Voici le premier billet d’une série consacrée aux responsables de programmes, acteurs au centre de la nouvelle logique de performance mise en place par la LOLF. Puisqu’un billet d’Alain Lambert traitait, hier, de la modernisation de la fonction publique, j’aimerais aborder, dans un premier temps, la question du recrutement des RPROG.
Actuellement, les responsables de programmes sont essentiellement des directeurs d’administration centrale (directeur, directeur général ou délégué). On trouve également quelques secrétaires généraux (mais il s’agit presque d’une « anomalie ») ou encore des cas particuliers entièrement justifiés, notamment pour les juridictions. Or, ces directeurs d’administration centrale sont tout simplement nommés discrétionnairement par les ministres. Or, si on conçoit bien la nécessité d’avoir une certaine proximité entre le ministre et le RPROG, ce mode de désignation n’apparaît pas des plus transparents, ni des plus performants…
Il serait ainsi opportun soit de prévoir une procédure de recrutement des RPROG adaptée à la logique de performance soit de conserver le principe de nomination des RPROG au sein des directeurs d’administration mais alors en modernisant le mode de recrutement de ces derniers… En particulier, ne serait-il pas opportun d’introduire plus de transparence, de modernité et de « concurrence » concernant ce poste clef de « managers publics » ?
On notera que de nombreux pays, tels la Suède ou encore la Nouvelle-Zélande, se sont dotés d’un tel système de recrutement dont la France pourrait s’inspirer… On peut citer quelques principes intéressants notamment :
- la publication d’un avis de vacance pour ces postes avec éventuellement une ouverture des candidatures, si ce n’est à des pays étrangers (comme c’est le cas en NZ), au secteur privé…
- une procédure de recrutement mise en oeuvre par un organe indépendant selon des critères précisément définis (et publiés) notamment en termes de compétences requises… une évaluation des candidats faisant au besoin appel à des professionnels du recrutement…
- une démarche contractuelle avec notamment une durée déterminée, une négociation de la rémunération et éventuellement la fixation d’objectifs personnels à atteindre (lettre de mission). Il va de soi qu’il est nécessaire d’introduire en effet un système de rémunération en fonction des résultats, comme le propose d’ailleurs, concernant les directeurs d’administration centrale, le rapport Silicani.
- une transparence des rémunérations et des résultats des « nouveaux managers » sur le modèle néo-zélandais…
En toute hypothèse, ne peut-on pas regretter que la fonction de responsable de programme, alors qu’elle est au coeur même de la mise en oeuvre de la LOLF, ne soit définie par aucun texte et finalement n’ait aucune existence juridique ? Ne serait-il donc pas opportun d’élaborer un texte encadrant cette fonction essentielle concernant les missions, le mode de recrutement, les pouvoirs (notamment par rapport aux directeurs d’administration non-responsables de programme du même ministère) et la responsabilité de ces nouveaux « managers publics » ? On notera que certains pays ont opté pour cette voie qui garantit à tout le moins la transparence du système…
Catteau Damien, Université de Lille 2, Laboratoire du GERAP-GREEF.
Bonjour monsieur le ministre,
Excellente initiative que d’humaniser, dans les deux sens du terme, l’administration fiscale !
L’université de Lille II est une des dernières à enseigner le "droit budgétaire approfondi". Excellent cours qui montre le caractère parfois kafkaien de notre système public où les procédures empêchent l’action individuelle…
Le billet de M. CATTEAU me laisse penser qu’il souhaite qu’on applique à la fonction publique certaines modalités de recrutement et donc de fonctionnement du secteur privé.
J’avais l’impression d’avoir compris cette logique en lisant des articles sur la LOLF et je me disais qu’effectivement le souci d’efficacité, de liberté de gestion au quotidien, de performance personnelle et du service devait trouver son fondement dans le privé.
Les agents de l’Etat ne sont pas formés à cela, ma question est donc la suivante, un tel objectif est il réalisable, j’ai une réponse positive à cette question, mon problème est de savoir en combien de temps et je me pose surtout la question de la formation des agents, quel que soit leur catégorie dans la fonction publique pour avoir en eux ce sens de l’objectif et de la performance.
Je précise enfin qu’il n’est pas dans mon idée de dire que les agents publics ne font rien mais que la performance n’est pas par essence une de leurs préocupations.
Votre proposition me semble tout à fait sensée, Monsieur Catteau.
Mais pensez-vous une seule seconde que de telles idées ou du moins, des idées semblables, n’aient jamais été envisagées ?
Si oui, pourriez-vous proposer une explication selon laquelle tout ce qui aurait pu être essayé dans ce secteur ces trente (ou plutôt trante deux) dernières années ait pu échouer ?
Et, dans ce cas, expliquer quel changement proposé par quelle mesure annexe permettrait de mettre à bas les éventuels obstacles qui auraient pu faire échouer les précédentes tentatives en ce sens.
En un mot, quelle théorie ou modèle de la fonction publique comptez-vous employer pour prédire que de telles propositions de mesures aboutiront à quelque résultat que ce soit ?
A B.Deniaud,
Ma réponse va vous sembler "toute faite" mais on ne peut de toute façon appliquer la logique du secteur privé au secteur public sans quelques aménagements… Il s’agit plus de s’inspirer de certaines pratiques du privé en l’adaptant au contexte public… En réalité, je pense surtout au courant de "managérialisation" du secteur public qui réapparaît avec la LOLF et qui ne doit pas, à mon avis, masquer l’importance de règles juridiques et de changements concrets dans les pratiques de l’administration… En somme, il ne s’agit pas d’appeler un directeur d’administration "manager public" pour que le système se modernise…
S’agissant de la formation aux concepts de la LOLF, Monsieur Lambert pourra vous expliquer bien mieux que moi les nombreux efforts de la DRB ainsi que les nombreux moyens investis dans la formation des agents… Il faut d’ailleurs y voir un signe positif puisque ces moyens sont sans communes mesures avec des précédentes réformes liées à la modernisation de la gestion publique…
A l’agent de l’OS,
Il ne fait aucun doute dans mon esprit que dans les administrations, durant ces trente dernières années, il y a bien du avoir quelques idées de ce type qui ont été envisagées… D’ailleurs, pour ne parler que d’un exemple récent, le rapport Silicani expose des propositions qui vont dans l’ensemble dans le sens d’un rapprochement avec le système néo-zélandais (contractualisation, indemnisation en fonction de la performance) sans aller aussi loin peut-être…
Ceci dit, je suis un "jeune" chercheur et je ne suis sans doute pas au fait de toutes les propositions qui ont été émises dans ce sens… ni des raisons pour lesquelles elles ont échouées… mais je vous serais très reconnaissant de bien vouloir m’éclairer sur ce point… même si je ne doute pas que ces raisons sont sans doute plus liées à un certain conservatisme qu’à des difficultés pratiques…
Reste que si les idées ne sont pas nouvelles la question est de savoir pourquoi la situation n’évolue pas… En particulier, la mise en place des responsables de programmes constituait une bonne occasion pour moderniser le mode de recrutement des "managers publics", certains y voyaient l’occasion d’innover… et, au final, la DRB a sur ce point fait preuve d’un certain manque d’innovation… On peut tout de même regretter qu’ait été envisagé de créer des "managers publics" au centre de la logique de programme pour que ces derniers soient en fait "simplement" des directeurs d’administration en charge d’un programme… on peut regretter plus simplement, mais je me répète, que cette fonction essentielle ne soit consacrée par aucun texte et qu’aucun des éléments concernant les RPROG, des missions aux modes de recrutement, ne soient définis…
Concernant votre dernière question, je ne suis pas sûr de pouvoir réellement y répondre, mais personnellement je pense qu’une évolution vers une contractualisation de la fonction de RPROG (ou de directeurs d’administration centrale) est possible… c’est d’ailleurs également l’avis de J.L.Silicani… Après, il s’agit encore une fois d’une question de volonté face à l’inertie qui caractérise parfois l’administration française… mais ce n’est que mon (très) modeste avis…
D.C.
Damien Catteau: comme évoqué maintes fois en ces lieux, les concepteurs de la LOLF n’ont pas jugé utile d’aborder à ce jour la question absolument cruciale selon moi de l’absolu devoir de réserve et de loyauté des agents de la LOLF. Ce n’est donc pas par choix que je ne saurais répondre à vos questions autrement que par des questions bateau, telles que celles apparemment simplistes que chacun pourrait se poser armé de quelque bon sens. Ceci dit, pour vous rassurer, les syndicats ou les partis restent des lieux dans lesquels un débat sincère intégrant des acteurs concernés peut avoir lieu sur ces questions, mais en aucun cas les universités.
Aussi m’excuserez-vous de ressasser inlassablement ce même et unique argument relatif à la LOLF : avant de tout refaire, avez-vous étudié l’existant ? quelles sont vos conclusions ? Faites-vous vos choix à partir de raisonnements, d’intuitions, de dogmes, ou du marc de café ? Et bien sûr, celle que vous venez de subir : croyez-vous qu’on vous a attendu avant de réfléchir à la question ? Pourquoi ne relayez-vous pas les avis exprimés par le biais des rares canaux autorisés ? La défense de l’intérêt publique est-elle compatible avec l’omerta ?
J’aurais pourtant tendance à vouloir souligner le fait que je trouve les hypothèses (et la bibliographie) formulées par versac dans vanb.typepad.com/versac/2… intéressantes à envisager, et notamment, envisager l’hypothèse de contraintes, notamment juridiques, totalement intériorisées au sein de toutes les bureaucratie (d’état, de collectivité, ou des entreprises).
Pour ce qui me concerne, dans l’idéal, ma préférence serait que les responsables de programmes soient recrutés sur des contrats de droit de privé, avec une rémunération qui soit pour partie fixe et pour partie mobile en fonction des résultats. Sa position de "privé", même s’il s’agit d’un fonctionnaire qui s’est mis en disponibilité, le mettrait hors hiérarchie administrative, ce qui me semblerait souhaitable tant que la question des corps n’est pas réglée. Le système d’évolution de carrière en vigueur actuellement dans l’administation est étranger à la performance, il le restera encore des années, c’est pourquoi, il faudrait que les responsables de programmes soient eux-mêmes étrangers à cette sclérose de la haute fonction publique.
En votre qualité de juriste, pouvez-vous me dire si cette hypothèse se heurte au droit qui régit le recrutement au sein de l’Etat ?
Pour le reste, je suis très intéressé par votre billet. Et vraiment, c’est une chance pour nous d’avoir de jeunes au sein de l’université s’intéresser à la modernisation de l’Etat ! Ramenez-nous beaucoup de jeunes gens comme vous, on est tellement désespéré de l’administation !
Votre obsession du droit de réserve fait hurler de rire un contribuable comme moi qui s’indigne de voir le SNUI commenter la politique fiscale des gouvernements. Si les fonctionnaires se tiennent à une obligation de réserve, vous êtes certainement le seul. Quant à prétendre qu’il a déjà été beaucoup écrit sur le sujet et que seul ce qui a été déjà écrit compte, me laisse pantois. J’avais déjà noté par le passé votre propension à soutenir des avis originaux. Mais là vous décrochez le pompom.
Moi, je trouve bien que tout le monde puisse s’exprimer sur le recrutement de ceux qui travaillent au sein de l’Etat, celui-ci n’est pas la propriété des fonctionnaires, comme vous semblez le prétendre.
A Monsieur Catteau j’indique que je ne suis pas favorable à la création de statut nouveau dans la fonction publique qui en compte déjà beaucoup. Je suis donc plutôtn partisan d’un système souple pour trouver les meilleurs managers.
Gérard : juste une remarque : l’une des prérogatives des syndicats de fonctionnaires est justement de ne pas être tenus au devoir de réserve et d’exprimer l’opinion des fonctionnaires à leur place. Il n’est donc pas étonnant qu’ils s’expriment, le plus souvent officiellement : c’est très précisément leur rôle. Maintenant, il est vrai qu’on peut aussi considérer que ce qu’ils peuvent avoir à dire n’a aucun intérêt, surtout lorsqu’ils critiquent invariablement les gouvernements de gauche et de droite se succédant.
Mais il est vrai que j’avais eu le sentiment, peut-être trompeur, que l’un des thèmes majeurs de ce blog était de s’interroger sur les trenter dernières années d’action de l’état. Effectivement, si on ne voit aucun intérêt à prendre le temps de relire les propos passés de ceux qui critiquèrent à peu près invariablement les gouvernements qui sont supposé avoir créé la dette publique actuelle, je cris que j’aurai vite épuisé mon lot d’arguments. Mais, après tout, ce n’est pas si grave : c’est juste l’intérêt public.
A l’agent de l’OS,
Sur le devoir de réserve, je ne serais pas long, je comprend votre point de vue mais je ne suis pas sûr que l’Université ne peut pas être être un lieu d’échange. Pour ne prendre qu’un exemple, les conférences du GERFIP permettent de réunir et d’organiser un débat entre agents, politiques et universitaires… Les échanges quoiqu’un peu courts y sont généralement intéressants… mais je vous ai peut être mal compris…
J’ai pu lire certains des auteurs que vous référencez (notamment M.Crozier). Certes, il existe des contraintes sociologiques, bureaucratiques, politiques et, sans doute juridiques mais je ne suis pas certain que ces dernières soient les plus difficiles à surmonter…
Par ailleurs, bien entendu, je ne prétends pas avoir le monopole de la réflexion. Toutefois, le problème ne vient-il pas du fait que la France a tendance réfléchir de manière très efficace à toutes les solutions envisageables alors que certains pays eux expérimentent d’autres systèmes ? Il est évident que des solutions ont été exposées mais quel est l’intérêt finalement d’exposer des propositions anciennes qui n’ont pas abouties… Les concepts de performance, de contractualisation dans le secteur public ou de managérialisation eux-mêmes ne sont pas nés avec la LOLF, et pourtant il y a eu un pas décisif franchi en 2001… Alors pourquoi ne pas profiter de ce mouvement de modernisation amorcée en 2001 pour remettre le fonctionnement de l’Etat "en question".. une nouvelle fois ?
A Louis,
Merci pour les encouragements. Je ne pense pas qu’un statut de droit privé soit envisageable. Cela poserait indiscutablement de nombreux problèmes notamment juridiques. Pour ne m’en tenir qu’à celles relatives au système LOLF, cela empêcherait notamment la mise en oeuvre de la responsabilité managériale et de la responsabilité financière qui constituent selon moi une clef de l’équilibre du système… par ailleurs, il est nécessaire d’avoir un lien fort entre le ministre et le RPROG toujours pour la mise en oeuvre des responsabilités… Je crois qu’on peut raisonnablement moderniser le recrutement des hauts-fonctionnaires, sans aller jusqu’à une "privatisation" de leur statut… En revanche vous parlez d’un "contrat de droit privé" au début de votre commentaire. La contractualisation dans le secteur public peut tout à fait, à mon avis, emprunter de nombreux aspects du secteur privé : durée déterminée, objectifs, rémunération négociée etc. sans entrer en contradiction avec les règles de droit public…
A Gérard,
Vous parlez d’un nouveau statut, vous faites sans doute référence au RPROG… Je suis plus favorable à l’encadrement juridique de cette fonction (missions, pouvoirs, recrutement, etc.) qu’à la création d’un nouveau statut… D’ailleurs quand je parle d’encadrement, je pense plus à une consécration juridique qu’à un véritable encadrement… Encore une fois, on peut regretter qu’actuellement une telle fonction au coeur de la mise en oeuvre de la LOLF, n’ait aucune existence juridique…
Quant à un "système souple" pour trouver les managers publics, le système actuel discrétionnaire et interne à l’administration est souple mais peu satisfaisant (dans ses principes). Je pense qu’une démarche contractuelle constituerait une solution à la fois souple et efficace… Personnellement, je trouve le système néo-zélandais très intéressant (même si je ne doute pas qu’il doit avoir des limites pratiques). Il ne s’agit pas de calquer ce système en France (ces deux pays ont un mode de fonctionnement totalement différent) mais ne peut-on pas s’inspirer des principes qu’il développe pour trouver un système efficace et adapté au modèle français ? …
D.C.
A l’agent de l’OS
Je rebondis brièvement sur vos remarques… Je pense qu’il y a eu un malentendu… Je suis entièrement d’accord avec vous, il est nécessaire de se remémorer les critiques et les propositions faites ces trente dernières années… C’est indiscutable… Ceci dit, vous êtes par votre expérience indiscutablement mieux armé que moi pour relayer (rappeler) ces réflexions passées…
Ceci dit, dans un billet ou un commentaire (ou même dans une thèse !), on ne peut pas synthétiser ou revenir sur trente ans de critiques et de propositions sur chaque thème abordé… alors sans aucun doute ces réflexions ont une grande importance. Mais, il me paraît tout aussi important d’aller de l’avant et de « relancer » la réflexion sur certains points…
En somme, nos méthodes sont-elles, étant donnée nos expériences respectives, inconciliables ?
Damien Catteau: Je pense que toute action visant à entretenir cet arbre fragile qu’est l’intérêt public recevra toujours beaucoup plus de soutien anonyme et discret qu’on ne veut bien généralement le dire.
Concernant le processus proposé de recrutement des RPROGs, je ne vois pas trop l’intérêt de définir une procédure plus rigide que l’actuelle, par laquelle après tout le gouvernement peut nommer qui bon lui semble quand bon lui semble, à condition de respecter quelques (légères) contraintes de forme. Par contre, il serait logique d’impliquer la responsabilité de l’organisme ou la personne nommant le RPROG en cas d’échec manifeste à atteindre les objectifs, etc… ou d’inadéquation se révélant entre poste et personne. Et puisqu’on ne saurait impliquer la responsabilitré du gouvernement, autant admettre dans le droit ce qui est déjà la réalité dans les faits, à savoir, le fait qu’il existe toujorus au moins un ministre parrain.
Mais je ne vois aucun inconvénient à faire comme en Nouvelle Zélande, ceci dit, surtout si on a pu au passage s’assurer que la promotion de cette nouvelle méthode a permis l’apparition de r&ésultats tangibles et appréciables en matière de réduction des déficits publics..
Je me permets cependant de trouver que le rapport Silicani n’apprécie pas à sa juste valeur les avantages et servitudes, ainsi que le montant de la rémunération des directeurs de l’administration centrale, surtout si on considère à quel point en pratique leur responsabilité effective est faible, par exemple, face aux cabinets ministériel. Je crois profondément qu’au vu de la très faible tentation de l’administration centrale à réduire ou regrouper les directions, il ne serait pas déraisonnable d’envisager que de tels postes ne semblent pas si difficiles à pourvoir que ça. Ceci dit, j’avoue ne pas très bien connaître l’éventuelle relation entre l’action des directeurs d’administration centrale et les performances des services de l’état, mais sans doute estt-ce une vision très éloignée d’une réalité complexe que j’ignore au fond totalement.
A l’agent de l’OS,
Votre commentaire me fait prendre conscience que j’ai en effet laissé de côté une question fondamentale : pourquoi changer le système de recrutement ?
Je pense que les raisons tiennent à la transparence, à l’efficacité, une responsabilisation et enfin une valorisation de la fonction…
_ Transparence : Il n’est pas satisfaisant, je crois, que les RPROG soient nommés discrétionnairement (et selon une "procédure" interne). Au contraire, il faut une transparence sur les modes de recrutement, sur la rémunération et les résultats, non seulement des services, mais également du responsable… Là où l’exemple néo-zélandais est intéressant c’est que le recrutement ce fait dans la plus grande transparence et que les rémunérations des C.E. sont publiées régulièrement…
_ Efficacité : C’est une évidence la nomination discrétionnaire n’implique pas que les personnes nommées soient incompétentes ou que le choix soit uniquement "politique" . Mais, il va de soit qu’un procédure transparente faisant appel à un organisme indépendant avec des critères transparents et une évaluation des candidats constitue une procédure plus moderne et garantissant un choix plus rationnel… A noter également qu’il faut nécessairement un "lien" entre le manager et son "ministre de tutelle". Mais une telle procédure n’empêche nullement qu’un tel lien existe dès lors qu’en NZ, le ministre peut s’opposer au recrutement d’un C.E. et celui-ci ne reste généralement pas en poste s’il perd la confiance de ce dernier…
_ Enfin, la contractualisation permet une meilleure responsabilisation du RPROG/directeur. Il faut également, je pense, une certaine valorisation de la fonction. Les RPROG auront (devraient avoir) dans le système LOLF une responsabilité forte, responsabilité managériale mais également financière (j’y reviendrai dans un prochain billet). Il faut donc rendre attractif cette prise de responsabilité et ce d’autant plus si on introduit la performance dans la rémunération de ces nouveaux managers… Ainsi, pour répondre à votre question, il faut revaloriser la rémunération des D.A.C. et dans le même temps renforcer leurs responsabilités… ce qui est de toute façon indispensable pour le succès de la LOLF…
Enfin, est-ce que le système de recrutement des chief executive a permis l’apparition de résultats tangibles et appréciables concernant les déficits publics ? Je doute qu’il soit possible de le vérifier… mais j’ai le sentiment que des telles méthodes vont dans le sens d’une responsabilisation… donc… cet exemple vaut sans doute qu’on s’y attarde un instant…
Une réponse bien longue et que je trouve pourtant incomplète… mais j’espère avoir répondu, au moins en partie, à vos attentes…
D.C.
Je comprends l’intention de transparence et son intérêt… mais la transparence est-elle à ce niveau envisageable, excusez-moi d’être si direct, alors qu’il n’est pas toujours si aisé, à moins de disposer d’une très grande expérience de l’administration, de comprendre quelle cohérence peut exister entre le discours politique et les décisions par lesquelles sont régaliennement fixées les modalités de sa mise en oeuvre ? Vous imaginez-vous un RBOP, recruté dans la société civile pour sa très grande compétnce mais n’ayant pas la confiance du premier ministre venir exposer au Parlement son échec à percevoir comment concilier objectifs et instructions ? Imaginez-vous les chicaneries et les entraves à l’action de l’état que pourrait sciemment provoquer ce fameux "organisme indépendant" (qui le surveillera, lui ?)
Même si les nominations en conseil des ministres ne choisissent pas nécessairement la compétence technique comme le premier critère de sélection d’éventuels aspirants (on ne se porte pas officiellement volontaire pour ce genre de fonctions : on est nommé, point.), il est rare qu’elles l’excluent totalement. J’admets qu’on peut trouver une telle situation regrettable.
Mais, dans ce cas, pourquoi ne pas recourir à la procédure rodée pour la Commission Européenne : nomination opaque, mais présentation de l’ensemble des RPROGeux au Parlement… ou à une commission indépendante, etc.
Bon, après le reste, les questions de rémunération, enjeux, intéressement, pourraient être à peu près totalement libres. A ce niveau, on s’en fiche un peu : le contrôle et le mécanismes de sanctions (notamment pécuniaires) me semblant autrement plus important.
Concernant les entraves liées l’organisme indépendant, je partage vos craintes encore que là encore la transparence et la responsabilité d’un organe chargé du recrutement des hauts-responsables peut à mon sens atténuer les dérives possibles… En toute hypothèse, si une telle solution reste imparfaite, elle est peut être préférable à un système quelque peu archaïque (je ne dis pas inefficace). Mais la question est trop complexe pour un commentaire nocturne…
Concernant la confiance d’un RPROG recruté dans la société civile, je ne vois pas vraiment la difficulté (enfin presque) pour deux raisons : même avec un tel mécanisme de recrutement, il est nécessaire d’avoir une confiance entre les responsables et les ministres… c’est pour cela qu’en NZ, on met en avant cette relation de confiance (opposition du ministre et confiance du ministre)…
La seconde raison tient plus simplement au mécanisme de responsabilité du RPROG… J’aurais l’occasion d’en reparler dans un billet spécialement consacré à la question mais, pour moi, il ne doit pas y avoir de responsabilité du RPROG devant le Parlement… celle-ci ne pourrait que "masquer" la responsabilité du ministre… Là encore en jeune chercheur un peu naïf, je pose le problème de manière très simple : un responsable de programme ne peut être responsable s’il a reçu des instructions qui l’ont empêché d’atteindre ses objectifs… mais finalement, pour moi la question est ailleurs… elle réside dans la responsabilité du ministre… (à suivre)
Finalement, je suis entièrement d’accord avec vous… aussi importante que soit la question du mode de recrutement ou de rémunération, l’enjeu du succès de la LOLF et de la mise en place des responsables de programme réside dans le mécanisme de mise en jeu des responsabilités (j’y consacre d’ailleurs tout un chapitre dans ma thèse)… pas seulement de celles des RPROG d’ailleurs et pas uniquement devant le Parlement… mais j’en reparlerai et j’espère avoir le plaisir de débattre de cette question avec vous…
"Là encore en jeune chercheur un peu naïf, je pose le problème de manière très simple : un responsable de programme ne peut être responsable s’il a reçu des instructions qui l’ont empêché d’atteindre ses objectifs…"
En pratique, mon expérience m’incite alors à croire que, surtout depuis 1997, il sera toujours possible de très bonne foi sur un intervalle donné d’un an pour de très nombreux RPROGs de trouver de bonne foi au milieu de l’action législative et gouvernementale d’excellents arguments expliquant pourquoi il n’était plus pertinent de chercher à poursuivre les objectifs définis en début d’année en cours d’exercice. D’ailleurs, c’est sans doute pour cette raison que la LOLF n’effraie finalement personne à niveau décisionnaire.
Puisque vous êtes un scientifique, je vous propose une expérience : Choisissez un PROG existant arbitraire à ce jour, une année passée arbitraire entre 1997 et 2005, et trouvez parmi des administratifs volontaires un cobaye souhaitant jouer le jeu d’un RPROG désireux de trouver une bonne excuse pour rejeter de bonne foi sur l’action du parlement, du gouvernement, de l’U.E., etc. des résultats arbitrairement un gros poil à côté d’objectifs arbitraires. . Je vous parierai bien que dans pluis de 50% des cas proposés de bonne foi, le cobaye trouverait des faits objectifs expliquant pour les objectifs proposés étaient devenus irréalistes en cours de mise en oeuvre. Ne sont-ils pas pervers, ces fonctionnaires, ha, je vous jure…. Si, come je le crains, "vous manquez de moyens pour votre recherche", vous pouvez peut-être simplement faire un travail analytique : procurez-vous au ministère de la fonction publique les documents de travail relatifs à la mise en oeuvre des SMRs sur 2003 et 2004, ou, mieux encore, allez interroger Mr Francis Mer à ce sujet, qui a eu l’occasion de voir ça de l’intérieur et ne me semble plus tenu à quelque loyauté que ce soit.