Le 11 mars dernier, « cinq députés représentant différentes sensibilités de la majorité présidentielle, dont Gilles Le Gendre, annoncent, dans une tribune au « Monde », la création d’un think-tank nommé « Le Défi démocratique ». Selon ses promoteurs, « l’enjeu crucial » d’un nouveau mandat du chef de l’Etat est de « réinventer la démocratie en France ».
Il est salutaire pour notre démocratie que des parlementaires aient su s’émanciper du « fait majoritaire » pour ouvrir le dialogue, hors leurs murs, sur les voies de sortie possibles de l’impasse institutionnelle dans la laquelle le Pays s’est enfoncé.
Il n’est pas sûr que ce soit une bonne idée d’y mêler, dès à présent, le Président de la République, car la personnalisation extrême de la vie politique dans la période actuelle risque de freiner la liberté de parole pourtant indispensable, ou même de stigmatiser inutilement la personne du chef de l’Etat.
Il n’est pas besoin d’être Grand Clerc pour situer le désordre institutionnel à l’instauration du quinquennat et l’inversement du calendrier, il y a plus maintenant plus de vingt ans. Depuis cette date, aucun président n’a été renouvelé. Certes, Jacques Chirac ne s’est pas représenté, ni François Hollande, mais aucun de ses successeurs n’a été élu pour un second mandat. La lourde hypothèque qui pèse sur la prochaine élection présidentielle de 2022 pose crument la question de savoir si le quinquennat est renouvelable ? Il est surprenant d’avoir presque unanimement constaté qu’il était quasi impossible pour un premier ministre de devenir Président. Et de vouloir transformer les Présidents en Premier Ministre. La logique échappe au simple bon sens.
Comment a-t-on pu en arriver là ? Comment n’avons-nous pas vu que cette totale concomitance entre le mandat présidentiel et le mandat des députés supprimait de facto la séparation des pouvoirs qui est pourtant l’un des fondements de la démocratie ? Comment peut-on lire, ici ou là, que l’on peut encore accroitre la dérive en supprimant le Premier Ministre ? Alors qu’il reste pourtant le seul dérivatif à la vindicte populaire.
Les régimes présidentiels existent certes dans certains Pays, presque tous fédéraux, peu dans les régimes unitaires. Ils supposent un Parlement aux pouvoirs quasi équivalents à ceux du Président, afin de préserver l’équilibre nécessaire. Des pouvoirs, mais aussi des moyens qui supposeraient de transférer au Parlement une partie de l’administration d’Etat, et notamment des corps d’inspection. Enfin, le « fait majoritaire » que n’existe dans aucun texte mais qui domine le fonctionnement de la 5ème République rend la recherche d’équilibre vaine.
L’idée consistant à réduire les pouvoirs du Président, par exemple en supprimant le droit de dissolution, ne renforcera pas pour autant le Parlement. Lequel n’a jamais été capable d’adopter une motion de censure, sauf sous la Présidence du Général de Gaulle. La dissolution est indispensable pour permettre au chef de l’Etat de rendre la parole au Peuple quand il est en colère.
Les députés dans leur tribune suggèrent de nous hisser à la hauteur de 1946 et de 1958. Ils pourraient utilement relire le discours de Michel Debré devant le Conseil d’Etat en aout 1958, il résume tout des limites des 3ème et 4ème République et des espoirs fondés sur les nouvelles institutions de la 5ème République. Si celles-ci n’avaient pas été autant déformées, elles seraient encore opérantes aujourd’hui. Il suffirait d’y revenir. Et notamment au septennat, renouvelable une fois pour cinq ans, ou non. L’alternance politique qui s’est produite deux fois au terme de la 5ème année a, chaque fois, permis un rééquilibrage des Institutions. Une étude objective de ces deux périodes démontrerait probablement qu’elles ont été plus fructueuses démocratiquement pour la France que l’inverse.
Si pour reprendre le titre de la tribune, « c’est la règle du jeu démocratique qu’il faut changer », alors c’est par la durée du mandat présidentiel qu’il faut commencer.
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