Lors de la dernière élection présidentielle de 2012, François Bayrou m’a proposé de rejoindre son équipe de campagne afin de lui apporter mon conseil dans la préparation de la stratégie de finances publiques de son quinquennat, s’il était élu Président de la République. Même si son élection n’était pas inscrite parmi les probabilités comme la plus certaine, nous étions convenus, en total accord avec lui, et c’était une des conditions de mon engagement, de nous obliger à un exercice exigeant de sincérité, au milieu de cette kermesse médiatique en forme de concours de promesses aussi fallacieuses que mensongères.
Dans la solitude la plus déprimante, j’avais suggéré que tous les candidats présentent un graphique de leurs prévisions pour le quinquennat à venir illustrant lesdites prévisions de chacun, afin que leurs engagements puissent être vérifiés année après année. Nous fûmes seuls à le faire. Le billet que j’avais posté le 9 avril 2012 sur mon blog n’eut qu’un très modeste succès d’estime : https://www.alain-lambert.org/2012/04/lheure-de-verite-pour-lavenir-de-nos-finances-publiques/ Il était pourtant un exercice minimal et indispensable d’éthique démocratique.
Examinons, ce qu’il en résulte un an et demi après l’élection. Les graphiques ci-joints vont permettre la pédagogie que je crois indispensable si nous voulons progresser sur le chemin du redressement et de la vertu budgétaire.
S’agissant des dépenses, celles promises par le Président élu François Hollande, étaient de loin les plus généreuses, elles n’ont pas été tenues, Dieu-merci, car le déficit serait encore pire que celui prévu pour 2014. Celles anticipées par le candidat sortant Nicolas Sarkozy étaient assez proches du projet 2014 du présent gouvernement. Celles que j’avais recommandées à François Bayrou étaient stabilisées en valeur par rapport à l’exécution 2012, soit autour de 1.160 Mds€ ce qui ferait 40 Mds€ de moins que ce qui sera voté. On ne peut pas dire que la prévision fût démagogique. Bien au contraire. Même si je persiste à confirmer que c’était la seule raisonnable.
S’agissant des recettes, l’heure de vérité sonne cruellement aujourd’hui ! Les candidats qui ne s’embarrassaient pas d’une exigence excessive de sincérité, les prévoyaient florissantes. La réalité se révèle plus cruelle. Elles sont estimées par le gouvernement à 1.124 Mds€ pour 2014, or le graphique révèle que le seul candidat sincère, en la matière, aura été Bayrou ! Les autres, grâce à une prévision de croissance hyper optimiste avaient vendu des illusions de recettes qui n’ont pu se réaliser.
Mais l’épreuve de vérité et de sincérité se vérifie immédiatement sur le solde (le déficit) dont le graphique doit être lu de la manière suivante : les 3% étaient retenus comme intangibles par tous les candidats. François Hollande y parvenait en surestimant ses recettes possibles de 60 Mds€, Nicolas Sarkozy en les surestimant de 30 Mds€, et François Bayrou y parvenait pour son effort sur les dépenses grâce à la stabilisation en valeur par rapport à l’exécution 2012 dont nous avions fait un thème de campagne.
S’agissant de la dette, elle est la traduction de tout ce qui précède. Elle est de 75 Mds€ de plus que ce que le candidat François Hollande avait anticipé. Il était alors à peu près aux mêmes prévisions que ses concurrents.
Quant au PIB ou à la prévision de croissance qui est la clé de toutes les ruses des candidats pour promettre des lendemains qui chantent. Ils se sont révélés beaucoup plus faibles que tout ce qui avait été anticipé par les deux candidats du 2ème tour. Une fois encore, la prévision de François Bayrou fût la plus vertueuse, même si elle dépassait ce qui a pu être atteint.
La morale de l’histoire est de savoir si les élections présidentielles sont entourées d’une exigence de sincérité suffisante pour permettre un consentement éclairé des électeurs contribuables ? Sans être désagréable pour personne, la réponse est non. Doit-elle enfin obliger à plus de sincérité ? La réponse pourrait être oui ! C’est une question de morale, d’éthique, de responsabilité et de démocratie, et j’en traitre longuement dans mon livre « déficits publics, la démocratie en danger ». Cela suppose une mobilisation générale de tous les citoyens, des observateurs, de la presse, et aussi des candidats afin qu’ils participent au ré enchantement bien nécessaire de la démocratie. Pour ma part, je resterai jusqu’au terme de mon engagement arcbouté sur des principes de sincérité. Et je remercie encore François Bayrou de m’avoir fait confiance sur ce sujet et d’avoir accepté de le partager quel qu’en soit le résultat. S’il n’a pas été électoralement payant, il est moralement et démocratiquement rassérénant !
Félécitations pour le travail de 2012 (je m’honore d’avoir participé au succès d’estime tout en déplorant sa modestie), et félicitations pour ce point de situation ô combien révélateur.
Toute petite suggestion de dataviz, le graphique de solde pourrait être remis dans le bon sens avec le négatif dans le négatif : on verrait mieux que ce qui nous arrive actuellement, correspond à la pire de toutes les hypothèses.
Ce billet nous montre combien malgré sa myriade de nouvelles taxes M. Hollande avait surestimé la capacité contributive des Français, mais aussi combien M. Bayrou avait été le seul à voir que la seule solution était de veiller à ce que les dépenses n’augmentent pas, puisque l’on ne sait pas les financer autrement que par l’emprunt. Toutes les dépenses nouvelles engagées par le gouvernement sont renvoyées aux enfants par l’emprunt. Effrayant.
Félcitations également pour cette analyse complète et objective
.Face à ces constats , mettant en exergue que , mise à part F Bayrou , les principaux candidats avaient largement pipés par des hypothèse peu réalistes ( ou en tout cas sans réel fondement économique ) leurs promesses , n est il pas aussi opportun de s interroger quant à la pertinence du dispositif électoral actuel visant à donner pour 5 ans les clefs de la maison à une meme équipe .
Des dispositions proches de celles existant aux Etats Unis ( élections de mi mandats ) ne permettraient elles pas de corriger les écarts plus ou moins importants apparaissant au fil du temps entre l opinion publique et les gouvernants ?
En l absence d une réforme ou d’ une peu probable dissolution de l assemblée nationale , n y a t il pas un risque à ce les extrémistes ou populistes soient de plus en plus entendus ? Voire que les oppositions , de tous bords , aux politiques menées s’ expriment de manière violente dans la rue
@FredericLN : je suis totalement d’accord avec vous mais pour le déficit il n’est pas mail soit graphiquement clair qu’il se creuse ! Dans l’autre sens les gens pensent qu’il s’améliore, non ?
Je voudrais, à tout hasard, signaler à ceux qui pensent que la France ne pourrait pas accomplir les mêmes missions qu’aujourd’hui avec 40 Mds€ de dépenses publiques en moins, comme nous l’avions proposé avec François Bayrou, que cela ne représente que 0,02 % du PIB, seulement 0,0033 % des dépenses des administrations publiques et que cela ne représente par exemple que la perte de recettes publiques constatées sur l’exercice 2009 au moment de la crise, et enfin que cela ne représente également la totalité de la progression du PIB prévisionnel en 2013 comparé à 2012, cela voudrait dire que les dépenses publiques doivent absorber la totalité du fruit supplémentaire du travail des Français en 2013. On marche sur la tête. Que l’on se rassure ces 40 Mds€ seront intégralement empruntés afin de ne pas fâcher les contribuables déjà énervés au risque d’accabler l’avenir de leurs enfants.
2%, soit 0,02 fois le PIB 😉
Ça représente l’équivalent d’une seule année de gains de productivité dans le privé dans les années 90. Comme le rappelait une personnalité qui s’est présentée pour la Présidence de la République https://web.archive.org/web/20070306090952/http://www.bayrou.fr/propositions/fonction-publique.html
@Alain Lambert
Je pense qu’il y a une erreur (d’un facteur 100) dans votre commentaire: 40 Mds€ de dépenses publiques, c’est plutôt de l’ordre de 2% de PIB (env. 2000Mds€, donc 1% PIB = 20 Mds€) que de 0,02% de PIB. Même remarque pour les administrations publiques: il s’agit de 0,33% plutôt que de 0,0033%.
Au plaisir de vous revoir.
Compliments sur vos analyses.