Il s’agit dans ce deuxième billet consacré à l’interministérialité dans la LOLF de s’interroger sur la coexistence entre les missions interministérielles et les politiques dites « transversales ». On s’interrogera en particulier sur la complémentarité des deux systèmes, sur les paradoxes de cette coexistence et sur l’effet doublon qui peut également transparaître de cette dernière…

1) Complémentarité : Les politiques transversales sont des politiques qui nonobstant leur caractère interministériel, ne font pas l’objet d’une mission interministérielle pour des raisons de lisibilité. Ainsi il s’agit principalement de politiques dont les crédits sont insuffisants pour faire l’objet d’un regroupement spécifique au sein d’une mission mais qui, par leur caractère transversal, nécessitent une coordination interministérielle. Ces politiques font l’objet d’un Document de Politique Transversale (DPT) qui vient fixer une présentation de la politique transversale, un programme (et un ministère) « chef de file » ainsi qu’une coordination des objectifs poursuivis par chacun des programmes « partenaires » et enfin une évaluation des crédits consacrés à la politique transversale. Ces politiques font également l’objet d’un pilotage par un comité interministériel ad hoc. Les politiques transversales faisant l’objet d’un DPT sont les suivantes : la Sécurité civile, l’Outre-mer, la Sécurité routière, l’Action extérieure de l’État, la Politique française en faveur du développement, la Ville, l’Enseignement supérieur et l’Inclusion sociale.

Les Documents de Politiques Transversales.

2) Effet doublon : La simple comparaison entre politiques transversales et missions interministérielles amène à s’interroger sur un éventuel effet doublon. Je reprendrai ici les inquiétudes formulées par le Sénateur J.Arthuis lors de l’audition de F.Mordacq, alors directeur de la DRB : « M. Jean Arthuis, président, a indiqué que, pour d’aucuns, les DPT semblaient être « les enfants d’un embarras », dans la mesure où, d’une part, leurs intitulés reprenaient celui de missions ministérielles, avec cependant des crédits répartis dans plusieurs missions, comme substitut d’autres missions interministérielles, et qu’ils tendaient à éclater, d’autre part, certaines missions, par exemple, les DPT « recherche » et « enseignement supérieur », envisagés parallèlement à la mission « recherche et enseignement supérieur », ou encore le DPT « ville », à côté de la mission « ville et logement ». Compte tenu de ces éléments, il s’est interrogé sur les modalités de désignation des chefs de file des DPT et, partant, sur les risques éventuels de prolifération d’une « bureaucratie lolfienne » ».

Le compte-rendu de l’audition de F.Mordacq.

3) Paradoxes : Quant à moi, je relèverai simplement quelques paradoxes entre les deux systèmes :

_ Les politiques transversales font l’objet d’une présentation générale, développant la stratégie générale de la politique transversale, alors que les missions (interministérielles) ne font l’objet d’aucune stratégie d’ensemble dans les PAP.

_ Il existe une coordination entre les programmes partenaires et les objectifs qu’ils développent alors que, semble-t-il, la coordination entre les programmes des missions interministérielles a été limitée, les missions ayant été élaborées essentiellement par agrégation de programmes, eux-mêmes élaborés par les ministères concernés.

_ Les politiques transversales sont pilotées par un comité interministériel alors que cela ne semble pas être le cas pour les missions interministérielles (sauf doublon), dont l’exécution s’opère à un niveau ministériel (le programme étant l’unité de gestion).

Au final, au-delà d’un éventuel effet doublon, on peut tout de même se demander si paradoxalement les politiques transversales ne seraient pas plus « interminisérielles » que les missions interministérielles elles-mêmes… et cette interrogation est d’autant plus préoccupante qu’on pourra s’interroger sur le nécessaire caractère transitoire des missions interministérielles…

Catteau Damien, Université de Lille 2, Laboratoire du GERAP-GREEF.