Les commentaires, réactions, soutiens, oppositions, vont bon train à propos des annonces faites par le Premier Ministre et confirmées par le Président de la République, sur la réforme territoriale. Afin d’éviter de nombreux malentendus, des conflits larvés, des manœuvres dilatoires, la première précaution serait de clarifier l’objectif visé.
Un premier sujet doit être préalablement tranché : s’agit-il d’une réforme des collectivités territoriales ou une réforme de l’administration territoriale de la République ? Car la méthode ne sera pas la même. L’administration territoriale n’est nullement assurée que par les collectivités territoriales mais également par les services déconcentrés de l’Etat. L’enjeu semble donc de couvrir l’ensemble des activités publiques répondant aux besoins d’intérêt général de la population. Revoir l’organisation pour la rendre plus efficiente et d’un meilleur rapport coût/efficacité suppose donc logiquement d’embrasser l’ensemble des personnes publiques (Etat, collectivités territoriales, établissements publics, etc.) qui accomplissent ces activités.
Il y aurait quelque paradoxe à ce que l’Etat prétende mettre de l’ordre dans la gestion des autres acteurs en faisant l’impasse sur sa propre gestion dont chacun constate la grave dégradation sur l’ensemble du territoire. Ce serait par ailleurs violer le principe constitutionnel de libre administration. Et feindre d’ignorer le fait majeur que l’empêcheur principal de gérer efficacement est précisément l’Etat lui-même, dépourvu de moyens mais affairé à s’occuper de tout, prescrivant quotidiennement des complexités et des dépenses nouvelles, tout en regrettant bruyamment leur montant. Les doublons les plus criants ne sont pas entre les collectivités elles-mêmes, mais entre l’Etat et ces collectivités. Il suffit pour s’en convaincre de comparer le compte rendu d’activité des services de l’Etat dans un département avec celui des services du Conseil Général pour constater qu’ils s’occupent exactement de la même chose, hors compétences régaliennes.
L’une des maladies de la gestion publique est précisément l’absence de déconcentration. Depuis 50 ans, il n’a été cessé de rappeler que ne doivent être confiées aux administrations centrales que les seules missions qui présentent un caractère national. Les autres missions, et notamment celles qui intéressent les relations entre l’Etat et les collectivités territoriales, relèvent normalement des services déconcentrés. Mais il n’en a jamais rien été. Tout continue de se décider à Paris, dans les ministères qui rêvent d’une régionalisation à marche forcée, tant il est plus facile de téléguider à distance 20 directions régionales que 100 départementales. Lorsqu’il n’y aura plus que 10 régionales, elles ne seront plus que les succursales des administrations centrales, et la République décentralisée aura vécu.
C’est pourquoi la réforme territoriale à venir serait un nouvel acte manqué si le rôle de l’Etat local n’est pas au cœur de la démarche. C’est avec lui qu’il faut commencer. Si ce principe est admis, alors s’ouvrent des perspectives innombrables. La répartition des missions entre échelons territoriaux s’opèrera sur la base du bon sens, selon le principe le plus sage : l’efficacité au service des citoyens au meilleur rapport coût/efficacité ! Les chapelles locales sauront rompre avec la tentation de l’isolement car leur inspirateur commun : l’Etat aura su montrer l’exemple en effaçant le réflexe ministériel des administrations centrales pour offrir enfin une vision conjointe et solidaire de l’action des administrations au service des Français.
Nous en traiterons dans des billets à venir. Dès lors que nous aurons vraiment « commencé par le début », c’est-à-dire redonné à celui qui nous incarne tous : l’Etat, la juste place qui est la sienne, celle qu’il n’aurait jamais dû perdre.
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