Réunion très intéressante cet après-midi à Bercy. Didier Migaud et moi étions invités par Philippe Josse, Directeur du Budget, à la réunion du Collège des Directeurs Financiers de l’Etat. C’était l’occasion pour nous deux, en charge d’une nouvelle mission confiée par le Gouvernement sur la mise en oeuvre de la LOLF, d’entendre le témoignage des acteurs principaux d’une réforme copernicienne que nous, Didier et moi, portons politiquement ensemble, de toutes nos forces, depuis plus de cinq ans. La distinction des hauts fonctionnaires de l’Etat leur a fait nous exprimer, en termes délicats, les sueurs froides que leur ont données les premières semaines de cette nouvelle gestion. Nous avons senti leur volonté de réussir le rendez-vous budgétaire historique qui leur était fixé, en faisant notamment en sorte que les crédits soient en place en temps voulu.
Certes, le poids des contraintes qu’ils doivent gérer, en même temps, est terrible : une contrainte financière très forte ; une modification profonde du pilotage de la masse salariale et de la performance ; une transition très inconfortable des systèmes d’informations et une réforme comptable. La barque est chargée.
Nous en convenons. Cependant, il nous semble que la modernisation de la gestion publique est capitale. Et puisqu’elle émane, – c’est si rare, – de la volonté partagée des principales forces politiques de notre Pays, nous avons tous le devoir d’Etat de la réussir.
Après quelques heures de recul, je constate que de tout ce qu’ils nous ont dit, le plus préoccupant est la fatigue des équipes. Je la sais vraie. La matière budgétaire et la gestion n’attirent plus guère dans l’administration. Il ne faudrait pas que les troupes valeureuses qui sont restées au front se découragent.
Mon intime conviction est qu’il nous faut simplifier à la hache tout ce qui peut l’être. Séparons clairement les difficultés inévitables qui relèvent du démarrage de celles réellement structurelles. Qui doivent vite être résolues par des méthodes radicales. Au bord de l’asphyxie, nous avons le droit et le devoir d’arracher tous les fils que nous avons emmêlés depuis des décennies et qui aujourd’hui nous étouffent inexorablement.
Par exemple, s’agissant des systèmes d’informations qui nous sont si indispensables d’urgence, devons-nous priver la France des instruments dont elle a un impérieux besoin au seul motif qu’elle s’est enfermée, à double tour, dans un droit débile des marchés publics ? Droit qui aboutit à ce que l’Etat achète plus cher que tout le monde, en n’obtenant jamais ce qu’il veut ni quand il veut. La réussite de la LOLF mérite bien un droit dérogatoire pour obtenir, plus vite, la livraison des outils appropriés. Cela ouvrirait peut-être la voie à d’autres vraies avancées de simplifications.
Les autres sujets évoqués ne font appel qu’à notre lucidité. Celle d’admettre que toute dérive technocratique doit être immédiatement stoppée. Lucidité aussi pour mettre fin aux petites guerres de tranchées entre Bercy et les ministères gestionnaires. La LOLF n’est pas une baguette magique qui guérit tous les cancers budgétaires contractés depuis un quart de siècle de laxisme et qui portent les noms de déficits permanents et excessifs, de sous-budgétisations manifestes, de mensonge budgétaire. Elle est un rendez-vous offert par un corps politique qui s’est enfin accordé, malgré toutes ses contradictions et ses oppositions, pour purger cette situation désastreuse. En parcourant tous ensemble ce long chemin de la sincérité budgétaire, nous pourrons alors diffuser des ondes positives aux agents et aux Français, au service desquels nous les avons placés. Ainsi nous nous réenchanterons mutuellement et redeviendrons plus fiers d’être français.
Merci à vous tous Mesdames et Messieurs les Directeurs pour votre engagement.
Quelques photos souvenirs :
"Nous avons senti leur volonté de réussir le rendez-vous budgétaire historique qui leur était fixé, en faisant notamment en sorte que les crédits soient en place en temps voulu."
Mais à quoi avaient donc servi les 4 ans de préparation et les 2 ans d’expérimentations diverses (parmi lesquelles les expérimentations relatives à l’école primaire et élémentaire dans tous les départements), ainsi que les tours de France qu’avaient fait les expérimentateurs pour exposer le résultat des expérimentations ?
Certaines difficultés, par exemple, celles prévisibles depuis l’échec du marvhé Accord2 n’étaient-elles pas prévisibles ? Allons-nous confier à ces mêmes personnes que celles qui ont déjà échoué la mission de réussir ?
Car, et on l’oublie un peu vite, les missions du RBOP sont tout aussi externalisables que celles de l’expert-comptable ou du service financier en entreprise.
L’ambiance à l’air différente que celle des Grosses Têtes. Me trompe-je ?
Je l’ai déjà dit ici, le second effet kiss cool de la LOLF, c’est le dialogue. Il va permettre de balayer l’ensemble des obstacles créés par l’histoire, qui freinent la modernisation de l’Etat et donc augmente avec le temps le mécontentement de français. Si certains obstaclent se dressent, ne faiblissez pas, changez les lois.
Petit clin d’oeil : "lolfie" a la grosse tête et pas de mains, et deux moignons de jambes. Elle regarde vers le bas, son bras pointe dans la même direction. Elle penche à gauche et sa tête à droite : elle ne tient pas debout. Sexy comme une poubelle, vétue d’un ridicule et amateur maillot de bain, ca ne l’empêche pas de nous faire de l’oeil. Son sourire est du genre "dis papa, c’est pas grave, hein ?"
Décodage : elle pense, ne fait rien et n’avance pas. Elle tombe, elle se voit déjà par terre. Mais c’est pas grave…
Quel symbole ! Qui a choisi ce truc ? Je suis rarement d’accord avec la CGT, mais là, faut dire, à Bercy ils ont été … égaux à eux-même, .
Qui a rendu nécessaire la LOLF par ses pratriques ?
Qui a pondu le "droit débile des marché publics" ?
Qui a pris en charge la LOLF, sans faire le minimum syndical en matière réglementaire (pas le moindre petit décret de définition des programmes, des BOP, des responsables de programmes ; pas la moindre réforme des fonctions des directions d’administration centrale ) ?
Qui s’est réveillé en 2005, soit 4 ans après le lancement de la LOLF, alors que rien n’avait été fait jusqu’en 2004 inclus ?
Qui a planté le grandiose projet informatique qui devait incarner la LOLF, plantage qui rend maintenant nécessaire les contorsions auxquelles vous faites allusions à propos du code des marchés publics ?
Qui a soutenu mordicus, et sauvé pratiquement sans l’adapter, le contrôle financier, que la LOLF rend pourtant totalement obsolète ?
Et, en fait, qui a le moins intérêt à la LOLFisation, qui implique le remplacement de la contrainte budgétaire par une contrainte technique (performance, indicateurs de performance) ?
Une seule réponse à toutes ces questions. Bercy.
Nous avons là un symptôme très significatifs du fonctuionnement au sein de l’état : un projet majeur, la LOLF, a été confié à ceux-là même qui avaient le moins intérrêt à son succès. Ca n’est certes qu’un symptôme, mais il indique clairement quelle suite on peut attendre…
Enfin, je me trompe peut-être. Faut espérer…
La première photo (Derrière le lien "Une") montre le début d’une présentation powerpoint laisse à penser qu’une présentation d’un projet de "collège des directeurs financiers" ait eu lieu à l’occasion de cette R.I. : le contenu de cette présentation sera-t-il rendu accessible aux services ?
gem: Un vrai énorme merci de donner une des rares occasions de franche rigolade à vos collègues (avec votre superbe description de Lolfie).
Lolfie est vraiment trop mignon avec son clin d’oeil coquin !
Je me permets une remarque sur ce Collège des Directeurs !
Ne peut-on pas regretter la surmultiplication des collèges, conseils et autres comités interministériels ayant généralement une fonction de pilotage ou une fonction "stratégique". Sans nier l’intérêt de CE collège ni de cette réunion, on peut regretter cette surenchère des structures de pilotage aux contours souvent indéterminés (il suffit pour cela de jeter un oeil au différentes structures sur le site de la moderfie) et aux activités généralement opaques (mis à part le CNCP, le CIAP et le COPIL)…
Bref, je reste un peu réservé sur tout cela à l’heure où l’on parle de simplification des structures et de transparence de l’action gouvernementale… Ne peut-on pas simplifier tout cela – pour une plus meilleure visibilité de la mise en oeuvre de la LOLF ?
"en faisant notamment en sorte que les crédits soient en place en temps voulu"!..à J +150 pour fonctionner 2 fois – de crédits que les autres années (budget de fonctionnement = 2.5 M€) à la même époque, des filatures sans fin pour trouver des crédits qui ne sont nulle part ou pas dans les bons tuyaux, alors ça remonte et ça revient avec des délais trop longs; des fonds de concours qu’on galère pour récupérer si on les récupère ! on gère au quotidien la pénurie et en plus on se doute qu’en septembre-octobre il va falloir dépenser en catastrophe les 3/4 des crédits 2006 ! une gestionnaire de base au bord de la crise de nerfs qui aspire à quitter définitivement les fonctions support
C’est dommage qu’il soit si difficile de trouver sur Internet le budget de la France résumé en un tableau simple, avec d’un côté les dépenses et de l’autre, les sources de revenu. Même du côté du site internet du ministère du budget, on retombe uniquement sur le texte de la loi de finance, compliquée au possible, et au mieux on a des dizaines de fichiers PDF assez peu clairs.
Tout à fait d’accord avec Xerbias… Et ça vaut pour l’exécution des lois de finances
Les crédits en place en temps voulu ? C’est ce qu’ils ont dit ?
En place en retard, je me demande ce que c’est… Trois mois de retard sur les délais de 2005, on a eu, nous, à cause des contrôles préalables des contrôleurs financiers locaux. Et pour quel résultat ? Quelle amélioration ? A quoi ces trois mois de contrôle et validation ont-ils servi par rapport à la gestion de l’an dernier ? Pour ce qui concerne le pouvoir d’obstruction et de nuisance inutile, les services déconcentrés étaient mieux lotis avec l’administration centrale.
Kantouta a mille fois raison. Si les directeurs financiers sont contents, c’est qu’ils voient les choses de loin.
Le plus ennuyeux, et le plus dangereux, dans la réaction des gestionnaires de terrain, ce n’est pas la fatigue. C’est la déception. La fatigue, ce sont les conditions de démarrage. La déception, c’est de se trouver plus contraints qu’avant.
odile: le visa du controleur financier local sur les BOPs était consultatif et, de pure forme. S’il a fallu trois mois l’obtenir, soit mon compréhension de la mise en oeuvre de la LOLF est perfectible, soit il y a eu incompréhension de la mission ou de la règlementation à tel ou tel niveau, ce qui, effectivement, doit attirer l’attention des administrations centrales, soit des innovations règlementaires créatives sont apparues entre temps. On notera avec amusement le cas relevé par la presse de ce médecin légiste marseillais contraint de déménager et s’installer en urgence comme médecin libéral dans la Nièvre faute d’être payé par une administration… rendue incapable de payer.
Il est vrai que les services du budget avaient bien imprudemment garanti qu’ils paieraient les salaires quoi qu’il arrive, interdisant donc toute conséquence trop visible à la non-mise en place des crédits.
Pour voir, d’un seul coup d’oeil, tout ce qu’il est utile de savoir sur le budget et les politiques publiques, il faut aller sur le Forum de la perfomance. http://www.performance-publique.gouv.fr Bonne visite !