En lisant successivement Maurice Lévy dans le Monde le 29 juillet qui s’inquiète de la dégradation de l’image de la France dans le monde, et Pascal Salin dans le Figaro le 2 Août sur les blocages de la société française et la difficulté des élites politiques à se remettre en question, j’ai pensé à la chanson de Guy Béart : « le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté » et à l’éternelle question philosophique « lorsque la vérité dérange, faut-il lui préférer l’illusion qui réconforte ? »
L’un et l’autre, chacun à sa manière, manifestent leur exaspération et mettent explicitement en cause la classe politique dans son ensemble. Une majorité de Français de bon sens pense, depuis longtemps exactement ce qu’ils décrivent. Et pourtant rien ne change. Uni dans une étrange complicité, le monde politique français continue à faire bouillir sa petite soupe d’idées fausses sans que l’on parvienne à savoir s’il se berce lui-même d’illusions ou s’il ment.
Cette question de l’illusion ou du mensonge n’est pas sans importance, car elle détermine largement le choix des solutions à apporter. Cependant, comme je postule qu’hélas les deux se conjuguent souvent, le mieux consiste à chercher la meilleure voie commune de sortie. Elle se situe, à l’évidence, à la rencontre du courage et de la vérité.
Au préalable, rejetons irrévocablement ce présupposé qui paralyse la France : les Français seraient réfractaires à la Réforme ! L’excuse est trop facile et fausse. Elle ruine l’éthique dans notre vie publique. Le peuple ne demande pas à ses dirigeants d’être tranquillisé, ou pire anesthésié. Il attend d’être guidé et soutenu.
En second, érigeons d’urgence dans notre pratique politique une vertu première et cardinale tombée en désuétude et qu’on accueille dorénavant avec la douce ironie réservée aux naïfs. Quand elle n’est pas désignée comme la signature évidente d’une hypocrisie machiavélique ou d’un infâme reflux réactionnaire. Il s’agit du COURAGE.
Que tous les Français courageux se lèvent ensemble pour sortir enfin de la caverne décrite dans la République de Platon et dissipent l’illusion qui réconforte pour dévoiler le chemin de la vérité qui rendra aux Français leur liberté et le principal attribut de leur dignité : la responsabilité.
Se complaisant dans une désinvolte facilité, notre époque n’a plus assez reconnu ni encouragé cette belle exigence du COURAGE qui associe lucidité et détermination, défie le conformisme et brave l’impopularité quand l’intérêt général le commande.
Le couple courage / vérité est indissoluble. L’engagement politique digne de ce nom est animé par un idéal et porte des valeurs fortes. Pour être fécond, il doit être fondé sur le courage et une exigence de VERITE. Pas seulement le courage d’exprimer ses idées avant les élections mais aussi de les défendre ensuite à l’épreuve de l’action, et les traduire fidèlement et concrètement dans la vie du Pays. C’est la condition et la promesse de toute réussite.
Or l’exigence de vérité appelle par exemple à donner aux faits qui touchent à la vie des Français le vrai nom qu’ils portent. Appelons le « déficit » une lâcheté. Le surendettement une irresponsabilité qui aboutit à payer nos dépenses avec le carnet de chèques de nos enfants. L’assistance une démagogie qui détruit la dignité de l’homme ; mais aussi une injustice à l’endroit de ceux qui travaillent dur avec de petits salaires. Le travail est une obligation porteuse de dignité et non une aliénation. La détention de capital une nécessité pour financer nos emplois, nos entreprises, et pour en conserver le contrôle. L’excès de dépenses et de fiscalité un frein majeur pour la croissance. La complexité administrative : un cauchemar quotidien. Cessons de transformer le langage de la politique en rengaine usée où même les mots s’usent et perdent leur sens.
Proclamons la dignité souveraine et la primauté du travail comme source de richesse matérielle et morale. Affirmons que l’activité doit demeurer la norme et le chômage l’exception. Pour créer richesse et emplois la France a besoin de l’effort de chaque français en âge et en santé pour travailler.
Affirmons aussi sans complexe ni ambiguïté notre adhésion à l’économie de marché reposant sur la liberté économique comme meilleur gage de réalisation individuelle et de promotion sociale.
Libérons l’économie en réhabilitant et encourageant le beau risque d’entreprendre. Pour gagner, offrons à nos entrepreneurs champions, petits et grands, un terrain réglementaire, fiscal, social favorable. Refusons de nous laisser diaboliser au motif que nous encouragerions la réussite et le profit. Revendiquons-le.
Soumettons l’Etat à l’impératif d’efficacité. Instituons-le « faciliteur » avant d’être contrôleur. Imposons-lui des guichets uniques partout afin de renvoyer la complexité administrative dans son propre camp. En quelques mois il aura tout simplifié.
Acceptons d’être qualifiés de libéraux, en le prenant comme un compliment. Soyons fiers d’être porteurs et défenseurs de la liberté, première promesse de la République, premier mot de sa devise.
S’il est vrai que la pratique politique traditionnelle en France ne parvient plus à gagner la confiance des Français, convenons en revanche que les idées et les projets ne manquent pas. Ni même les hommes. Alors, brisons le carcan de l’immobilité et du conformisme dans lequel ils se sont enfermés. Refusons le court terme comme seule ligne d’horizon. N’obéissons plus à la tyrannie du présent, et à la loi de la facilité.
Nous brandissons notre modèle social comme le meilleur du monde. Qui peut y croire quand on sait qu’il a été financé depuis 30 ans par le déficit, et qu’il accuse un taux chômage parmi les plus élevés. Oui, la France a longtemps éclairé le monde de ses valeurs. Aujourd’hui elle n’est trop souvent que sa propre caricature. Ses incantations amusent. Seule la politique du vrai peut la sauver de l’enlisement et du déclin qui la menacent et lui donner la place à laquelle elle prétend en Europe et dans le monde.
C’est le but que s’est fixé au Sénat un groupe de Sénateurs réunis au sein du Club Courage et Convictions. Il s’est constitué, il y a 3 ans, avant la Présidentielle, pour affirmer ses idées rassemblées dans son « Manifeste pour des valeurs ». Il les croit toujours d’une criante actualité. Et continuera sans relâche à les défendre. Le peuple attend impatiemment de ses dirigeants un cap, une vision, un sacrifice de carrière personnelle offert au profit de tous les Français. S’il est en effet seul souverain pour valider les orientations qui lui sont proposées, les élus ont, eux, pour premier devoir de proposer et d’ouvrir des voies ancrées dans la réalité, et de les mettre en oeuvre, sans faiblesse, ni démagogie. Seul ce courage et cette exigence de vérité rendront à la France et aux Français : audace, élan, volonté pour engager le renouveau tant attendu et retrouver confiance.
Monsieur le Ministre,
je viens de lire votre article Courage et Vérité sur le site du Figaro.
Depuis que, en 1999, littéralement assassiné par un prêtre, Breton, promu depuis évêque de Dax, et alors que je développais, comme une véritable entreprise, un projet innovant en faveur des chômeurs que ce prêtre, alors proche de Lustiger, avait approuvé, j’ai du me résoudre à quitter Paris pour m’exiler au fon fond de la Bretagne puis à La Réunion, je ne cesse de réfléchir à mon expérience assez atypique en France et dans le Monde, comme dirigeant d’entreprise, entrepreneur et acteur social et, à partir de cette expérience, à la France.
Et d’essayer de répondre à cette question: la France a-t-elle un avenir ou est-elle irrésitiblement vouée au déclin et à la déchéance et comment la libérer pour que la première possibilité devienne une certitude.
J’ai nourri ma réflexion d’un très grand nombre de lectures (s’ajoutant mais en plus technique à toutes celles qui ont sous-tendu ma vie) et notamment la remarquable trilogie regroupée dans "De la France" de Alain Peyrefitte.
Et ma conclusion est négative. Et la raison est simple; je l’ai découverte au cours d’une expérience para-ecclésiale de 7 ans achevée comme je l’ai dit plus haut qui fut un véritable voyage en enfer dans l’institution ecclésiale mais qui m’a ouvert, douloureusement, l’entendement.
Le problème de la France est bien celui d’avoir été (et d’aucuns osent encore le répéter) la Fille Aînée de l’Eglise pour devenir elle même une Eglise Catholique laïque … On remarquera, dans cet esprit, la collusion intellectuelle – et historique – qu’il y avait entre de Gaulle et Thorez en 1946.
Pour les mêmes rasons, de même que l’Eglise religieuse se meurt par pallier et on peut dire asymptotiquement de même la France (plus vite pour celle-ci au regard de l’Histoire parce que théocratie presque parachevée (la mort a été plus rapide en Russie parce que , là-bas, la théocratie laîque a été absolue et totale).
Il ya une relation étroite entre catholicisme – jacobinisme -communisme. seul le degré d’intégration a différé qui conditionne le rythme de désintégration.
Courage dites vous? Je n’en ai jamais manqué au risque, fréquemment, de ma carrière et même de ma vie et, notamment, en ne cessant de réclamer dans ce pays qui prise tant les symboles, la Réforme du Statut de la Fonction Publique et la suppression dans ce statut du privilège électif.
Cette cléricalisation de la France (où tant de français voudraient être clercs pour être portés par une institution en lui donnant sa liberté etc et qui va avec) c’est notre garrot. Mais un garrot que nous serrons nous même dans une évolution suicidaire, tous azimuts.
Je suis prêt à devélopper cela mais je n’ai plus maintenant de moyen d’action ayant été réduit à quia et à la précarité. Mais je suis prêt à participer à un exercice de sauvetage, quand bien même la chance qu’il réussisse serait faible et le risque d’y passer grand.
Gabriel Fradet
Je réitère :
La France ne s’en sortira que lorsqu’elle se sera complètement débarrassée (j’entends psychologiquement) de la Tunique de Nessus de son passé religieux.
Ce n’est pas en ignorant cette problématique typiquement française (et je puis l’affirmer pour bien connaître 20 pays occidentaux et le cas français) que vous ferez avancer les choses. Sujet tabou, je le sais. Sujet qui inspire la peur? je le sais! mais on ne peut écrire ce que vous écrivez dans Le figaro ni déclarer ce que vous déclarez au frontispce de votre club sans accepter un témoignage de vérité. Ce qui est le cas!
Certes, l’homme politique d’Alençon ne peut , dans cette ville si caractéritique d’une ancienne France, se mettre à dos l’épiscopat. Mais ce faisant il ne peut prétendre être un homme politique de vérité mais un homme politique tout court selon la définition qu’en donnait Clemenceau.
Si l’être humain est resté un loup pour l’homme c’est en raison de sa peur ontologique et de la peur existentielle qui s’y ajoutée du fait des institutions religieuses qu’il a forgées pour tenter d’échapper à la première.
Et je l’affirme, oui, encore et encore, cette peur existentielle a atteint en France le génôme français parce que le religieux y a été souverain et a poussé très loin l’imprégnation et durablement d’une peur existentielle qui a conduit ce peuple aux dérives suicidaires que l’on sait. C’est Drewermann que bien de spoltiques devraient lire, par exemple.
Et il faudrait savoir comment résoudre cette grave atteinte qui peu à peu nous désintégre. Le nier, ce que vous faites, c’est d’une certaine manière participer à ce crime millénaire.
Gabriel Fradet