La situation quasi insurrectionnelle qui s’est manifestée ces derniers jours ne devrait être une surprise pour personne. Qui peut croire qu’elle n’ait pas été redoutée depuis des décennies ?
La France est le pays qui a accumulé le plus de rapports sur l’immigration, l’intégration, la promotion sociale des jeunes dans les quartiers. Les moteurs de recherche de l’Internet nous en révèlent des centaines. Des milliards d’euros y ont été consacrés sans résultats. Ce n’est donc pas affaire d’absence de réflexion, de débats, de moyens, de conscience des problèmes. C’est affaire de mode opératoire ! Comme toujours dans notre beau Pays, on sait analyser, bâtir des plans aussi technocratiques que coûteux, sans jamais se poser la question de savoir s’ils sont bien réalistes et conformes aux réalités telles qu’elles éclatent aux yeux sur le terrain.
L’immense malentendu qui se traduit aujourd’hui en violences inadmissibles : c’est que les populations stockées dans des cités à l’urbanisme inhumain ont été placées sous assistance. Elles se sont vues reconnaître des droits sans que leurs devoirs ne leur aient jamais été signifiés et enseignés. Le malaise social, quand ce n’est pas la misère, ont tenu lieu de juste motif pour tolérer l’inacceptable : Désobéissance, dégradations, vandalisme, délinquance juvénile, d’abord. Puis : drogue, argent sale, violences, banditisme organisé.
La seule manière d’en sortir aujourd’hui est d’appliquer les lois en vigueur avec fermeté. Tous les délits doivent être punis. Sans doute faut-il même transposer intelligemment ce qui s’est appliqué ailleurs sous le vocable de « tolérance zéro ». Identifier dans les publics en difficulté tous les jeunes à fort potentiel et leur offrir les cursus les plus recherchés de la République. Nommer dans les fonctions les plus élevées les personnes issues des mêmes milieux afin qu’il soit dit, su, admis et reconnu par tous qu’il n’est pas fatal d’être sans avenir quand on naît dans une banlieue. Pourquoi nos banlieues ne nous pourvoiraient-elles qu’en footballeurs de génie ? ou en rappeurs (j’aime moins) ? elles nous offriront demain des médecins, des scientifiques, des chercheurs (trouveurs), des responsables politiques, à condition d’exiger d’elles autant d’efforts qu’il en est consenti pour elles.
Dites, Monsieur Cadbury, si l’on est pas issue de l’immigration récente, que l’on habite pas une cité, que l’on entre pas dans les quotas qui seront mis en place pour accéder à ces places réservées, ou à l’ENA, y aura-t-il une place pour les autres, sur des choix basés sur des réels critères de compétences et non sur les méthodes à la mode des quotas institutionnalisés ou non ?
Sortir du "malentendu" dont vous parlez va être long et nécessite d’être compris, ce qui ne va pas être facile, mais il n’y a pas d’autre solution raisonnable.
Votre constat est imparable, même si le déterminisme du type pauvreté et malaise social = violence est à mon sens blessant pour tous ceux qui se battent dans la probité et la dignité jusque dans les tréfonds de ces quartiers. Vos réponses sont quant à elles un peu convenues, même si l’on y trouve des idées intelligentes façon Yves Jégo, et même s’il faut bien abattre quelques idées sur la table pour sortir du bourbier.
Je ferai deux observations : la première c’est qu’une fois encore en France, c’est dans l’urgence que l’on réforme, c’est à dire dans les pires conditions.
La seconde, c’est que cette crise d’acné des banlieues n’est pas le fruit de l’absence de traitement du problème depuis trente ans, comme on l’entend trop souvent. Les milliards d’euros dépensés à fonds perdus dans la rénovation urbaine, la politique sociale, la lutte contre les discriminations, le politiquement correct appliqué aux quartiers n’ont pas cessé depuis des décennies, avec en corollaire un abandon progressif de l’affirmation de l’Etat sur ces territoires.
A mon sens, les racines du mal se cachent dans l’absence de réforme du pays tout entier dont la cristallisation de la question des ghettos urbains n’est qu’une illustration. C’est la conviction acquise par la très grande majorité de la population, black, beurs, blancs, vieux ou jeunes, ruraux comme urbains, que l’impuissance de la classe politique dans son ensemble est complète et conduit à un immobilisme généralisé. Balladur avait du stopper à mi-chemin sa réforme des retraites, renforçant l’inégalité public-privé, Juppé a perdu le pouvoir en 1995, Raffarin a raté sa grande réforme de la décentralisation. Pourtant la population est en attente de ces réformes, pour remettre en place l’épaule déboîtée de notre pays. Aujourd’hui ce n’est pas la guerre d’Algérie, ni mai 1968, pas non plus Bagdad ou Beyrouth, mais plutôt l’aboutissement d’une déprime générale. Il serait gravement erroné de croire ce sentiment d’abandon uniquement ressenti dans les banlieues, et ipso facto de n’apporter une réponse qu’aux banlieues, alors que l’attente de réformes fondamentales est générale chez les Français, depuis le petit agriculteur de montagne jusqu’au cadre supérieur ou à l’étudiant qui préfère suivre son cursus à l’étranger.
C’est là que la réponse doit être apportée, autant dire que vous autres élus avez un devoir ardent de multiplier les propositions réalistes mais puissantes pour les prochaines échéances législative et présidentielle. Et de ce point de vue, les surenchères socialistes dans la dépense publique relèvent d’une consternante cécité qui confère à toute réforme le statut d’atteinte inacceptable aux sacro-saints droits acquis
Oh je fais une pause, après mon dernier billet sur le mot Entreprendre. Comme il est épuisant de parler à des sourds ou des "mal-entendants".
Mais à vrai dire à qui s’adresse-t-on? des hommes. des apparatchiks, des clercs? s’il s’agit des premiers où quand comment s’engagent-ils?
La question est donc d’un leadership qui transcende nos divisions. Et si de Gaulle avait été le dernier passeur en 1940 (pas en 1958, évidemment) ?
Entreprendre à la cour des Perses?
Journaliste éco,
Aujourd’hui, c’est Weimar !