La lecture du Monde, ce soir, me confirme dans la crainte que les réformes dites structurelles annoncées par le Gouvernement aboutissent exactement à l’inverse de ce qu’il recherche. Il implore : la croissance, la confiance, la maitrise des finances, la résorption des déficits et de la dette. Il déjà obtenu la récession, la méfiance généralisée, le dérapage des déficits et l’accumulation d’une montagne de dette. Après la chronique inachevée de la réforme territoriale dont la seule certitude acquise est l’accroissement des dépenses, voilà que de nouveaux boucs-émissaires sont dénoncés à la vindicte populaire : les professions réglementées.
Pour avoir exercé pendant 35 ans celle de notaire, j’ai le sentiment d’en bien connaitre les enjeux. Comme le sujet est vaste, ne retenons que la question de la liberté d’installation. C’est la fausse bonne idée par excellence ! Qu’elle soit promue par l’OCDE me confirme qu’il faille absolument s’en méfier. C’est le même organisme qui théorisait sur l’urgence d’avoir un quatrième opérateur téléphonique. Le Gouvernement ne sait plus comment revenir à trois maintenant. Ce sont les mêmes études qui ont expliqué qu’il fallait offrir du pouvoir d’achat en supprimant l’épicier du coin de la rue, en ouvrant d’immenses surfaces à la périphérie des agglomérations. Les petites villes de province sont aujourd’hui dévastées, sinistrées. Leur centre-ville n’est plus seulement menacé, il meurt. Les Maires ne savent plus comment y maintenir un souffle de vie, comment y maintenir un minimum de sécurité. Un nombre considérable d’emplois commerciaux de proximité ont été détruits au bénéfice d’emplois partiels dans la grande distribution. Les centrales d’achat menacent de détruire l’appareil de production français, mais nos experts de l’OCDE théorisent toujours sur la magistrale avancée économique de ces évolutions. Oubliant de signaler que le seul résultat tangible est la formidable valorisation boursière des géants de la distribution.
La liberté d’installation des notaires aboutirait exactement au même résultat que celui constaté aujourd’hui pour les médecins : une surpopulation à Paris, dans les grandes villes, et dans le sud-est de la France. Un désert médical dans les campagnes, les petites villes et sous les cieux à la météo moins clémente. Cette évidence est aveuglante. Comment des gens aussi instruits et probablement sensés peuvent-ils en arriver à un tel niveau d’ignorance de la France réelle ? Sait-on que dans l’Orne, par exemple, nous missionnons à prix d’or des cabinets pour courir l’Europe, souvent en Roumanie, pour nous trouver des médecins ? Médecins que nous volons à des pays moins développés en finançant leur installation ? Pendant qu’au nom de la sacrosainte liberté d’installation nos propres médecins migrent vers les villes ? Où sont les économies ? Où est l’égalité d’accès à la santé ? Evidemment nous n’avons aucun inspecteur des finances ni expert de l’OCDE vivant dans l’Orne, ce qui permet à leur théorie économique de conserver sa virginité sociale, et même sociétale. La vérité est que notre démocratie se déchire sous nos yeux, entre ceux qui savent ou croient savoir, ceux qui ont le pouvoir de décision et ceux qui rament, ceux qui ne lèvent pas l’impôt pour vivre et qui doivent assurer l’équilibre économique de leur activité.
La liberté d’installation du notaire, c’est distribuer, à qui le demande, le sceau de France, le sceau de la République française et du Peuple français. C’est conférer à qui le veut des prérogatives de puissance publique. C’est brader les exigences de service public comme la lutte contre la criminalité et le blanchiment. C’est supprimer la garantie collective qui protège l’Etat lui-même pour les impôts qui sont prélevés en son nom. Les avantages annoncés en contrepartie ne tiennent pas. Il est faux de dire que pour être notaire, il faut être fils de notaire. Le mien était cordonnier, noble métier, mais peu rémunérateur. Ceci ne m’a pas empêché d’entrer dans la profession, d’y être accueilli et d’avoir été, en son sein, élevé à la plus haute fonction. D’y avoir convenablement gagné ma vie, sans avoir fait fortune. Je ne peux souscrire à ce que je lis dans toutes ces études soi-disant économiques qui instruisent à charge contre des professions, en mélangeant tous les métiers, du notaire au médecin, en passant par le plombier et le serrurier.
Ce qui va très mal en France, ce ne sont pas les activités privées, celles où chaque professionnel peut être amené à déposer son bilan s’il n’est pas à la hauteur, à vendre tous ses biens pour rembourser ses créanciers. Ce qui va très mal, ce qui est trop réglementé c’est l’Etat ! Avec ses bataillons entiers de hauts fonctionnaires ivres de leur certitude qui étouffent le pays. Ceux qui font la leçon au monde entier alors que leur seul palmarès consiste à être les plus dépensiers du monde ! Voilà la réalité.
Si le Gouvernement pense échanger à Bruxelles sa mauvaise gestion de l’Etat qui travaille peu et dépense beaucoup contre la peau des professionnels et des collectivités qui travaillent beaucoup et créent de l’activité, il pourrait faire s’écrouler l’édifice quand cèderont les dernières bases sur lesquelles il repose encore. Le pire n’est jamais sûr, mais il serait urgent de cesser de s’en approcher.
Merci M. Lambert ! Merci de lire quelque chose d’aussi sensé: si plein de bon sens… le bon sens, ce qui manque tant à nos gouvernants depuis maintenant trop longtemps, beaucoup trop longtemps.
Et dire qu’à Bruxelles, nul n’est dupe de cette incapacité française à engager la vraie réforme, celle de l’Etat !..
Quand un état aveugle et sourd est prêt à casser ce qui marche pour éviter de se pencher sur ses propres inconséquences ; quand un état impécunieux et obèse impose aux autres la diète pour continuer de satisfaire sa boulimie, il y a urgence. Urgence d’un état sobre. Etat d’urgence..
A quand la réforme de la première profession réglementée et la mieux protégée : la fonction publique ?
Et qui aura le courage de le faire ?
Voilà,comme dit mon fils,c’est dit et bien dit;
En espérant que les prochains dirigeants français en 2017 ne partent pas dans les mèmes égarements
comme nous en avons connus les septènats précédents.
Et là ce n’est pas gagné.
Le notariat français est l’une des rares choses que l’on a réussi à exporter, notamment en Chine… Il est affligeant de voir cette profession détruite pour rien. Cela ne profitera ni aux clients, ni à l’Etat. Les gagnants seront des groupes financiers, des cabinets d’avocats français ou anglo-saxons… et quelques politiciens qui auront réussi à faire croire, pendant un temps très limité, que cette réforme offrira 6 milliards de pouvoir d’achat!
Tout est dit
Je ne doute pas, Monsieur le Ministre, que vous ayez suivi avec assiduité les derniers développements de l’esquisse du projet de loi élaboré par Bercy, dont la fuite a été organisée et orchestrée par des fonctionnaires, des politiques ou des communiquants sournois, mais dont la réalité et la provenance ont été niées au plus haut niveau, ce qui a permis à Madame Untermaier, présidente de la commission sur les professions réglementées, d’affirmer publiquement que le Conseil Supérieur du Notariat avait fabriqué de toutes pièces un faux pour faire valoir ses arguments…avant que le Ministre en personne reconnaisse le 22 Octobre que ce projet émanait bien de ses services.
Nous attendons toujours les excuses de Madame Untermaier.
Vous avez du souffrir à Bercy, Monsieur le Ministre !