Le feu médiatique s’est soudain propagé, comme l’éclair, pour sonner bruyamment l’hallali autour des départements. Victimes expiatoires arbitrairement désignées pour effacer tous les péchés de la gestion publique. Une courte et simple évocation dans le discours de politique générale aura suffi pour convoquer sur l’heure tous les thuriféraires funéraires sommés d’enterrer vivante cette institution plus que bicentenaire. Celle pourtant en charge de la politique sociale à la personne, de l’enfance en danger, de la protection du secours et de l’incendie, bref de tout ce qui relève de la proximité.
Cette déclaration est survenue comme une sorte de tête à queue de la pensée. Soudaine et imprévisible. En totale contradiction avec toutes les précédentes annonces entendues depuis deux ans. Il n’est certes jamais interdit de changer d’avis. Mais la méthode commande, si l’on souhaite réussir plutôt que provoquer, le respect de procédures contradictoires évitant l’erreur ou l’injustice. Les Institutions, comme les personnes, ont toutes droit à un procès équitable. Prononcer à leur endroit, sans jugement, la peine capitale, relève d’un simulacre de justice expéditive relevant d’autres civilisations.
L’examen juridique préalable du sujet aurait été préférable, tant l’aventure semble constitutionnellement fragile. L’article 72 de la Constitution consacre l’existence du département comme collectivité territoriale. Il précise qu’elle s’administre librement par un conseil élu. La ruse de garçon de bain visant à prétendre que la suppression des conseils généraux n’entrainerait pas la suppression des départements est aussi comique que prétendre que la suppression des conseils municipaux n’entrainerait pas la suppression de la commune. Ce rideau de fumée mériterait, pour la clarté du débat, d’être dissipé très vite afin d’éviter que la nécessaire confrontation démocratique ne s’égare sur la théorie juridique moins essentielle.
Mais au-delà de la question constitutionnelle, est-il ou non pertinent de supprimer les départements ? Telle est la question. Elle est suffisamment honorable pour ne pas être escamotée.
Un examen objectif des avantages et inconvénients de notre organisation actuelle doit pouvoir être instruit. L’information financière dont nous avons besoin pour statuer doit pouvoir être réunie, ce qui n’est pas le cas actuellement. Il n’existe aucun chiffre audité et consensuel sur les frais de structures et d’économies d’échelle possibles. La paralysie engendrée par l’interaction entre l’Etat et les collectivités n’est pas davantage chiffrée alors qu’elle la plus ruineuse.
Mon intime conviction est que le mal français consiste à parler, voire à se disputer, sur les structures avant d’examiner les besoins avérés de la population, de notre démocratie, et les coûts qui en résultent.
La question n’est donc pas précisément : pour ou contre les départements, mais quelle organisation territoriale voulons-nous pour répondre à la satisfaction des besoins de la population au meilleur rapport coût efficacité.
Deux écoles commenceront immédiatement à s’affronter, celle traditionnelle et centralisatrice de la France qui prétendra que l’organisation doit être uniforme sur l’ensemble du territoire national. Et l’autre, dans laquelle je me reconnais, consistant à considérer que chaque espace à sa spécificité et qu’il est préférable d’offrir une réponse adaptée aux besoins des habitants et non aux moules uniformes fabriqués dans les ministères. J’en déduis que l’organisation du département de l’Orne, des Ardennes ou de l’Aveyron, ne doit pas nécessairement être le copier / coller de celle des Bouches du Rhône, des Hauts de Seine, ou des Yvelines. Dans notre rapport avec Martin Malvy, nous avons d’ailleurs conclu que l’organisation devrait probablement être différente dans les départements à dominante urbaine et ceux à dominante rurale.
Entamons bien vite ce débat, il est essentiel. Il nous évitera des choix irréfléchis, à l’emporte-pièce, aux impacts mal cernés.
L’administration territoriale de la République ne peut plus, sauf à décourager tous les élus de bonne volonté, être soumise aux volte-faces, atermoiements, retours en arrière comme ceux que nous venons de vivre. Réforme de l’intercommunalité, l’encre à peine sèche : annonce d’une révision des périmètres. Redécoupage des cantons, en ignorant les intercommunalités, adoption d’un mode scrutin baroque avec couple obligatoire. Et maintenant suppression des conseils généraux. Tout ça pour ça ? Tous ces coupages et redécoupages pour rien ? Inventer un mode d’élection psychédélique pour un seul mandat avant suppression ? La France s’inscrit-elle dans un concours Lépine de l’humour électoral ou cherche-t-elle vraiment et sincèrement à sortir de l’impasse dans laquelle elle s’épuise depuis vingt ans ?
Pour ma part, je ne renoncerai jamais à apporter ma contribution à la réconciliation des forces politiques responsables sur l’essentiel. Encore faut-il qu’elles veillent à n’avoir d’autres buts que l’intérêt supérieur de la Nation. A ne pas s’abandonner aux pulsions partisanes. A ne pas se laisser aveugler par les théories ancestrales de nos administrations. A n’en pas douter, elles conservent de larges marges de progrès.
Merci beaucoup pour ces précieuses recommandations !