Une sorte de malédiction flotterait sur la France : l’allergie aux réformes ! Pour ne pas croire à cette légende, je pense au contraire que ce ne sont pas les réformes qui inquiètent les Français ou leurs représentants, c’est la manière dont elles sont conduites. Et la balourdise de l’Etat en est probablement l’origine principale.
S’agissant de la réforme territoriale, il en est question depuis janvier 2008, elle a donné lieu à de nombreuses lois, plus encore de règlements, et un nombre incalculable de travaux mobilisant des régiments entiers de hauts fonctionnaires et d’élus locaux. Découpages et redécoupages, modes de scrutins, n’ont cessés d’être en perpétuels mouvements Si une estimation était faite du coût déjà engendré par tous ces chantiers, les Français en seraient édifiés.
Une nouvelle réforme nous est annoncée de manière martiale. Comme les précédentes, elle émane du sommet et vise soi-disant à répandre la joie et le bonheur terrestre dans les contrées les plus éloignées de nos belles provinces. Lesquelles en doutent, à la lumière de l’expérience, non sans raison.
Le plus désagréable, pour tous ceux qui cherchent en sincérité à comprendre l’objectif visé, est de se voir accusés, avant toute chose, du soupçon de conservatisme. Le droit à réfléchir et comprendre n’est même plus accordé. Nous sommes nombreux à vouloir améliorer le fonctionnement du service public, et sommes totalement prêts à adopter les voies et moyens pour y parvenir, y compris ce qui pourrait aboutir à la suppression de nos fonctions. Que l’échelon central du Pays cesse de nous soupçonner de peur du changement, de corporatismes, et autres gracieusetés. De ce point de vue, nous n’avons aucune leçon à recevoir de l’Etat qui est probablement, dans le monde, le plus rétif au changement. D’où son ardeur d’ailleurs à vouloir changer les autres.
Ce qui manque en France, ce ne sont pas des collectivités territoriales éveillées aux grands défis d’avenir, c’est un Etat stratège qui sait où il veut conduire la France, qui le dit, qui en décrit la méthode et en fixe l’agenda, et qui associe toutes les forces vives pour réussir. Il est sidérant de voir que plusieurs gouvernements successifs, de sensibilités politiques opposées, veulent les uns après les autres, réformer tout sauf ce dont ils ont la charge, c’est-à-dire l’Etat.
Les lois de décentralisation à partir de 1982 ont ouvert les voies à une modernisation des administrations. De toutes les administrations. Qu’il s’agisse de l’administration de l’Etat à la nouvelle organisation territoriale.
Or l’Etat n’a pas tiré les conséquences de la décentralisation : il est resté concentré dans son fonctionnement, cloisonné dans ses structures, fragmenté dans ses actions. Son efficacité au service des citoyens commandait une déconcentration vigoureuse de son fonctionnement, une adaptation de ses services déconcentrés au regard des administrés et non de leurs échelons hiérarchiques, un exigence de cohésion renforcée. Indispensable complément de la décentralisation, cette rénovation était au cœur de la loi ATR du 6 février 1992. Consacrer le principe de subsidiarité dans la répartition des missions entre les administrations centrales et les services déconcentrés figure en toute lettre dans la loi. Un décret-cadre portant charte de déconcentration s’en est suivi précisant les principes de répartition des compétences entre les différents échelons de l’administration. Il a été bien vite remisé au placard.
La réalité est donc celle-ci : il n’y aura pas de réforme territoriale sans réforme intégrée de toute l’action publique locale, c’est-à-dire : en ce compris donc la réforme de l’Etat local.
Si toutes les parties en présence sont d’accord sur ce principe fondateur, alors une réforme est possible, car nous travaillerons tous ensemble en confiance. Enfin !
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