Le Monde d’hier soir, sous la plume d’Audrey Tonnelier, s’interroge sur une éventuelle forme de frilosité du Président Emmanuel Macron à réduire les dépenses publiques, au risque d’inquiéter les investisseurs et chefs d’entreprises. Pour avoir consacré ces vingt dernières années de ma vie à ce sujet, je crains que le vocabulaire et la méthode ne soient devenus caduques.
Du ratio de Pib aux euros sonnants et trébuchants
S’agissant de la réduction de la dépense, soyons précis. S’il s’agit de les réduire en ratio de PIB, chacun s’accordera sur l’urgente nécessité d’y parvenir. La croissance y aidera mécaniquement. Mais cet impérieux objectif ne pourra être réellement atteint qu’avec le soutien de l’opinion publique. D’où l’incontournable obligation de lui parler dans sa langue. Les Français raisonnent en monnaie courante, au sens propre. Lui parler en pourcentage de production nationale n’a aucun sens politique. Cependant, même la presse spécialisée s’y laisse prendre, elle s’enivre d’un dixième de point d’un montant incertain qu’elle ne connait pas et dont elle ne tient pas informé le Pays.
Des comptes publics compréhensibles par tous …
S’agissant de la programmation des finances publiques du quinquennat, il est bien temps de s’en étonner. Le candidat Emmanuel Macron n’avait rien caché, puisque son équipe de campagne avait clairement reporté en fin de mandat l’effort indispensable à réaliser. Malgré tous mes efforts, je ne suis jamais parvenu, à l’époque, à obtenir d’un seul média une traduction en euros des programmes de stabilité des candidats à la présidentielle. Ce qui ne manque pas d’être troublant, quand on se rappelle que le programme 2017 a été présenté en Conseil des Ministres le 12 avril, alors que le 1er tour de la présidentielle se tenait le 23 avril soit 11 jours après. Silence généralisé ! Aucun lien à l’époque n’a été fait. Encourageant ainsi la démocratie à Colin-maillard.
… et enfin consolidés
Peu importe. Il s’agit maintenant de faire en sorte que le Pays réussisse. Or, s’il l’on ne veut pas rester indéfiniment dans le déni de démocratie, consistant à tirer des chèques sur les générations futures, après 44 ans de déficit ininterrompu, il est temps de changer de méthode. De cesser de rêvasser à partir de théories bréhaignes et de nous convertir à un empirisme simple. Cela suppose d’en finir d’abord avec des analyses séparées selon les administrations publiques, et de nous fixer des objectifs exprimés en euros.
Des dépenses non pas réduites mais stabilisées
Il en résulterait déjà l’idée que réduire les dépenses publiques en valeur est tout simplement impossible ! Ce qui tombe bien, puisque les Français n’y sont pas favorables, au motif supposé que cela porterait atteinte au service public, voire à l’économie toute entière. Dès lors, l’objectif politique consensuel pourrait être de les stabiliser ! En valeur ! Ce qui obligerait à un effort de 25 milliards d’euros sur 1.300. Le grand mérite de ce raisonnement basique (en valeur) consiste à ne pas nous promettre une réduction impossible à atteindre, au point qu’elle n’oblige personne, et, en revanche, de nous obliger à ce que chacun peut accepter, c’est-à-dire de ne pas dépenser plus l’année suivante que l’année précédente. Une simple lecture statistique démontre qu’une stabilisation en valeur des dépenses publiques sur un quinquennat résorberait entièrement le déficit public, sans risquer le procès en sorcellerie de la baisse trop drastique supposée entrainer la récession. Puisque lesdites dépenses ne baisseraient pas arithmétiquement.
La morale de l’histoire est que nos compatriotes sont fâcheusement entretenus dans l’idée fausse que l’Etat serait une fée capable de réaliser les rêves les plus doux, pourvu qu’on y croit. L’élixir du raisonnement en volume est un refuge confortable pour le politique et un poison lent pour la nation.
Convertissons-nous à l’empirisme humble plutôt qu’aux théories continûment stériles.
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