La controverse ouverte à l’occasion de la réforme territoriale la conduit à sa perte. Comment a-t-on pu, en si peu de temps, se mettre autant d’acteurs à dos ? Pourquoi avoir parlé de concertation, invité au dialogue et, avant d’y avoir procédé, déjà annoncé les arbitrages et les résultats ? Si les Français sont réputés méfiants quant aux réformes, leurs gouvernements sont souvent aussi mal inspirés. S’agissant des départements, échelon territorial que je connais le mieux, à l’évidence une approche empirique s’imposait. De nombreux discours officiels et engageants avaient déjà été prononcés sur leur maintien, leur rôle de maitre d’œuvre des politiques sociales de l’Etat les exposait aux critiques les plus injustes quant à leur coût. Leur rôle s’avère tout différent selon la densité de population. En surplomb dans les métropoles, ils sont la matrice du fonctionnement de l’action publique sur plus de la moitié du territoire national. L’analyse les concernant est incontournable car elle pose la question de l’uniformité des structures napoléoniennes inadaptées deux siècles après. Bref, un travail d’excellence pouvait être conduit. Sans la moindre concession quant à la nécessité de moderniser nos structures. J’affirme que c’était l’échelon qui pouvait le plus aider l’Etat à réformer ses politiques sociales non soutenables car dispendieuses, aveugles et trop souvent inefficaces. Puis le dialogue ne s’est pas noué. La tentation du rapport de force politique et législatif semble l’avoir emporté. Pour combien de temps ? Le parcours est semé d’embuches. Les scrutins qui s’annoncent pourraient s’avérer dévastateurs. La puissance résiduelle des systèmes étatiques ne peut plus rien contre la résistance des citoyens à entrer dans les cases dans lesquelles on veut les classer comme des effectifs, sans la moindre considération apparente pour leur histoire, la géographie de leurs territoires, leurs projets, l’autonomie de leur volonté.
Espérons que la sagesse l’emportera. Il reste peu de temps pour qu’elle s’établisse.
L’apostasie à la décentralisation de François Mitterrand.
La lecture du discours de François Mitterrand pour la commémoration du deux centième anniversaire de la naissance des départements constitue pour ses successeurs, notamment socialistes, une leçon d’histoire, une leçon de politique, une leçon de « gouvernement des hommes ». Sans vouloir être désagréable à l’endroit de personne, on peut légitimement craindre que le niveau de réflexion se soit tragiquement effondré en 14 ans. La faiblesse des arguments avancés pour justifier notamment la disparition des départements révèle une faible culture politique des dirigeants contemporains. Sans parler d’une méthode indigente.
La soumission à la mode de la concentration.
On a parfois le sentiment que le seul mérite découvert pour justifier la suppression d’une structure soit tout simplement la soumission à la mode du moment ! En matière territoriale, on se demande d’ailleurs pourquoi autant d’acharnement sur le pauvre département dont le seul prononcé du nom semble devenu une grossièreté. Les communes, 360 fois plus nombreuses, nées en même temps, semblent, elles, échapper à la vindicte ministérielle. Pourtant la taille de 80% d’entre elles relève du folklore. Onze conseillers municipaux pour une commune de 110 habitants totalement intégrée dans une intercommunalité ne suscite pas le moindre commentaire. Que les dépenses communales soient supérieures à celles des départements, pas davantage.
L’absence certaine d’économies en découlant.
Comme aucun argument digne de ce nom ne semble pouvoir justifier une telle mise à mort des départements, le seul motif sensé qui semble résister à l’analyse est la nécessité de réaliser des économies. Pas de souci pour moi, je partage entièrement cet objectif. En revanche, je reste abasourdi, car cette suppression n’en réalisera aucune et probablement créera des dépenses nouvelles. C’est bien le pire. Ce n’est pas le staff d’un département qui coûte, il représente une part infinitésimale de la dépense globale. A la vérité, ce sont les politiques que l’Etat oblige lui-même les départements à mener qui sont ruineuses. Pour les exercer, il faut dépenser des sommes astronomiques, elles-mêmes fixées par l’Etat, et s’entourer de personnels administratifs, d’ailleurs hérités des préfectures, qui resteront tout autant nécessaires. Si ce sont les régions qui font le même travail demain, les coûts seront donc identiques, voire plus élevés puisque chacun sait que les regroupements conduisent systématiquement à aligner les salaires sur les plus élevés. Les perspectives d’économies sont donc nulles voire s’annoncent comme des certitudes de dépenses supplémentaires, en sus d’un éloignement important des centres de décision.
Ce ne sont pas les économies qui sont recherchées mais la recentralisation du pouvoir.
Plusieurs éléments me font douter de la sincérité des arguments exposés. Le motif financier, et notamment l’ardente obligation de maitriser les dépenses publiques, ne sera jamais atteint par la technique choisie de transfert des compétences des départements aux régions. Il eut été plus simple de conventionner, chaque année, avec chaque département un plafond de dépenses en fonctionnement et en investissement. Pour ma part, je l’aurais scrupuleusement respecté. Mais je comprends aussi que cette méthode transparente et sincère aurait permis de découvrir l’imposture du dérapage des dépenses desdits départements qui trouve sa source dans les décisions mêmes de l’Etat ! Je m’amuse de tous les gisements d’économies providentiellement découverts, comme les mutualisations, les groupements d’achats, alors qu’on nous a interdit, des années durant de le faire, au titre du droit de la concurrence plus kafkaïen en France que dans aucun pays de l’Union. En matière de regroupement, c’est un comble de supprimer le département, alors qu’on n’a jamais été capable de fusionner tous les satellites qu’il finance lui-même comme les SDIS, les CAUE et autres organismes départementaux.
L’hypothèse d’une mystification historique. La main invisible des administrations.
Plus les jours passent, plus les déclarations se multiplient, plus la précipitation le dispute à l’incohérence, plus je pense que nous assistons à une mystification historique. Je m’interroge vraiment sur la part réelle prise, dans ces décisions, par les responsables politiques. J’y vois, en fait, la main invisible des administrations centrales qui saisissent l’opportunité d’en finir avec cette horrible décentralisation pour enfin reprendre bien vite les prérogatives dont un pouvoir débridé, en 1982, les a privées. Tordre le coup au département, selon cette option, se comprend dès lors parfaitement. Car c’est précisément l’échelon a qui ont alors été confiées toutes les compétences soustraites à l’Etat. Puis, c’est l’échelon dont il faut bien vite effacer toutes les traces d’invraisemblables transferts qui les ont précipités au bord du gouffre financier. C’est l’échelon auquel on a confié des missions de transferts sociaux infinançables. C’est celui qui, en revanche, est le plus solidement structuré, grâce à l’ancien appareil d’Etat, désormais modernisé, et qui est le seul capable aujourd’hui de rivaliser avec l’actuelle administration déconcentrée, elle-même totalement abandonnée et paupérisée au niveau départemental. Bref c’est le vilain, le galeux, l’affreux département qu’il faut immédiatement exécuter.
Les régions, futures proies du Léviathan.
Transférer l’essentiel de ses compétences aux Régions est une riche idée, surtout en les fusionnant afin d’en réduire le nombre et ainsi pouvoir mieux les contrôler toutes. Tout a d’ailleurs été soigneusement préparé pour qu’elles ne s’émancipent pas, puisqu’elles n’ont déjà plus la moindre autonomie fiscale. Asphyxiées, elles n’auront plus qu’à se jeter dans les bras des administrations centrales qui, pour leur éviter le déplacement, ont déjà dépêché dans leurs directions régionales, leurs meilleurs limiers, afin de cornaquer ces nouveaux barons locaux. C’est une constante dans l’histoire, lorsque le pouvoir politique central est faible, les administrations règnent. Elles jouent aujourd’hui avec le pouvoir sans doute le plus faible depuis le début de la 5ème République. On peut comprendre qu’elles en profitent. Des comptes devront cependant leur être demandés ! Dans la loi, une évaluation ex-post devrait être introduite. Si les dépenses locales n’étaient pas contenues, alors les crédits des administrations centrales devraient être réduits à concurrence du dérapage, puisqu’elles ont tant voulu cette réforme.
Le tête à queue sidérant du gouvernement.
Une belle scène comique nous attend quand seront confrontées l’étude d’impact de 2012 et celle à venir sur le rapprochement des départements et des régions puisque le même gouvernement démontrera absolument le contraire à deux ans d’intervalle. En 2012, la diversité des missions des deux collectivités, régions et départements, leur logique de fonctionnement et leurs perspectives d’actions étaient tellement différentes qu’il n’était pas possible d’unifier la représentation des deux assemblées, sauf à porter atteinte à la cohérence et l’efficacité des politiques locales. Quant au conseiller général, il était, il y a deux ans, le garant d’un ancrage territorial ainsi qu’un lien de proximité indispensable. Ce qui ne semble plus le cas. Enfin, le département est un territoire devenu si périmé que nous venons d’apprendre que son cadre sera maintenu pour l’administration de l’Etat. Au final, il devient clair que ce qu’il fallait éliminer, coute que coute, ce sont les élus départementaux, c’est-à-dire la représentation démocratique des habitants, afin sans doute que ceux-ci ne puisse plus juger directement, par leurs suffrages, de l’efficacité de l’appareil d’Etat dont les territoires ruraux sont en voie d’être privés.
Les socialistes contre François Mitterrand sur les départements.
Pour les parlementaires, notamment socialistes, qui auront à débattre de cette réforme, il n’est pas indifférent de relire François Mitterrand dont je ne suis pas un exégète légitime. Mais dont c’est l’œuvre aujourd’hui qu’on détricote ! Puis chacun conviendra qu’aucun socialiste n’a jamais atteint son niveau, comme c’est le cas, à droite, pour le Général de Gaulle.
Le père de la reforme de 1982, dans son discours anniversaire des départements, rappelle que son choix de la décentralisation, remise en cause aujourd’hui par la suppression des départements, était le résultat de son expérience qui lui avait appris à connaitre « le département », né sous la Constituante et qui avait donné plus de vie à ce territoire qu’il n’en subsistait dans les anciennes provinces de sept à huit cents ans. Il soulignait que c’était une création réalisée malgré « une administration centrale qui ne cesse de regretter les beaux jours et qui rêve d’y revenir ». Pour lui la décentralisation départementale accompagnait, dès l’origine, l’établissement de la démocratie en France, rétablie en 1871, au lendemain de la chute de Second Empire, marquant ainsi, après trois quarts de siècle de centralisme, le retour aux sources de la révolution française. Il expliquait qu’il avait voulu, dès son accession à la Présidence de la République, faire accomplir un pas décisif à la décentralisation. Il voulait rompre, enfin avec cette conception d’un Etat autoritaire, centralisé. Après deux guerres mondiales, où s’étaient sacrifiés tous les fils de France, il ne croyait pas moral, dans ce creuset sanglant, de leur refuser le droit de s’administrer. Il avouait avoir été souvent irrité par des comportements de petits Napoléons débarqués de Paris dans son département pour lui donner des instructions. Il ajoutait avoir été parfois humilié par tant de condescendance et de mépris. Pour lui, les « petits élus » riches de trésors de sagesse, de réflexion, de bon sens et d’honnêteté valaient bien ces esprits si raffinés mais si complexes qui peuplent nos administrations centrales. Il insistait sur la nécessité, pour assurer une meilleur cohérence de l’action publique, d’adapter l’administration de l’Etat à la nouvelle organisation territoriale. C’est intéressant, au moment où le gouvernement s’apprête à faire le contraire, c’est-à-dire à adapter l’organisation territoriale à celle de l’Etat. Il s’indignait que la déconcentration n’avance pas, alors qu’il l’a réclamait, tous les trois mois, avouant qu’il se lassait de devoir répéter sans cesse cette exigence. Il invitait à venir à bout de ces vieilles habitudes. Et il se qualifiait résolument de départementaliste. Il soulignait combien la région ne devait pas devenir un super-département et que s’il en était ainsi, cela deviendrait une confusion. Il concluait en indiquant que la décentralisation n’était pas une fin en soi, mais qu’elle devait permettre de prendre le contre-pied des tendances séculaires qui ont dominé notre pays. Affirmant que c’était un progrès de confier à des administrations locales élues le soin de gérer les affaires d’un département. Enfin, il lançait un avertissement en disant combien l’avenir des départements, qui ne représentent chacun que la centième partie du territoire français pouvait légitimement servir de tremplin pour aborder les problèmes de l’Europe et du monde. Car, selon lui, c’est à partir de là que les choses commencent vraiment. Et qu’on ne peut « viser l’universel qu’en prenant appui sur l’ensemble des réalités nationales, dans ce qu’elles ont de plus divers et singulier. »
On peut espérer que nos dirigeants d’aujourd’hui sauront le relire, méditer et nous dire ce qu’ils pensent périmé dans sa vision de la France réelle. Afin que chacun puisse également y réfléchir, vous trouverez ci-dessous les principaux extraits de son allocution, avec en italiques, les passages essentiels.
Allons aux élections.
Face aux graves divergences constatées, le plus simple serait d’en revenir au Peuple ! Le gouvernement veut la mort des départements ? Qu’il procède dès mars prochain à l’élection les concernant ! Il aura ainsi la réponse à sa question. Pourquoi aurait-il peur des citoyens ? Laissons-les décider, c’est bien la loi de la République !
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Rappels des enseignements de M. François Mitterrand à ses héritiers politiques, sur l’histoire des départements, de la décentralisation et du rôle des élus locaux dans l’administration des organisations territoriales, Moulins, le 22 mars 1990.
Discours prononcé à l’occasion d’un déplacement officiel dans la Nièvre, l’Allier et le Puy-de-Dôme à l’occasion du bicentenaire de la création des départements, le 22 mars 1990.
Extraits à méditer :
… Il s’agit de célébrer en commun le deux-centième anniversaire de la création des départements. Je me trouve à Moulins, dans cette salle du Conseil général de l’Allier, en cette circonstance solennelle, pour y prononcer aussi des paroles qui veulent avoir une signification générale pour la France …
L’occasion qui nous réunit nous permet de porter sur le monde un regard et d’envisager l’avenir …
Les choix que j’ai faits avec le gouvernement de la République en 1981, en 1982, étaient le résultat de l’expérience, ce n’étaient pas des pensées préconçues, ce n’était pas un système sorti préfabriqué d’un cerveau, ce n’était pas une fantaisie. J’avais vécu moi-même la vie d’un élu local. J’ai été, mesdames et messieurs, j’ose à peine le dire, l’élu du même département pendant trente-cinq ans, cela fait bientôt quarante-quatre ans. J’ai été conseiller général trente-deux ans, toujours naturellement du même canton, dans le Haut-Morvan, Président du Conseil général pendant dix-sept ans, carrière interrompue par le scrutin de 1981. Mais j’aimais exercer ces mandats. J’y ai trouvé un grand accomplissement. Maire également d’une petite ville, petite commune, quelque 3000 habitants, pendant vingt-deux ans. Bref, un ensemble d’expériences qui m’éclairent le plus souvent dans la manière dont je conçois mon rôle aujourd’hui de Président de la République pour essayer de comprendre le mieux possible et la nature des Français, et la nature de leurs institutions, le tempérament, le sens de l’avenir, le goût au travail, les équilibres.
Ce long temps passé à représenter des collectivités locales, m’a appris surtout à connaître ce qu’était ou ce que n’était pas la circonscription que l’on appelle le département, à justifier ou non sa création, à justifier ou non son avenir. J’ai vécu cette vie-là, avec mes amis conseillers généraux de la Nièvre, nous avions dans notre assemblée une entente cordiale qui franchissait toutes les frontières politiques ; si chacun restait, bien entendu, fidèle à son choix, nous pouvions en parler entre nous, nous pouvions en débattre. Les occasions n’étaient pas rares où nous nous retrouvions hors de ce débat-là, pour tout simplement fonder une part de la vie qui nous est réservée, c’est-à-dire la vie en commun, attelés à la même tâche, avec le même mandat pour le bien, autant que possible des mêmes Français.
Réfléchissant à l’avenir des départements, ce matin, je me disais que, beaucoup, à vrai dire, n’en donnaient pas cher du département, lorsque les Constituants ont entrepris il y a deux siècles de doter la France d’une nouvelle organisation territoriale.
En l’espace de quelques mois ou de quelques semaines la Constituante a su donner d’un coup à l’organisation territoriale de notre pays plus de réalité, plus de vie qu’il n’en subsistait dans les anciennes provinces ou circonscriptions du royaume qui avaient pourtant derrière elles de sept à huit cents ans. Elle l’a fait dans un esprit résolument démocratique et déjà décentralisateur. Démocratique, c’est le moins que l’on pouvait attendre d’une assemblée issue d’un vaste et profond mouvement populaire décentralisateur. C’était aller contre une tradition quasiment millénaire et même sans doute contre le tempérament des Français qui aujourd’hui encore, même ceux qui chantent le plus fort les louanges de la décentralisation, résistent mal au désir, là où ils se trouvent lorsqu’ils exercent une fonction d’autorité, d’y exercer une nouvelle forme de concentration du pouvoir réduite à leur circonscription. C’est le tempérament des Français avec, par dessus le marché, une administration centrale qui ne cesse pas de regretter les beaux jours et qui rêve d’y revenir.
La Constituante a fait cela puisque le Décret du 22 décembre 1789 prévoyait que le royaume serait divisé en départements, au nombre de soixante-quinze à quatre-vingt-cinq, tant pour la représentation que pour l’administration. Et de fait, l’organisation fut à l’origine entièrement décentralisée, l’Assemblée des électeurs convoquée au chef-lieu désignait une administration de trente-six membres qui choisissait huit d’entre eux pour constituer le Directoire du département, c’est-à-dire l’exécutif, les vingt-huit autres formant l’organe délibérant. Avec les progrès du suffrage universel depuis cette époque assez lointaine on voit que projection faite, c’était un système audacieux. Certes le régime de 1789 n’a duré que trois ans, jusqu’à la fin de 1792 mais ces trois années de décentralisation sans contrainte ont été déterminantes. Jaurès a souligné les « immenses services » que le système administratif de la Constituante a rendu à la France en habituant les citoyens à se gouverner eux-mêmes, en faisant ainsi avant la République l’éducation républicaine de la Nation, en faisant surgir par centaines de mille les hommes, les femmes par la suite, dévoués et les fonctionnaires électifs contre lesquels les forces du passé se sont en vain débattues.
Ainsi, la décentralisation départementale accompagnait dès l’origine l’établissement de la démocratie en France et il est significatif que l’un des permiers actes de l’Assemblée élue au lendemain de la chute du Second Empire ait été de voter la grande loi du 10 août 1871, qui marque après trois quarts de siècle le centralisme autoritaire revenu, le retour aux sources de la Révolution française.
C’est dans le même souci de fortifier les institutions républicaines, et par là-même démocratiques, que dès mon accession à la présidence de la République, j’ai voulu faire accomplir à la décentralisation un pas que je crois décisif. Je vous ai dit, pour commencer, que là s’exprimait mon expérience vécue, celle que j’avais vécue dans mon département de la Nièvre. En relation permanente avec mes collègues. En relation permanente avec nos concitoyens. Connaissant les besoins des maires et des élus municipaux. Sachant bien qu’il n’était plus possible, en raison, d’une part des évolutions de la démographie, mais surtout en raison des formidables transformations techniques, de s’en tenir aux strictes définitions d’autrefois, et de considérer que l’Etat devait autour de sa seule capitale, concentrer toutes ses forces, car en l’espace de quelques minutes désormais, il est aisé de saisir absolument toutes les parties de la République française, du village à la grande ville. Il est facile en quelques heures de franchir toutes les distances, il est possible d’administrer et de gérer en faisant confiance aux citoyens puisque c’est à partir des citoyens que doit s’exprimer un système, un régime authentiquement démocratique. Je redirai à quel point cette expérience qui fut la mienne, m’a rangé dès l’abord parmi les partisans d’un système qui réformerait en profondeur une tradition très ancrée dans ce que j’appelais le tempérament français. Cette conception triompha aussi bien sous nos anciens rois, fut perpétuée par quelques grands ministres de ces rois, puis par la première, la grande Révolution, exception faite des 3 ans de 89 à 92 ‘1789 à 1792’. Avant, avec le premier Empire, pour repartir de plus belle sur la conception d’un Etat fort, autoritaire, centralisé, maintenu par la tradition républicaine. Cela pouvait se comprendre, que dis-je : cela se comprenait. Et, à distance, je l’approuve de toute mon âme car il fallait faire la France, elle était menacée de dislocation, de séparatisme, elle pouvait se briser sous les coups de l’histoire. Mais pouvait-on penser, en ce vingtième siècle et dans sa seconde moitié, après deux guerres mondiales, où s’étaient sacrifiés en commun tous les fils de notre France, de quelqu’origine qu’ils fussent, locale, territoriale, personnelle, religieuse, politique. Comment dans ce creuset sanglant la France n’aurait-elle pas conçu, au rythme du progrès technique, un nouveau mode d’organisation.
La loi de 1871 avait réalisé une certaine forme d’équilibre, mais elle avait aussi cessé de répondre aux besoins du temps. Au besoin que l’on a aujourd’hui d’assumer la responsabilité de ses propres affaires, là où l’on vit, là où l’on travaille, dans une société toujours plus lourde et plus complexe et chacun ressentait ce besoin. Mais, je le dis parce que c’est vrai, parce que c’est ainsi, rien en vérité n’avait été entrepris dans ce sens jusqu’à la loi du 2 mars 1982, même si dans la pratique, un certain nombre d’élus locaux avaient à la fois audacieusement et avec réalisme, compris qu’il fallait aller dans ce sens-là.
La Loi du 2 mars 1982 que Gaston Defferre a fait préparer et voter en quelques mois, une loi qui restera je le crois, une date importante dans l’organisation territoriale du pays.
– Oh, à l’époque, certains n’ont pas eu de mots assez durs pour combattre les projets du gouvernement de Pierre Mauroy, et pourtant, comme ce fut le cas pour la réforme dont nous commémorons aujourd’hui le Bicentenaire, peu d’années ont suffi pour que la loi de 1982 entre dans les moeurs.
– Cette réforme est si bien entrée dans les moeurs, que ceux-là mêmes qui l’ont combattue, je m’en réjouis, s’en font aujourd’hui les champions et parfois, ce qui ajoute à la saveur des choses, contre ceux qui l’ont faite. En toutes occasions des voix s’élèvent pour se plaindre des menaces qui pèsent sur la décentralisation, sur les reculs de la décentralisation. En vérité, cette critique n’est pas sérieuse. C’est une réforme difficile, c’est une réforme catégorique qui a d’un coup transformé nos usages et nos façons de faire, aucune loi n’est parfaite. S’il faut modifier, ajouter à cette loi des éléments qui manqueraient, j’en suis à l’avance d’accord à la condition d’établir entre nous quelques principes simples. Car je comprends les inquiétudes, lorsqu’elles sont fondées et croyez-moi, je reste disponible pour entendre et vos critiques et vos observations. Nous ne serions pas en République si quelques-uns pensaient avoir la science ou la connaissance infuse, tandis que les autres demeureraient des ignorants ou des gens démunis de bons sens, c’est à prendre et à laisser des deux côtés, de la politique française. Je dis : à prendre sans aucun doute, à laisser plus certainement encore.
Des inquiétudes sont apparues, ici et là, sur l’avenir de la région parisienne, sur la rationalisation des structures communales en milieu urbain.
– Oui, je suis sensible à ces remarques, je veillerai à les apaiser, j’organiserai toutes les concertations et M. le ministre de l’intérieur est ici, et m’entend et lui-même a préparé un texte qui est aujourd’hui soumis à la réflexion du gouvernement.
– Nous veillerons à apaiser ces inquiétudes lorsqu’elles seront légitimes, considérées comme légitimes par les groupes d’hommes et de femmes venus de tous les milieux politiques qui en auront débattu, et j’en tirerai la conséquence naturelle, je vous donnerai raison. Je sais bien que le propre de toute administration c’est de tenter de reprendre le pouvoir perdu, le pouvoir que le législateur vient de lui retirer, c’est un mouvement naturel.
– Mais moi, je vais vous dire ma pensée, l’intérêt de la décentralisation de l’Etat, c’est de réussir la décentralisation qui le débarrasse au demeurant de tâches multiples, complexes, afin d’avoir le temps de concevoir, de mettre en forme tout ce dont la société a besoin.
Je rappelais tout à l’heure que je disais souvent que, comme maire et conseiller général, j’étais souvent irrité d’un certain nombre de comportements où j’avais l’impression de me trouver, en effet modeste élu, devant toute une succession de petits Napoléon Ier débarqués dans la Nièvre. Ou bien pis encore puisque j’avais été ministre de la France d’outre mer dans les années 1950, un peu ce que j’avais ressenti lorsque devant les gouverneurs chamarrés venaient timidement les chefs de tribus. Je me sentais dans la peau du sous-chef de tribu, devant l’importante administration centrale qui détenait tant de pouvoirs, tant de connaissance dont j’étais dépourvu. Je ressentais comme une humiliation.
– Quand j’ai fait constater que les petits maires des petites communes, que l’on voit de loin, moi je les connaissais de près et je savais les trésors de sagesse, de réflexion et de bon sens et d’honnêteté qui se trouvaient là et qu’il était vraiment dommage de ne pas tirer le meilleur de cette vie démocratique intense que connaissent les maires de nos communes, petites ou grandes. Et dans la commune la plus pauvre on voit le plus souvent des élus avec lesquels on peut débattre pendant des heures de tous les sujets qui dépendent de leur autorité comme on peut débattre de tous les sujets qui intéressent la France.
N’ayons pas de mésestime pour ce qu’est notre pays et l’état de notre démocratie. Heureusement, est très important le nombre de Français capables de juger où sont les intérêts de la France, je veux dire de leur grand pays mais aussi de leur petit pays, communes ou départements.
Je veux évoquer un bon exemple de coopération croissante et féconde entre l’Etat et les collectivités en question. Parlons de l’enseignement supérieur. Vous avez également abordé ce sujet en souhaitant qu’entre l’Etat, les régions, les départements, peut-être aussi certaines grandes villes, il y ait une meilleure redistribution des fonctions touchant à la répartition de l’enseignement, des types d’enseignement. De plus en plus souvent, régions, départements, communes décident d’investir dans ce domaine. Ce qui veut dire qu’il y a aujourd’hui une formidable attention aux problèmes d’éducation et de formation très exactement partagés. C’est peut-être le souci numéro un de la plupart de nos élus qui savent, qui ont compris que le devenir de la France, le développement de la puissance française dans le monde face à la compétition internationale, tenait dans la formation de ses filles et de ses fils, dans l’adaptation de l’élément humain aux nouvelles technologies.
– Je vois ces régions et ces départements qui veulent absolument contribuer par des constructions nouvelles et des équipements à un meilleur accueil, à un enseignement dans leur localité, à une meilleure qualité de vie des étudiants. C’est pour cela que je veux engager, et je dis cela après en avoir parlé au ministre d’Etat chargé de l’éducation nationale, ce qu’on appelle une vaste concertation pour les prochains mois sur la programmation du développement des implantations universitaires avec quels moyens, quels fonds, quelles répartitions, quels accords dans le cadre général du pays qui doit obéir à des règles communes. Comment favoriser cette admirable éclosion de bonnes volontés, cette force que l’on trouve à la base pour faire qu’enfin notre école jusqu’à l’université soit servie en priorité.
– Je souhaite que cette concertation débouche rapidement sur des réalisations pratiques, réelles. Il faut accueillir le mieux possible des étudiants très nombreux qui se présentent aux portes des universités à chaque rentrée. On sait de quelle façon le problème se pose et chaque fois avec plus de gravité. Il est donc temps de mobiliser la Nation à tous les étages, à tous les niveaux, que tous les éléments vivants s’associent pour répondre à cette grande interrogation, non seulement de la jeunesse mais aussi de la génération précédente qui sait bien que la France a besoin de cette jeunesse pour conquérir ce qui lui manque.
Ne croyons pas que les lois de décentralisation ont définitivement figé les contours de nos institutions. Je vous dis : bien sûr que non. Ces lois sont perfectibles. Et elles seront perfectionnées. Il y a certains équilibres à réviser. Il y a des besoins nouveaux qui se font jour. Il y a des défauts qu’il convient de corriger. Il me paraît nécessaire, souhaitable en tout cas de faire progresser l’administration territoriale dans deux directions : d’abord en assurant une plus grande cohérence de l’ensemble, qu’il s’agisse des rapports des collectivités décentralisées avec l’Etat ou des rapports de ces collectivités entre elles. N’oublions pas qu’il y a la région et la commune, en plus du département, et la liste serait plus longue si je voulais être complet.
– Deuxièmement, en introduisant un supplément de démocratie dans les administrations territoriales. Assurer une meilleure cohérence de l’ensemble, c’est d’abord adapter l’administration de l’Etat à la nouvelle organisation territoriale. Voilà des décennies qu’on parle de déconcentration, eh bien croyez-moi, je n’y manque pas moi, tous les trois mois, c’est un refrain que j’entonne, et j’aimerais bien y mettre un terme car je ne chante pas tellement juste, et d’autre part, cela me lasse de répéter toujours la même chose.
– Déconcentration : pour qu’elle progresse de façon suffisante, il faut qu’on s’y mette, et on s’y met. Je crois que sur ce point, les projets de M. le ministre de l’intérieur, sont assez avancés pour qu’il soit permis d’espérer un règlement prochain de cette vieille affaire. J’approuve tout à fait les projets du ministre de l’intérieur. Il va bien falloir que les administrations centrales se résignent à limiter leurs activités aux missions qui leur sont propres, missions de réglementation, de conception, de coordination, et qu’elles abandonnent ou qu’elles délèguent, une fois pour toutes, la volonté et le pouvoir de régler les dossiers à des services extérieurs renforcés, regroupés sous l’autorité du représentant du gouvernement. La déconcentration est le complément indispensable de la décentralisation, pardonnez cette redite, cette vérité de La Pallice mais vraiment c’est dommage de penser qu’il faille tant d’années pour parvenir à ce résultat.
– Ce ne sera possible qu’avec la volonté de venir à bout des vieilles habitudes, même si ces habitudes anciennes tirent une vigueur nouvelle des facilités que le progrès technique offre à la concentration, mais c’est nécessaire si on veut établir à tous les niveaux ce dialogue, cette concertation fructueuse entre les services de l’Etat et les élus locaux.
Le Président Cluzel, me semble-t-il, n’a pas vu d’un bon oeil la transformation des régions en collectivités territoriales. Elle était pourtant inévitable quand ce ne serait que parce que la plupart des pays voisins de la France sont eux-mêmes divisés en entités comparables, ce que les membres du Parlement européen vivent chaque jour, qu’il s’agisse des Länder allemands, des régions italiennes, des communautés espagnoles ou bien dans le cadre européen où des relations bilatérales s’établissent et se développent de part et d’autre des frontières.
– Ce qui peut ne pas sembler satisfaisant, c’est peut-être le nombre excessif, et comment dirais-je, la spécificité peut-être insuffisante des régions françaises. Ce sont des problèmes auxquels il convient de réfléchir. Il est de fait du reste que la plupart des projets qui, au cours des dernières décennies, avaient superposé la région au département, s’orientaient vers une dizaine de grandes entités régionales, évitant toute concurrence entre la région et le département. On pensait à une dizaine en métropole. Nous en avons vingt-deux, et nous restons avec nos départements, et on a raison : je suis résolument départementaliste.
– Cependant, c’est vrai que sur certains plans, notamment sur la planification des développements économiques, des grands moyens de communication, il convient d’avoir de grands ensembles. Je recommanderai au gouvernement, au Premier ministre et au ministre de l’intérieur, je leur recommanderai non pas qu’il y ait une superposition supplémentaire, il y en a déjà assez comme cela, il en a même peut-être trop, mais au moins une liaison, une coordination permanente entre quelques régions afin de permettre à ces régions de définir en commun des plans d’ensemble. Si on ne le faisait pas, le morcellement de ces régions aboutirait, d’une part à un télescopage permanent avec la compétence des départements, et d’autre part, nous ne serions pas en état d’aborder l’année 1993, c’est-à-dire le marché unique européen.
Ni par ses dimensions, qui devraient l’éloigner du département et la rapprocher des entités correspondantes des pays voisins, ni par les compétences, la région ne peut être un super-département, et c’est là qu’est la confusion : cela ne doit pas être un super-département. Je tiens à ce que ce thème soit répété, dans le cadre d’une réflexion d’ensemble sur l’agencement général de notre administration territoriale. J’en parlais encore avec M. le ministre de l’intérieur sur la route qui me conduisait à Moulins, et nous avons vraiment pris bonne note d’une résolution très ferme pour que les mois ne passent pas sans qu’on ait enregistré de réels progrès.
J’ai indiqué une deuxième direction, tout à l’heure. Je m’adresse à travers vous à toute la France, je traite du sujet de l’organisation entière du pays, le devenir de la décentralisation commande aussi le devenir de la France au cours du siècle prochain. Laissons à nos successeurs plus lointains le soin de s’adapter aux évolutions du temps, et pour le temps que nous vivons, c’est bien là que se trouve l’une des priorités françaises.
J’ai indiqué la direction qui me parait essentielle pour que la décentralisation progresse, c’est la démocratisation de ces institutions décentralisées, langage un peu obscur, c’est le langage administratif mais il faut que les citoyens comprennent ce que je dis là car la décentralisation, c’est-à-dire le pouvoir, le pouvoir de décider réparti dans une infinité de collectivités territoriales françaises, cette décentralisation n’est pas une fin en soi, elle ne consiste pas à prendre le contre-pied des tendances centralisatrices séculaires qui ont dominé notre pays. Elle s’impose parce qu’elle est porteuse de liberté, parce qu’elle est un instrument de la démocratie. C’est un progrès que de confier à des administrations élues le soin de gérer les affaires d’une commune ou d’un département, certains le fond déjà, la participation est l’information des citoyens, et c’en est un autre que chaque partie du territoire départemental soit justement représentée.
Reste la question de la représentativité. Cette question est-elle absolument résolue dans nos assemblées ? Je m’interroge. Je vous ai dit à quel point j’étais attaché à l’institution cantonale mais il faut voir les choses comme elles sont. Il s’est établi au cours du temps des disparités graves, du fait des changements de population et d’axes économiques qui se modifient constamment. Ces disparités pouvaient être supportables tant que les compétences, les pouvoirs, les moyens étaient contenus dans d’étroites limites, comme avant la décentralisation, mais maintenant est-ce compatible avec une démocratie décentralisée, quand les moyens d’un conseil général deviennent si importants ? Les décisions peuvent-elles être prises par une seule fraction des citoyens de ce département ? Songez que dans 40 % des départements métropolitains le rapport de la population du canton le plus peuplé à celle du canton le moins peuplé est supérieur à 10, ce qui signifie que, dans le même département, la voix de l’électeur d’un canton pèse dix fois plus que celle de l’électeur d’un autre canton et, dans certains cas, ce rapport atteint et dépasse 50 à 1.
– Je le répète, mon expérience m’a appris qu’il ne faut pas non plus avoir exagérément l’esprit de logique car il est une autre donnée qui pèse lourd dans ce choix, c’est la réalité de tous nos petits pays que représentent souvent nos cantons et ces petits pays ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas exactement le même nombre d’habitants ou d’électeurs que celui d’à côté, ils vivent en tant que tels. Ils ont leur histoire, ils ont leur vie, il ne faut pas les négliger et moi je suis personnellement tout-à-fait « réservé » – j’emploie un terme diplomatique puisque la discussion n’est pas achevée au sein du gouvernement, il faut bien que je sois diplomate avec mes ministres | – je pense qu’il faut préserver le canton. L’esprit est riche d’initiatives, on va bien trouver quelque système qui permettrait de faire que le département, maître d’un important budget, soit composé d’élus qui représentent, aussi exactement que possible sans qu’on tombe dans une excessive logique, la population dans sa réalité. Alors il y a un compromis à trouver entre la représentation des cantons qui doit être maintenue, particulièrement en milieu rural, et la recherche d’une plus grande égalité entre les électeurs d’un même département : il y va croyez-moi, mesdames et messieurs, de la crédibilité de la démocratie locale. C’est en tout cas sur ce terrain-là que, personnellement, je m’engage.
Je suis à la fin de cet exposé, voilà quelques directions à explorer. Il faut poursuivre dans la voie de la décentralisation que les Constituants ont ouverte, il y a deux siècles, et nous célébrons précisément ce grand anniversaire. Tout cela débouche sur des perspectives nouvelles, dans une Europe qui sera désormais à la mesure de notre continent, quel grand événement | La Révolution française, c’est un soulèvement populaire préparé sans doute par les réflexions d’un certain nombre de penseurs mais c’est un soulèvement populaire, c’est ce qui en a fait le caractère unique, l’importance, l’extraordinaire contagion des idées à travers tout le XIXème et le XXème siècles. Mais c’est bien ce qui vient de se passer, mesdames et messieurs, dans les pays de l’Est, nous venons d’assister, presque pour la première fois depuis deux siècles, à un mouvement populaire qui a contraint des pouvoirs hier forts, qui paraissaient inébranlables, à concéder un début de démocratie autour d’un thème très simple, cent fois répété, vieille chanson de l’âme humaine, à partir de la liberté.
Il peut sembler paradoxal de penser que l’avenir des départements, qui ne représentent chacun que la centième partie du territoire français, puisse être comme une sorte de tremplin pour aborder les problèmes de l’Europe et du monde. Et pourtant, c’est à partir de là que les choses commencent, c’est à partir de là que les choses se font car le paradoxe n’est qu’apparent et l’exemple de l’Assemblée Constituante est là pour nous rappeler qu’on ne peut viser à l’universel qu’en prenant appui sur l’ensemble des réalités nationales, dans ce qu’elles ont de plus divers et de plus singulier.
Voilà ce que j’avais à vous dire, avant mes derniers mots qui seront ceux de la gratitude pour l’occasion qui m’est fournie, à la fois de parler à la France sur un sujet déterminant mais aussi, grâce à vous, de retrouver sur les chemins de France, l’ensemble des réalités qui transcendent toutes les poésies de la terre, les réalités qui sont la vie des nôtres et c’est aussi à partir de cette vie-là que s’est fondée la France. Elle est encore et sera longtemps marquée par cette forme de civilisation que vous représentez, dont vous êtes, comme moi-même, les filles et les fils. Vous êtes les enfants qui porterez plus loin, au siècle et au millénaire prochains, ce qui a été et ce qui demeure le fond de la civilisation française. Pourquoi aurions-nous peur des citoyens ? Eh bien, qu’ils décident, c’est bien la loi de la République.
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