, inutile espérer changer significativement l’action de l’état en concentrant la totalité de ses efforts sur 0.01% des crédits employés, comme le fait le ministère de la défense, même en faisant preuve d’audace et de créativité d’un point de vue strictement financier.