Moment délicieux de partage pour moi, ce soir, lors de la remise des insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur à Rémi Geslain. Une récompense tellement méritée par ce valeureux prisonnier de guerre qui présida durant de longues années l’association régionale « Ceux de Rawa-Ruska », qui fut, par ailleurs, un bâtisseur, visionnaire et audacieux, à qui l’on doit de nombreuses constructions, désormais solidement ancrées dans le patrimoine de notre bonne ville d’Alençon.
Rawa-Ruska : la rude sonorité du nom laisse déjà présager ce que fut l’enfer des malheureux qui y furent internés. Un camp de déportation pour les récidivistes de l’évasion, choisi par les nazis pour son extrême éloignement des frontières françaises, et arbitrairement soustrait aux garanties des Conventions de La Haye et de Genève. Et donc soustrait au respect de la dignité des prisonniers, au traitement avec humanité, à la protection contre la violence.
« Un seul robinet d’eau non potable pour plus de 3 000 prisonniers », se remémore douloureusement Rémi Geslain, qui fut appelé à bonne date sous les drapeaux et rendu à la vie civile quelques mois seulement avant la seconde guerre mondiale. Ayant répondu à l’appel de mobilisation, il fut fait prisonnier le 21 mai 1940, et dirigé d’abord vers l’Allemagne au Stalag IX A, dont il conserve le souvenir d’un hiver difficile, mais aussi d’une rencontre avec… François Mitterrand.
Né à Valframbert le 18 avril 1917 – ce qui nous promet un somptueux anniversaire l’an prochain – Rémi Geslain aura marqué de son empreinte notre chef-lieu de Département. Agent immobilier en Alençon pendant près de 40 ans, il est à l’origine de plus de 200 appartements ; on lui doit notamment le premier immeuble de grand standing, « Le Lyautey », ainsi que le Foch, un très bel immeuble près de l’Hôtel de Ville, et bien d’autres encore, à Courteille, rue Claude Bernard, rue Laennec. Sans oublier plus de 250 parcelles viabilisées à Alençon, Argentan et alentours.
Comme le précise le texte de sa « Citation à l’Ordre de la Division » en 1949, Rémi Geslain a toujours « fait preuve de belles qualités d’audace et d’énergie ». Audace et énergie toujours bien présentes !
Elles nous auront permis, ce soir, un beau moment de partage pour méditer ensemble sur le sort des Nations qui n’ont d’autres forces que celles des hommes qui les défendent, même au prix de leur vie, quand elles roulent vers l’abime.
Certes, il n’est pas aisé de recevoir une haute distinction, quand on est épris de simplicité ; ni de libérer sa joie et sa fierté, quand on remue des souvenirs si douloureux.
Mais c’est la magie d’une cérémonie que d’honorer en une personne, des milliers d’autres qui ont versé leur sang, risqué leur vie, vécu l’enfer pour que nous puissions naître et vivre libres, ici et maintenant.
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