S’il convient pour les gouvernants de se prémunir des effets de l’émotion, de la tentation de vengeance ou d’une pulsion d’autorité pour obéir à la raison, il serait tout autant dangereux de ne pas sentir monter la colère glacée qui monte d’un Peuple indigné face au terrorisme barbare.
Le temps est venu de clarifier vite le droit applicable à cette folie djihadiste. Ces fous ne sont ni des délinquants ni des combattants. Ce sont des barbares dont l’élimination devient une urgente nécessité.
Ce ne sont pas des délinquants car ils ne craignent pas la mort. Ils la souhaitent même semble-t-il, au motif qu’elle serait glorieuse et leur apporterait un invraisemblable salut. Le délinquant habituel la craint au contraire. Le voleur veut jouir de son butin. Le violeur veut continuer à pouvoir le faire. La menace de la peine de mort d’antan ou de la réclusion à perpétuité peut dissuader. Tout le système pénal traditionnel repose sur cette logique. Pour les djihadistes ceinturés de bombes notre droit pénal devient dérisoire.
Ces terroristes djihadistes ne sont pas davantage des combattants. Ceux qui se tiennent aux conventions internationales relatives au droit de la guerre. Qui, tout en s’octroyant le droit de tuer, admettent de devoir se soumettre à une forme de loyauté. Cette dignité qui n’imagine pas de s’en prendre à des personnes désarmées, sans uniforme. Ce droit de la guerre consiste à reconnaître dans le combattant de l’autre camp un « juste ennemi », un alter ego. Dans cette logique, le combat, même tragique, obéit à des règles.
Le terroriste djihadiste n’est pas ce combattant-là, lui qui tire sur des femmes, des enfants, des personnes sans défense, qui les achève tandis qu’ils gisent et supplient, et qui se fait exploser lâchement, lorsque le moment du combat survient.
N’essayons surtout pas de faire entrer ce barbare terroriste dans une catégorie du droit en vigueur pour le délinquant ou le combattant. Ne détruisons pas notre édifice répressif déjà si fragile s’appliquant à ce type de situations.
Osons ouvrir une autre voie consistant à construire ex nihilo un droit spécifique applicable aux terroristes djihadistes, un droit qui n’altérerait ni le droit pénal (droit de la délinquance) ni le droit international (droit de la guerre).
Cela suppose d’avoir le courage d’identifier avec des critères précis ces djihadistes qui nourrissent une telle haine pour ceux qui ne leur obéissent pas. Il ne s’agit pas de tendre un immense filet pour prendre des gens qui n’ont rien à voir avec le terrorisme. Il s’agit par exemple de créer une obligation de dénoncer à la Justice la connaissance de tout lien avec ce terrorisme djihadiste, assortie d’une sanction très lourde en cas de non-respect de cette obligation. Ce sera une délivrance pour les parents dépassés qui ne savent plus comment empêcher leurs enfants embrigadés dans cette dérive fanatique.
Oui, ce type de droit porte atteinte aux libertés, entraîne des contrôles, et confère à l’Etat des pouvoirs intrusifs sur les citoyens. Oui, ce type de droit nécessite des contreparties de contrôles juridiques et politiques renforcés. Mais osons reconnaître qu’il faut en passer par là pour arracher la barbarie qui menace notre démocratie. Ne faisons pas comme si ce danger n’existait pas. La fermeture de sites internet djihadistes et la pénalisation de la consultation habituelle de ces sites doit être renforcée. Il faut tout autant rééduquer les esprits vulnérables sur ce qu’est le djihadisme dans son volet idéologique et réexpliquer sans cesse les mécanismes propagandistes qui sont à l’œuvre. Ayons la lucidité de reconnaître que nous sommes face à des névrosés, délirants, psychotiques ou suicidaires. Cessons tout angélisme. Acceptons par avance les cris d’orfraie des parangons « des droits de l’hommisme ». Ayons la fierté de dire que c’est la force d’une démocratie d’être prête à affronter des vérités que l’on n’ose pas s’avouer.
Notre démocratie n’a plus le choix, elle n’a plus le temps d’attendre, elle doit engager ce combat contre la barbarie. Dévoilons nos ennemis, cessons de leur laisser le loisir de se présenter en martyrs.
En temps ordinaire, il est convenable de penser en droit des libertés qu’il est préférable qu’un coupable soit en liberté plutôt qu’un innocent en prison. Faut-il continuer à le penser envers et contre toute évidence pendant la menace terroriste ? Le laxisme menace plus notre société que l’autoritarisme.
Il reste une question cardinale, celle de l’habeas corpus, à savoir l’interdiction de retenir un individu, alors qu’il n’a pas commis de fait délictueux ou criminel. Faut-il attendre qu’il commette des crimes pour l’empêcher de poursuivre ses funestes actions ? Depuis la fin de la dernière guerre, le niveau de protection de nos libertés n’a jamais cessé de croître tandis que fléchissait celui des menaces. On a espéré que ce niveau élevé de protection était immuable. On s’inventait même la théorie du « cliquet » pour affirmer que la protection des libertés progresserait toujours et ne régresserait jamais. Ce temps n’est plus. Les libertés ont un prix qu’ont payé fort cher ceux qui ont résisté dès 1940. Un prix en vies humaines que nous n’avons pas le droit d’oublier. L’équilibre entre sécurité et libertés est nécessairement mouvant : il peut être réévalué démocratiquement à condition en effet de le faire en se préservant de l’excès d’émotion et des tentations d’autorité, et en se soumettant aux vertus de la raison.
Elle nous appelle à la sévérité que requiert la gravité de la menace. C’est probablement la seule manière d’éviter le pire.
L’obligation de dénoncer existe dans le droit. Pour les professionnels de santé cette obligation, une dérogation légale à la règle du secret professionnel, est réservée à la dénonciation des actes de violence dont peuvent être victimes les enfants de moins de 15 ans, les personnes handicapées ou âgées et en état de « dépendance ».
Cette obligation est assortie de peines en cas de non dénonciation.
Le droit pourrait-il prévoir la même chose, obligation de dénonciation, assortie de peines très lourdes en cas de non dénonciation de toute suspicion de « radicalisation » ?? Car la différence de situation est assez flagrante. Dans le cas des professionnels de santé cela se pose pour les professionnels, seulement, et pour des cas de faits qu’on a constaté, donc des faits « exécutés » et pas présumés se produire.
Dans le cas des djihadistes il faudrait pouvoir dénoncer « des suspicions » de radicalisation afin d’anticiper. Mais il semble évident que rien d’autre ne pourrait inciter à la dénonciation que des peines extrêmement lourdes pour non dénonciation.
Voilà une tribune saine qui doit nous éclairer.