Chaque jour, pour « l’Obs », un expert ou une personnalité dresse le bilan des premiers pas d’Emmanuel Macron à la présidence de la République. Sur l’analyse d’Eric Vernier, J’ai le sentiment inverse sur la quasi-totalité de ses avis, ce qui a le mérite d’être clair.
Mon propos ne vise pas l’action du Président de la République, mais l’analyse du Professeur de finances que je ne partage pas du tout.
Avant que la France ne soit en état de s’aligner sur le moins disant fiscal, il faudra au moins dix à vingt ans pour qu’elle commence par maîtriser ses dépenses et sa dette.
Faire épouser par toute l’Europe notre frénésie fiscale est une utopie. Notre fiscalité est bancale, elle malmène en permanence les principes de sécurité de stabilité, de neutralité, de transparence.
Je ne vois aucun risque d’américanisation. Les Pays scandinaves ont une approche pragmatique de la fiscalité, et ils ne sont accusés par personne de dumping fiscal.
Harmoniser les assiettes de l’impôt sur les sociétés est la bonne idée, parfaitement réalisable. Quant à l’harmonisation des taux, soyons lucides, elle n’est pas atteignable tant que les Pays concernés auront une divergence de point de vue sur les dépenses publiques. N’oublions jamais que les prélèvements n’existent que pour couvrir des dépenses.
Quant à vouloir s’attaquer à l’économie numérique avec des idées du siècle dernier, bonjour les dégâts. La solution raisonnable, et probablement féconde, serait de les utiliser comme plateforme de prélèvement sur une assiette la plus large possible avec un taux symbolique. Ce qui permettrait de trouver les produits fiscaux de l’avenir.
Enfin, mon idée ne change pas quant à la relation que l’Etat doit avoir avec les entreprises. Sans entreprise, pas d’investissement, sans investissement pas de croissance durable.
La taxation supplémentaire des entreprises ne permet pas de relancer la croissance. Faire rentrer des recettes fiscales ne rétablit pas la confiance, préalable à toute vraie reprise.
La fiscalité est impuissante à modifier le niveau de croissance, en revanche elle est déterminante sur les arbitrages en matière d’investissements. Elle doit viser à atteindre un objectif de rendement. Éliminer le maximum de distorsions pour préserver la production et l’emploi. Evaluer de manière objective l’impact économique de la fiscalité sur le capital. Prendre en compte la durée de l’engagement en capital, favoriser les titres de fonds propres.
Enfin assurer un cadre fiscal stable et s’abstenir de toutes mesures rétroactives.
Car, je crois à l’importance de l’entreprise et aux dangers de la mal aimer !
Merci pour cette analyse fine que je partage entièrement ???? j’irai même plus loin que vous en parlant de mon domaine la Protection sociale et les charges afférentes (urssaf, msa, agirc-arrco, Rsi…). En effet, si cela avait du sens entre 1945 et les années 70 de faire reposer l’essentiel du financement sur les entreprises, les salariés et les revenus du travail, en période de chômage chronique et de vieillissement de la population entraînant une diminuation du nombre d’actifs, cela devient suicidaire pour le système de solidarité. Une réflexion est à mener pour alléger le coût social pour les entreprises et trouver des sources moins inconscientes de financement. Et ce n’est pas par des tours de passe-passe dont plus personne n’est dupe (ex: supprimer les cotisations salariales chômage et vieillesse pour augmenter la CSG, elle-même contribution salariale supérieure en taux/pourcentage aux deux qui seront supprimées) que le système de solidarité, qui est l’une des forces de notre pays, sera préservé.
Merci encore!
A lecture des échanges, je constate que mon post initial venait en réponse à l’analyse sur l’Obs d’un professeur de finances, à mes yeux, trop complaisant avec l’impôt pesant sur les entreprises.
S’agissant d’une réponse à un autre texte, je mesure que le mien ne traite pas d’une approche globale de la fiscalité des entreprises méritant un propos plus construit.
Je résume donc une ultime fois mon point de vue sur cette séquence.
La France assigne à l’impôt 3 fonctions principales, financer les dépenses publiques, participer à la redistribution du revenu et inciter les agents économiques à prendre les décisions les plus favorables à la croissance et à l’emploi. J’attache de l’importance à ce que le 1er aspect soit considéré comme essentiel. Car dépenser plus qu’il n’est possible de prélever mène au déclin et à la descente aux enfers. La redistribution du revenu s’opère mieux par les prestations sociales que par la sophistication de l’impôt. Quant à l’incitation, cet aspect est par trop négligé par le corps politique.
La structure de nos prélèvements freine la croissance, mais comme nous ne savons pas baisser drastiquement nos dépenses, ce que je regrette, réduisons au moins l’impôt là où il est le plus antiéconomique. Par exemple notre fiscalité sur les revenus du capital est déconcertante. Certes le patrimoine est encore plus concentré que le revenu. Mais rêver de taxer les revenus du capital comme ceux du travail, c’est s’abandonner à une forme d’ivresse d’équité totalement oublieuse de la nécessité d’accroitre notre productivité, notre croissance et monter nos produits en gamme. C’est se priver de croissance au nom d’une croyance bigote dans l’égalité. Au risque de choquer beaucoup de monde, je suis favorable à une taxation forfaitaire des revenus du capital afin que le rendement du capital soit potentiellement le même pour tous les investisseurs. L’investissement et la productivité sont en France pénalisés par un réflexe égalitariste de bonne conscience mais très mauvaise efficience.
La compétitivité de notre économie dépend du niveau d’investissement d’innovation et de productivité, de la qualité et du coût de notre offre. On peut aimer croire le contraire. Mais ce n’est pas la réalité du monde d’aujourd’hui.