Le sujet des finances publiques est l’un des plus brulants que la France a à traiter et voilà qu’il est impossible de l’expliquer de manière simple et compréhensible pour tous. Ce qui est un comble puisqu’il s’agit d’une question majeure de démocratie.
Un débat vif s’est engagé entre l’Etat et les collectivités locales à propos de la baisse des dotations. Pour faire simple, l’Etat verse chaque année des dotations diverses et variées pour un montant annuel d’environ 100 milliards d’euros. Elles représentent la compensation de la fiscalité locale supprimée au fil de décennies. Ces sommes financent partie des dépenses locales.
Logiquement, il est demandé aux collectivités de contribuer au redressement des finances publiques. Pour ce faire, l’Etat a décidé de réduire le montant des dotations qu’il leur verse annuellement. Cette réduction se traduit dans ses comptes comme une moindre dépense et dans les comptes des collectivités comme une moindre recette, ce qui ne change donc rien, à ce stade, au regard de nos comptes publics. En nous limitant à cela, nous n’avons pas, d’un seul euro, économisé ou réduit notre déficit public.
Le but implicite consiste à faire pression pour réduire la dépense publique. Ce que, pour ma part, je ne conteste pas.
On aurait cependant pu imaginer, pour atteindre cet objectif, que l’Etat réduise d’autorité des dépenses des collectivités locales, notamment celles qu’il leur impose de manière obligatoire, comme c’est le cas, pour les départements. Pour des motifs constitutionnels complexes, ce n’est pas le choix qu’il a fait. Il a choisi de réduire les recettes de ces collectivités pour qu’elles réduisent leurs dépenses, alors que l’Etat en est lui-même le prescripteur.
Je vous laisse imaginer la simplicité toute française du dispositif : l’Etat baisse des recettes pour que les collectivités baissent des dépenses tout en les maintenant obligatoires.
L’exemple des départements est, de ce point de vue, tout à fait illustratif, puisque les chiffres en cause sont comparables. La dérivée des trois allocations sociales (AIS) distribuées par les départements pour compte d’Etat (APA, PCH, RSA) connait un accroissement du coût d’environ 1,2 milliard d’euros, et c’est du même montant que l’Etat envisage de réduire les dotations aux départements. Si le bon sens guidait ce type de décision, l’Etat prescripteur aurait pu décider de contenir lui même ces dépenses sociales, puisque lui seul en a le pouvoir, plutôt que de pratiquer une fausse économie dans ses propres comptes, en réduisant des dotations aux départements sans les autoriser à moduler les dépenses correspondqntes.
Voilà pourquoi le système de baisse des dotations n’aura qu’un faible effet sur la dépense publique. Optiquement l’Etat pourra toujours dire qu’il a tenu ses dépenses. En réalité, il en aura envoyé l’imputation dans les comptes des collectivités et le déficit public ne sera pas résorbé. La dérive se retrouvera en dette ou en fiscalité, ou les deux.
Je reste pantois devant le fait que ni nos observateurs prétendument spécialisés ni la Commission européenne ne découvrent toujours pas ce stratagème. Il est vrai que l’enchevêtrement des comptes publics est incompréhensible, en dehors de quelques spécialistes, ce qui, encore une fois, est un tragique déficit démocratique qui explique peut-être le déficit tout court.
On peut réduire le nombre d’ambassades dans les petits pays
Il est en effet urgent et important que les Français comprennent bien que l’Etat, toujours prompt à donner des leçons, s’honore d’une rigueur aussi vertueuse que fictive en sauvegardant son train de vie dispendieux sur le dos de collectivités locales bien serviles sinon conciliantes.
Si certaines collectivités sont effectivement gérées de manière rigoureuse – dont semble-t-il le Département de l’Orne -ce n’est pas forcément le cas de toutes. Dès lors il n’est pas interdit de penser que devant la crainte d’assumer des hausses d’impôt certaines de ces collectivités moins bien gérées baissent effectivement leurs dépenses de fonctionnement.
Ce qui est quasi certain c’est qu’1 euro de baisse de dotation de l’Etat ne donnera pas 1euro de baisse de la dépense publique.
L’exemple des allocations sociales qui étranglent les départements tout en étant totalement déterminées par décret- et donc le gouvernement – est bien choisi. Cela dit je ne sache pas que le législateur – le Sénat par exemple – aie proposé des mécanismes anti-dérive dans le Code de l’action sociale.