Comme la presse commentera cette décision, à partir d’informations plus ou moins justes, autant livrer mon point de vue en qualité de Président de cette Instance.
Nous avons été saisis une première fois sur ce sujet, et nous n’avions pas, à l’époque, des informations sur l’impact financier des mesures résultant de ce texte, nécessaires pour nous prononcer. Nous avons donc utilisé notre droit à reporter notre décision. Le Premier Ministre nous a saisis en extrême urgence et nous nous sommes réunis mercredi après midi.
Le ministère de l’Education Nationale nous a communiqué des informations incomplètes mais méritoires.
-Incomplètes puisque, par définition, s’agissant d’une nouvelle politique qui, de surcroit, peut donner lieu à dérogations, il est impossible de connaître par avance le coût d’application de mesures dont on ne connaît pas le nombre d’usagers.
-Méritoires car des efforts substantiels ont été accomplis pour essayer de clarifier la situation et un dialogue constructif a été très ouvert.
Nous devions donc nous déterminer dans l’extrême urgence.
Adopter un avis défavorable au seul motif que nous n’étions pas en mesure de connaître précisément l’impact financier du décret était le plus confortable. Nous aurions eu bonne conscience et le Gouvernement serait « passé outre », le dialogue aurait été rompu. L’intérêt des enfants, qui doit rester notre première préoccupation, serait alors devenu subsidiaire.
Nous avons fait majoritairement le choix de l’audace et de la confiance. Nous avons émis un avis favorable assorti des modalités qui, seules, permettront de savoir qui a décidé quoi et qui paie quoi. Nous avons ainsi constaté que le décret emporterait des obligations pour les communes, les EPCI et les Départements, lesquelles auront immanquablement des conséquences organisationnelles et financières significatives. Que les impacts financiers prévisionnels ne pouvaient cependant pas être totalement évalués pour la première année dont l’application n’est pas uniforme. Qu’en revanche, au terme de la première année d’application, tous les coûts induits pourront être calculés et imputés, soit au décret, soit à la libre volonté des collectivités. Et qu’ainsi nous disposerons de toutes les informations pour calculer les compensations financières dues par l’Etat aux collectivités.
En prenant cette décision, nous marquons notre volonté indéfectible de ne pas retarder la mise en œuvre des politiques publiques démocratiquement décidées. Mais nous accomplissons notre mission qui est d’éclairer les administrations publiques sur les impacts financiers des mesures qu’elles décident et nous laissons aux instances, dont c’est la compétence, le soin de décider des compensations à verser.
En pratiquant ainsi, nous fécondons un nouveau concept juridique et financier en vigueur au Canada qui est celui de « l’imputabilité ». L’imputabilité est un régime qui instaure une traçabilité pour chaque dépense nouvelle permettant de connaître quelle administration l’a décidée et laquelle la prendra en charge. Ce concept permet la transparence entre celui qui décide et celui qui paie. Soit il s’agit du même et il n’a de comptes à rendre qu’au contribuable. Soit celui qui décide ne paie pas et il doit rendre compte à celui qui paie.
L’action publique est infectée de politiques partagées où chacun commande et personne ne veut ou ne peut payer. Les déficits deviennent excessifs et la dette s’accumule. Il faut en sortir enfin et nous ranger aux bons principes de l’adage « qui commande paie » et quand celui-ci ne paie pas, il demande au payeur son avis, voire son autorisation AVANT la commande !
Il est trop tôt pour savoir ce qu’il adviendra de cette réforme, bonne dans ses intentions mais précipitée dans sa mise en œuvre. En tous cas, la CCEN aura « fait le job » pour émettre un avis responsable, non bloquant, mais appelant chacun à prendre ses responsabilités.
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