Voici le premier billet d’une série consacrée à l’interministérialité dans la LOLF. L’interministérialité est considérée par les commentateurs comme l’une des innovations fondamentales de la LOLF. Il s’agit au travers de ces quelques billets de synthétiser les principales innovations en matière d’interministérialité et de stigmatiser quelques difficultés que la pratique ne manquera de soulever.
Principalement inspirées par l’exemple britannique des « Cross-Departmental Public Service Agreements », les missions interministérielles ont été introduites par les sénateurs, notamment sous l’impulsion d’Alain Lambert, en première lecture du texte devant le Sénat et ce principalement à des fins de lisibilité et d’efficacité de l’action publique (voir le rapport d’Alain Lambert).
A noter toutefois que si les missions, unités de budgétisation, peuvent être interministérielles, les unités de gestion que sont les programmes sont quant à elles obligatoirement ministérielles. On notera également que pour les missions interministérielles sera désigné un ministère « chef de file » responsable de la réalisation globale de la politique publique concernée. Dans le PLF2006, on dénombre 8 missions interministérielles : Aide publique au développement, Enseignement scolaire, Politique des territoires, Recherche et enseignement supérieur, Régime sociaux et de retraites, Sécurité, Sécurité sanitaire et Solidarité et intégration (Présentation des missions)
L’interministérialité répond à trois finalités :
– Lisibilité des politiques publiques.
En effet, la budgétisation par programmes implique que l’intégralité des actions qui composent une politique publique soit identifiée dans une même « unité de budgétisation ». Cela permet d’avoir une lisibilité plus importante en matière d’affectation des ressources et de programmation des activités. Plus simplement, la mission interministérielle permet de mieux identifier le coût de la politique publique nonobstant son caractère interministériel.
– Coordination des objectifs poursuivis.
L’intérêt de l’interministérialité au niveau de la présentation budgétaire est de permettre, en amont, une coordination des programmes qui composent la mission, d’orienter la mission selon une stratégie commune et opérer une coordination des objectifs poursuivis dans chaque programme. La mission fait de plus l’objet d’une présentation (et d’un compte-rendu en fin de gestion) devant le Parlement par le ministre « chef de file ».
– Efficacité de la réalisation des politiques interministérielles ou transversales.
En aval, au stade de l’exécution de la politique publique interministérielle, le caractère interministériel de la mission permet une coordination des actions pour plus grande efficacité. Cela peut bien entendu passer par la mutualisation des moyens notamment par les programmes de fonctions supports, une coordination des services au niveau central comme au niveau opérationnel puisqu’en théorie un même service peut avoir la charge de plusieurs BOP dépendant de plusieurs ministères.
L’interministérialité est donc, en théorie, une innovation importante de la LOLF, il s’agira donc de s’interroger sur son articulation avec les politiques dites transversales (Billet 2) et sur les limites et le caractère, à mon sens, nécessairement transitoire des missions interministérielles (Billet 3).
Catteau Damien, Université de Lille 2, Laboratoire du GERAP-GREEF.
Billet : La LOLF – Interministérialité (1) : Principes et finalités.
L’inter-ministérialité n’est une nouveauté que pour l’administration centrale : les collaborations entre administrations locales (jeunesse et sport, education notamment), voire, osons, entre administrations d’état et administrations locales (conseils généraux, communes) et même, entre fonds privés et fonds publics sont l’essence même du fonctionnement au quotidien du service public, du moins l’étaient, jusqu’à ce que la mise en oeuvre de la LOLF impose de bien distinguer comptablement les fonds d’état des autres, contraignant, le plus souvent, à une redéfinition des strcutures locales en charge des projets, c’est à dire, de la seule réalité tangible de l’action publique aux yeux des citoyens.
Espérons que l’administration parisienne découvre, avec environ un siècle de retard (par rapport aux règles posées par le ministre Guizot (aux environs de 1830), que l’action de l’état n’existe dans notre société que par le partenariat entre acteurs publics n’appartenant pas tous au même ministère, et parfois même, entre acteurs publics et acteurs privés !
La LOLF – Interministérialité.
Je tiens à émettre une petite précision/rectification… Quant je dis que l’interministérialité est une innovation de la LOLF, il ne faut pas comprendre que les administrations centrales vont découvrir l’interministérialité avec la LOLF… En effet, l’interministérialité est bien connu des administrations centrales qui y ont recours depuis bien longtemps. D’ailleurs, l’interministérialité est particulièrement "en vogue", passez moi l’expression, depuis une dizaine d’année. Il suffit d’ailleurs pour s’en rendre compte de dénombrer par exemple le nombre de comités interministériels créés ces dernières années. Ce qui est nouveau avec la LOLF, c’est la prise en compte dans la budgétisation de l’interministérialité de certaines politiques… Permettant, encore une fois, une coordination des objectifs et activités, une lisibilité du coût des politiques etc.
Pour le reste, même si ça dépasse un peu le cadre de ce billet, je crois au contraire que la LOLF est un bon instrument pour permettre les actions coordonnées que ce soit entre services de ministères différents (interminsitérialité), entre les différents niveaux de l’administration (déclinaison opérationnelle), avec les opérateurs de l’Etat (quelque soit leur statut juridique…), voire même pour envisager des partenariats public-privé… Elle constitue également à mon sens un préalable vers une coordination des différents acteurs de la dépense que sont l’Etat, les collectivités territoriales et la Sécurité sociale…
Maintenant bien entendu, tout est affaire de conviction…
D.C.
La LOLF – Interministérialité.
Ouais, ouais, la situation est beaucoup moins idyllique que Monsieur l’Agent veut bien nous l’expliquer. Il a raison sur le fait que l’administration centrale n’est pas favorable à l’interministérialité. Mais quiconque a eu dans sa vie l’expérience du parcours du combattant entre la DDE, la DDA, la DIREN, la DRIRE, j’en passe et des meilleures se disent qu’il vaut mieux se trouver du côté du comptoir de Monsieur l’Agent que de l’autre. Pour ma part, je pense que si ces administrations avaient une vraie « démarche usager » comme les entreprises ont une « démarche client », les français auraient le sentiment d’avoir une administration efficace, or, actuellement, la doctrine d’application du même droit national par ces administrations est contradictoire, brouillonne, tatillonne, longue, complexe, incertaine, coûteuse, bref, l’opposé de l’efficacité. Je ne sais si la LOLF changera les comportements. Mais je l’espère. A défaut, nous irons entreprendre ailleurs, car c’est vraiment trop compliqué.
La LOLF – Interministérialité.
Moïse: Bien évidemment, il n’y a aucune difficulté à trouver dans les administrations locales la reproduction à l’échelle, mais à l’identique, des comportement féodaux des administrations centrales et toutes les gabegies qui en découlent en termes de guichets multiples, compétences inextricables.
Cependant, je tenais, pour l’essentiel, à souligner que tout ce qui peut fonctionner en pratique en matière d’action publiques *est* le résultat de collaborations entre acteurs publics divers et acteurs privés : cela va de l’école (financement communal, personnels d’état), des collèges et lycées (personnel mixte état, privé, collectivités et financement public/privé/collectivités) du sport en général (financements d’origine innombrable, personnels sous tous les statuits imlaginables incluant l’associatif professionnel), des hôpitaux, grands équipements, universités, transports en général. Et je tenais surtout à souligner que la LOLF restait affectée de cette tare originelle qui consistait à prétendre qu’une seule source d’argent public permet de rendre un service tangible, ce qui est certes commode d’un point de vue comptable, mais tout simplement faux en pratique.
La LOLF veut ignorer que l’argent d’un BOP contribue parfois à une action qui concourt à la finalité du BOP, mais que l’action qui créé le service ne saurait exister par le simple financement d’un BOP ou serait en pratique détournée de son objet initial si elle restait gérée par une seule administration hors la vue d’autres acteurs, collaborateurs et co-financiers d’actions indivisibles dont ils retirent, eux aussi, les bénéfices.
Alors, le jour où l’on se risquera à prétendre auprès du Parlement que quelque aspect que ce soit de l’action public bénéficie de plus ou moins d’argent du seul budget de l’état, en pratique, ce ne sera qu’une énième foutaise. Peut-on par exemple comparer les taux de réussite scolaire à l’argent que l’état consacre à l’éducation en ignorant l’action passée et présente des collectivités et acteurs privés finançant eux aussi la réussite éducative ?