En écrivant ces lignes, je pense à nos grands pères qui nous racontaient leur guerre ! Le budget de l’Etat, c’est ma guerre ! j’en serai demain à mon 14ème, sans interruption, les ayant discutés dans tous les cas de figures possibles, dans la majorité, dans l’opposition, au Sénat, à l’Assemblée Nationale, au Gouvernement, comme Rapporteur Général, comme Président de la Commission des Finances, comme Ministre. Bref, c’est une sorte de cérémonie annuelle, interminable, incontournable, réglée de façon immuable comme un arbre de Noël de Comité d’Entreprise !

Pourtant, cette année, un grand changement surviendra, surtout en 2ème partie, celle consacrée aux dépenses, puisque ce sera le 1er budget entièrement discuté, voté et exécuté selon la LOLF dont vous connaissez tout, grâce à la lecture des billets précédents. Nous essuierons les plâtres ! comme l’ont fait nos aînés en 1960, lors du vote du 1er budget selon l’Ordonnance de 1959. Cela s’était plutôt mal passé à l’époque, malgré l’autorité du Général de Gaulle ; les députés ne voulaient pas venir en séance, tant leurs pouvoirs leur semblaient limités. Il est vrai qu’ils s’étaient, à l’excès, régalés durant toute la 4ème République.
Le moins familier de l’exercice est généralement le Ministre des Finances. En France, on en change souvent : nous sommes au 4ème en 3 ans ! Voilà plus de 20 ans qu’aucun n’a accompli toute la chaîne : préparation, proposition, vote, exécution, clôture et présentation des comptes de l’exercice clos (loi de règlement). Peu sont conscients de l’extrême étroitesse de leur durée de vie dans cette fonction.
En toute logique, le nouvel arrivé fait comme si la législature commençait avec lui, faisant mine de s’étonner que nos comptes en soient là. Oubliant au passage que les pauvres majorités dont il sollicite le soutien ont du avaler, depuis plusieurs années, des décisions dont les effets leur sont maintenant implicitement reprochés.
Puis commencent les discours. Interminables. Criblés de chiffres en milliards, en pourcentage de PIB. J’ai même du faire modifier un article (que j’avais laissé passé sans le voir dans l’épuisement de la nuit à Bercy) rédigé sous la forme d’une équation longue comme deux lignes entières du présent billet.
Après une vaste fresque sur l’état du monde, la conjoncture, les astres et la météo, le Ministre donne, comme l’oracle, sa prévision de croissance sur laquelle les journalistes quêtent, parient, s’étripent depuis des semaines. Pourtant, j’ai toujours pensé que le chiffre n’avait guère d’importance. S’il sert aux savants calculs des recettes et des dépenses, il est tellement aléatoire que chacun, à son stade, tient compte de la nécessaire prudence avec laquelle il faut l’accueillir. Pour autant, il donne inévitablement lieu à polémique : s’il est optimiste, un procès en insincérité est immédiatement instruit. S’il est trop sage, il trahit de supposées inquiétudes du gouvernement qui peuvent peser sur la conjoncture. Le meilleur chiffre sera donc celui qui dérange le moins.
Puis viennent successivement les recettes et les dépenses.
Les recettes, ce sont les impôts. Chaque année, ils sont supposés baisser. Depuis qu’on les baisse, il ne devrait plus en rester. Nenni, ils sont parmi les plus élevés du continent. Incompréhensible. La vérité est qu’on les complique. On réduit l’assiette en ouvrant des exonérations en tout genre et on augmente fatalement les taux. Avant de s’étonner que les contribuables renâclent et parfois fuient notre territoire. Vient le temps déchirant des dépenses dont chacun convient qu’elles sont excessives, les plus élevées en Europe ! pourtant les seules propositions qui ponctuent les discours visent à les augmenter. Cette partie m’indigne chaque année. Je ne parviens pas à m’habituer que l’on puisse ainsi dépenser sans vergogne le fruit du travail des Français.
Puis le glas du solde et donc du déficit sonne ! Les mines de deuil fardent les visages. On pense, que dis-je on se promet que cela ne peut plus continuer. Que c’est une honte à l’endroit des générations futures. Toutes les métaphores ont été utilisées, du carnet de chèques des enfants indûment utilisé, au vol pur et simple de l’argent dans leur poche. Rien n’y fait. Cela continue comme avant. Comme disent les plus cyniques, cela durera autant que …les impôts ! Cela reste pour moi une énigme. Comment un grand peuple ayant une si riche histoire peut ainsi s’abandonner à dépenser chaque année un quart de plus que ce qu’il perçoit ?
Mais nous ne sommes qu’au premier jour, ce que l’on appelle la discussion générale, des jours et des jours, des nuits et des nuits suivront jusqu’à l’épuisement des acteurs dans le théâtre vide de nos Chambres.
Ce récit sur le mode amèrement plaisant ne s’éloigne guère de la vérité.
C’est pourquoi nous avons tant voulu notre nouvelle Constitution Budgétaire La LOLF !
J’espère qu’elle portera tous les fruits que nous attendons d’elle.
Je m’arrête car ce soir je suis réputé ne rien savoir ce qui nous sera annoncé demain. Tendons l’oreille et je vous expliquerai les jours prochains plus sérieusement les enjeux.
Bonne soirée aux plus courageux qui ont lu jusqu’au bout !