Lors de la dernière élection présidentielle de 2012, François Bayrou m’a proposé de rejoindre son équipe de campagne afin de lui apporter, en binôme avec mon ami Jean Peyrelevade, mon conseil dans la préparation de la stratégie de finances publiques de son quinquennat, s’il était élu Président de la République. Même si son élection ne figurait pas parmi les probabilités, nous étions convenus, en total accord avec lui, et c’était une des conditions de mon engagement, de nous obliger à un exercice exigeant de sincérité, au milieu de cette kermesse médiatique en forme de concours de promesses aussi fallacieuses que mensongères.
Dans la solitude la plus déprimante, j’avais suggéré que tous les candidats présentent un graphique de leurs prévisions pour le quinquennat à venir illustrant ainsi, de manière compréhensible par tous, lesdites prévisions de chacun, afin que leurs engagements soient vérifiables, année après année. Nous fûmes seuls à le faire. Le billet que j’avais posté le 9 avril 2012 sur mon blog n’eut qu’un très modeste succès d’estime.
Il était pourtant un exercice minimal et indispensable d’éthique démocratique.
Examinons, ce qu’il en résulte quatre ans et demi après l’élection. Les graphiques ci-dessous vont permettre la pédagogie indispensable si nous voulons progresser sur le chemin de la sincérité, du redressement et de la responsabilité financière ; c’est à dire le chemin de la vraie démocratie. Et non ce qui en tient lieu, comme actuellement.
S’agissant des dépenses, celles mirobolantes annoncées par le Président élu François Hollande, comme généreuses promesses de campagne, n’ont pas été intégralement tenues, Dieu-merci ! Puisqu’il a dépensé au 31 décembre 2016, 64 milliards d’euros de moins que ce qu’il avait promis. Preuve hélas que la dépense reste un poison de campagne et de démagogie auquel les électeurs sont trop sensibles et vulnérables. Sans bien comprendre qu’on leur propose de dépenser leur propre argent et non celui du candidat. Les dépenses anticipées par le candidat sortant Nicolas Sarkozy étaient assez proches de celles aujourd’hui constatées fin décembre 2016, à 4 milliards d’euros près. Ce qui montre qu’il ne promettait pas l’austérité. Celles que j’avais recommandées à François Bayrou étaient stabilisées en valeur par rapport à l’exécution 2012, soit autour de 1.201,7 Mds€ en 2016, ce qui ferait une économie de 54 milliards d’euros par rapport à ce qui est constaté à fin décembre. On ne peut pas dire que la prévision que j’avais établie était démagogique. Il était en même temps parfaitement réalisable car 54 milliards rapportés aux 1.255 de dépenses total ne correspond qu’à un effort de 4 % en 4 ans, ce que les ménages sont bien obligés de faire dans leurs comptes. La promesse de dépenses, à tout va, n’était pas du tout la ligne de notre campagne. Au contraire. Et je persiste à penser que c’était la seule voie raisonnable et responsable.
S’agissant des recettes, l’heure de vérité sonne cruellement aujourd’hui ! Les candidats qui ne s’embarrassaient pas d’une excessive exigence de sincérité, et les prévoyaient même florissantes. La réalité se révèle plus cruelle. Elles sont constatées par le gouvernement au 31 décembre 2016 à 1.184 milliards d’euros, or le graphique révèle que le seul candidat sincère, en la matière, aura été Bayrou ! Les autres, grâce à une prévision de croissance hyper optimiste, avaient vendu des illusions de recettes qui n’ont jamais pu se réaliser. Même si la grande prudence dont j’avais fait preuve m’avait tout de même fait commettre un péché d’optimisme de 17 milliards d’euros (1,4%). Ce qui est peu, comparé aux 116 Mds€ de François Hollande, ou aux 67 Mds€ de Nicolas Sarkozy.
Mais l’épreuve de vérité et de sincérité se vérifie aussi immédiatement sur le solde (le déficit) dont le graphique doit être lu de la manière suivante : les 3% étaient retenus comme intangibles par tous les candidats. François Hollande y parvenait en surestimant ses recettes possibles de 116 Mds€, Nicolas Sarkozy en les surestimant de 67 Mds€, et François Bayrou y parvenait tout simplement grâce à son effort sur les dépenses, par la stabilisation en valeur sur la base de l’exécution 2012 dont nous avions fait notre thème de campagne. La seule et unique manière de préserver un équilibre de nos finances étant de contenir la dépense de fonctionnement. Tous ceux qui nous racontent le contraire nous mentent !
S’agissant de la dette, elle est la traduction de tout ce qui précède. Elle est de 142 Mds€ de plus que ce que le candidat François Hollande s’était engagé à ne pas dépasser (il a même creusé plus la dette que sa surestimation de recettes de 116 Mds€). Elle est de 218 milliards de plus que ce qu’envisageait Nicolas Sarkozy et de 259 milliards de plus que nous avions proposé avec François Bayrou.
Quant au PIB ou à la prévision de croissance, c’est la clé de toutes les ruses des candidats pour promettre des lendemains qui chantent. Ils se sont révélés beaucoup plus faibles que tout ce qui avait été anticipé. Dans ses prévisions, à l’horizon du 31 décembre 2016, François Hollande l’avait surestimé de 174 Mds€, Nicolas Sarkozy de 128 Mds€. Une fois encore, la prévision de François Bayrou aura été la plus prudente, même si elle dépassait de 85 Mds€ ce qui a pu être atteint. Aucun Institut de prévision, à l’époque, n’avait d’ailleurs émis un pronostic aussi pessimiste sur la croissance.
La morale de l’histoire : les élections présidentielles ne sont pas entourées d’une exigence de sincérité suffisante pour permettre un consentement éclairé des électeurs contribuables ! Doit-on enfin obliger à plus de sincérité ? La réponse est oui ! C’est une question de morale, d’éthique, de responsabilité et de démocratie, et j’en traite longuement dans mon livre « déficits publics, la démocratie en danger ». Cela suppose une mobilisation générale de tous les citoyens, des observateurs, de la presse, et aussi des candidats, afin qu’ils contribuent à la réhabilitation de la politique qui en a tant besoin, et qu’ils participent enfin au ré enchantement si urgent de notre démocratie.
Pour ma part, je resterai jusqu’au terme de mon engagement politique arcbouté sur des principes de sincérité. Et je remercie encore François Bayrou de m’avoir fait confiance en 2012 et d’avoir porté ce message de responsabilité financière. Depuis chacun de nous deux a repris son autonomie, mais j’ai aimé vivre cette expérience car elle m’a beaucoup appris sur la construction, la fabrication même, des campagnes présidentielles, après avoir participé à celle de Nicolas Sarkozy en 2007, et celle de Jacques Chirac en 2002. Si la sincérité n’est pas toujours électoralement payante, elle est moralement et démocratiquement gratifiante et rassérénante !
Quant à mes amis journalistes économiques, je reste stupéfait qu’ils ne se donnent pas la peine de faire remplir à tous les candidats ce type de tableaux. Celui qui sera élu devra le faire, dès le lendemain, pour Autorités européennes. Si les électeurs français ne peuvent pas, avant de voter, savoir ce que contiendra cette copie, ou est la sincérité ?
Surprenante voire inquiétante démocratie !
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