Les commentateurs n’ont pas manqué de mettre en avant la dernière discussion budgétaire, premier budget au format LOLF. Ce moment était attendu par tous ceux qui ont suivi la mise en oeuvre de la loi organique. Certains pourront estimer que la discussion budgétaire 2006 présente un bilan mitigé de la première application de la LOLF (peu de modifications des crédits, une nomenclature quasiment pas amendée, des débats encore insuffisamment orientés sur la performance etc.). Pourtant, le budget 2006 n’est pas véritablement le premier rendez-vous parlementaire de la LOLF…
Le Budget 2006 est certes un palier incontournable dans la mise en place de la LOLF puisqu’il est le premier budget au « format LOLF ». Toutefois, l’objectif était plus d’opérer la transition entre le budget par postes de dépenses et le budget par programmes que de permettre un véritable débat orienté par la performance. En réalité, la logique de la LOLF repose sur l’idée de cycle budgétaire. Dans un budget orienté par la performance, l’élaboration du budget suppose de tirer les conséquences des résultats de l’exercice précédent et donc de disposer des résultats inscrits dans les rapports annuels de performance…
Un cycle budgétaire pour un exercice donné s’analyse donc comme suit :
– L’examen des résultats dans le cadre de la discussion de la loi de règlement, en tenant compte du rapport de la Cour et de la certification des comptes,
– Une procédure de révision des programmes auxquels peut éventuellement être associé le Parlement,
– Le débat d’orientation budgétaire permettant de définir les orientations budgétaires, de tirer les conséquences de la révision des programmes en termes de nomenclature et éventuellement de débattre de la pertinence des objectifs,
– Une phase de finalisation du projet par l’exécutif tenant compte des orientations précitées,
– Une discussion budgétaire permettant aux parlementaires de contrôler l’élaboration des programmes, de réaffecter les moyens de manière plus ou moins fine, et de prendre acte de l’engagement de responsabilité des responsables de programmes sur les objectifs…
Il faut ici souligner l’importance de l’examen de la loi de règlement et du débat d’orientation budgétaire et la nécessité de réaménager le calendrier parlementaire notamment en allégeant la discussion budgétaire.
Ainsi, le premier rendez-vous de la LOLF au Parlement sera l’examen de la loi de règlement pour l’exercice 2006, en 2007. Quant au premier budget suivant la logique LOLF, ce sera donc le budget 2008 discuté à l’automne 2007… Sans compter que certaines décisions de grandes ampleurs (notamment concernant la définition des politiques publiques et sa transposition dans la nomenclature budgétaire) nécessiteront de se baser sur des évaluations des politiques publiques, qui nécessiteront d’avoir un recul encore plus important… C’est dire que la LOLF est une réforme de longue haleine…
Reste enfin, qu’il serait sans doute opportun que les pouvoirs publics profitent de l’exercice à blanc du budget 2005 (avec une préfiguration de la nouvelle nomenclature et les avants- PAP) pour « expérimenter » un examen rénové de la loi de règlement, une revalorisation du Débat d’orientation budgétaire et une rationalisation de la discussion budgétaire… dès 2006.
Catteau Damien, Université de Lille 2, Laboratoire du GERAP-GREEF.
La LOLF : Le premier budget suivant la logique LOLF… en 2008 ?
Bonjour,
Je me posais une question sur le futur de la LOLF. Tout les gouvernements trouvent le moyen de refondre les ministères. J’imagine qu’il pourra en être d’autant avec les indicateurs de performances et les articles d’execution de chaque programme.
On peut aussi envisager que chaque année un même gouvernement afine "ses" indicateurs. Ca risque de demander un sacré boulot au legislateur pour s’y retrouver … d’une année sur l’autre.
Qu’en pensez vous ?
Billet : La LOLF : Le premier budget suivant la logique LOLF… en 2008 ?
Je vais essayer de me montrer le plus clair possible…
S’agissant de la structure gouvernementale, je pense que la LOLF et a fortiori les indicateurs n’auront pas d’influence sur son évolution, sauf, au contraire, à apporter une simplification et une stabilisation de cette structure à des fins de lisibilité de l’action gouvernementale et d’identification des responsabilités.
S’agissant de la structure de l’Administration, en revanche, la LOLF devrait (c’est à espérer en tout cas) permettre une évolution. Notamment une simplification et une diminution du nombre des ministères pour coller à la notion de "départements ministériels" (voir rapport Lambert-Migaud). Toutefois, cette simplification est là encore plus liée, à mon avis, à l’identification des politiques publiques qu’aux indicateurs… En toute hypothèse, le Parlement n’aura pas de "mal à suivre" puisqu’il y a une dissociation de la structure gouvernementale et de la présentation des programmes par "départements ministériels"…
Enfin, la LOLF devrait permettre également, par le biais d’une procédure de révision des programmes, de faire évoluer la structure de l’administration notamment en externalisant, mutualisant etc. certaines activités de l’Administration…
Quant à l’évolution des indicateurs année après année, il faut espérer en effet que ce sera le cas puisque la démarche LOLF suppose une amélioration continue… Quant à savoir si le Parlement "suivra", à mon avis, cela ne devrait pas poser de difficulté eu égard à la répartition des missions par rapporteurs spéciaux et l’attention et la compétence de ces derniers… Mais, vous l’aurez compris, il s’agit ici d’un simple sentiment…
Cordialement,
D.C.
La LOLF !
Bonjour,
Vous parlez de la LOLF, entre connaisseurs, mais puisque vous le faites dans un blog qui s’adresse à tous, pourriez-vous nous donner en tête de votre blog la signification développée du sigle LOLF, éventuellement définir cet ovni et expliquer au néophyte où il se place dans la nébuleuse de l’action publique, avec quels effets attendus ?
Cordialement,
La LOLF
ça veut dire loi organique relative aux lois de finances; sur ce blog on vous dira que c’est l’instrument-panacée pour réguler et contrôler les dépenses des services de l’Etat; que c’est un mécanisme donnant au parlement le contre-pouvoir face à l’éxécutif; moi je vous dirai que c’est une machine à réduire le déficit public et particulièrement la fonction publique ( administrations de l’Etat) et à donner au secteur privé "externaliser" tout ce qui peut être rentable.
Sauf que cette machine a des allures d’usine à gaz et qu’on assiste à des luttes intestines de pouvoir et de contournement, sans compter les systèmes informatiques défaillants et les cocorico, communication oblige, des uns et des autres. Ne pas s’emballer et attendre 2007-2010 ! une gestionnaire de base en voie de lolfisation
La LOLF !
A Jean-Louis,
La Loi Organique relative aux Lois de Finances, c’est en quelque sorte la « constitution financière » de la France c’est-à-dire le texte qui règlemente les modalités d’élaboration, d’exécution et de contrôle du budget… Avant son adoption en 2001, ces règles étaient définies par l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 quasiment pas modifiée depuis 40 ans. Or, celle-ci n’était plus adaptée à une gestion publique moderne : un budget par postes de dépenses (c’est-à-dire axé sur une vision « comptable »), une partie du budget (les « services votés ») qui était reconduite automatiquement ou presque tous les ans (90%), un Parlement bridé etc.
La LOLF vient moderniser les règles en matière budgétaire et comptable en apportant notamment :
_ une meilleure lisibilité de l’action gouvernementale puisque les crédits sont répartis en missions/programmes qui constituent les supports des politiques publiques.
_ une meilleure connaissance des coûts de ces dernières notamment par le biais de la justification des crédits au premier euro.
_ une programmation des activités : outre la nouvelle nomenclature par missions et programmes, cela signifie l’introduction de la notion de performance dans la discussion budgétaire (c.a.d. concrètement la fixation d’objectifs et d’indicateurs destiné à orienter la gestion des services).
_ un rééquilibrage des pouvoirs budgétaires au profit du Parlement afin que celui-ci puisse pleinement exercer ces missions liées à l’autorisation budgétaire et au contrôle budgétaire.
_ une modernisation des règles budgétaires et comptables d’exécution de la dépense.
Mais la LOLF va bien au-delà d’une simple évolution des règles budgétaires puisqu’il s’agit aussi pour l’administration de programmer ces activités, de connaître les moyens financiers et en personnels, de se fixer des objectifs et d’améliorer la transparence autour de la gestion et des résultats atteints. Cela suppose également une modernisation des outils comptables et une modernisation des règles du droit de la fonction publique. Cela suppose également une responsabilisation des agents de l’administration qui, en contrepartie de liberté de gestion, devront rendre des comptes sur leurs résultats, à tous les niveaux de l’administration…
Finalement, il est difficile de résumer une réforme aussi profonde de notre droit budgétaire et comptable, et plus encore de l’ensemble des règles de la gestion publique en quelques lignes… Je vous renvoie donc aux différents billets rédigés sur le dispositif général de la LOLF notamment un billet très pédagogique de Monsieur A.Lambert : La LOLF en langage citoyen (http://www.alain-lambert-blog.or...
Au besoin, il est possible de revenir sur tel ou tel volet de cette réforme d’une très grande ampleur…
Quant à l’avis de Kantouta, s’il y a sans aucun doute quelques parts de vérité dans ces critiques de la LOLF, il ne faut pas, à mon avis, opérer de tels raccourcis :
_ la LOLF vise à rationaliser la dépense (c’est-à-dire finalement de savoir ce que nous coûte la mise en œuvre des politiques publiques et comment « améliorer » ces coûts) mais ne saurait être une « machine à réduire les déficits ». Sur ce sujet, je vous renverrais à un commentaire précédent (http://www.alain-lambert-blog.or... En réalité, comme j’ai pu le dire à plusieurs reprises, la question des déficits et de la mise en œuvre de la LOLF sont des sujets connexes mais qui ne se réduisent pas l’un à l’autre…
_ La LOLF ne vise pas plus à réduire les effectifs de la Fonction publique, encore que là aussi, de nombreux commentaires ont été faits sur ce sujet… Elle vise surtout à mieux connaître les moyens en personnel affectés à telle ou telle activité et à permettre une meilleure gestion (et éventuellement une réduction) de ces derniers…
_ Quant aux « ratés » de la LOLF notamment en termes de systèmes d’information, c’est sans doute vrai mais la mise en place de tels systèmes est une tâche ardue et en toute hypothèse difficile à opérer dans le laps de temps particulièrement court qu’a duré la phase de mise en application de la LOLF… Enfin, sur les « cocorico » et autres communications… ma foi, il y a deux façon de voir les choses : soit on se focalise sur ce qui ne fonctionne pas encore parfaitement, soit au contraire on considère le bond en avant qu’a connu la gestion publique depuis l’adoption de la LOLF et on considère surtout le potentiel que cette réforme a encore à offrir à la modernisation de la gestion publique…
Je dois être un « optimiste de la LOLF » mais je choisis la deuxième… Ceci dit, il reste du chemin à parcourir et l’année 2006, loin d’être l’aboutissement d’une réforme, n’en constitue que la première étape… Il s’agit donc d’analyser les succès et les échecs de la mise en œuvre de la LOLF et de poursuivre l’effort de modernisation…
Cordialement,
D.C.
La LOLF !
amenis: Une remarque sur le fond : ces fameux "indicateurs" ne sont, en théorie, que les résltats de calculs provenant de données brutes.
Il est donc en théorie aisé (et très peu coûteux) de créer de "nouveaux" indicateurs année après année tout en conservant les anciens pour l’analyse pluri-annuelle, voire, calculer les valeurs des "nouveaux" indicateurs pour les années passées à partir des données brutes.
Ce qui signifie notamment que, pour nommer un chat un chat, "modifier" le mode de calcul d’un indicateur ne serait rien d’autre qu’une tentative de manipulation, puisqu’il reste possible de "faire vivre" plusieurs indicateurs relatifs au même sujet côte à côté.
Il est vrai qu’à partir de ce raisonnement on en déduit volontiers qu’il serait possible de calculer l’inflation selon plusieurs normes plutôt que de faire évoluer la norme officielle, ce qui est la pratique actuelle, mais c’est par exemple en observant si ce genre de comportements persistent ou non qu’on pourra en tant que simple citoyen déterminer si la LOLF est prise au sérieux par le consensus trans-partisan qui l’a voulu ou non.