Les électeurs feraient bien de veiller que telle est bien l’intention des candidats à la Présidence. François Bayrou a, le premier, pris des engagements lors du Forum du 25 Février dernier « le nouveau contrat démocratique ». François Hollande l’a fait à Dijon hier. Il sera intéressant d’écouter ce que le Président sortant en dira puisqu’il s’en est souvent dangereusement éloigné, au cours des cinq années qui viennent de s’écouler.
Le retour à une pratique institutionnelle conforme à l’esprit et à la lettre de notre constitution, non modifiée à cet égard lors de notre dernière révision, est essentiel pour la survie de notre démocratie, tant le respect de la Constitution est au cœur du contrat démocratique.
Le Premier ministre doit sans ambigüité, dans la forme comme sur le fond, être le Chef du Gouvernement. Les ministres sont placés sous son autorité directe et doivent s’y soumettre. Attendu l’expérience récente, il serait utile qu’ils le fassent par écrit au moment de leur nomination.
Le chef du Gouvernement doit nommer aux emplois civils et militaires.
C’est le Gouvernement qui détermine et conduit la politique de la Nation sous l’impulsion et les orientations stratégiques définies par le Chef de l’Etat.
Le Gouvernement doit engager sa propre responsabilité devant l’Assemblée Nationale sur la base d’une déclaration de politique générale qui tient lieu de pacte de majorité.
Le Premier ministre est le chef de l’administration de l’Etat, responsable principal des relations avec les administrations de protection sociale et avec les Collectivités Locales, afin d’être garant du respect de nos engagements européens en matière de surveillance multilatérale.
Le retour à cet équilibre institutionnel me semble d’autant plus utile que le Président siège dans de nombreuses instances communautaires et internationales qui sont cruciales pour la remise en ordre des affaires du monde. Et il n’est pas bon qu’il donne le sentiment d’être en même temps le chef du gouvernement.
Si ces modalités n’ont plus la faveur du Président actuel, il doit par loyauté bien vite le dire. Beaucoup d’électeurs en tiendront compte dans leurs votes. Le respect de cette organisation des pouvoirs publics est le fondement de tout pacte de gouvernance entre le Président et le Gouvernement dans une France moderne, dynamique, en ordre de bataille pour relever les défis qui lui sont lancés.
Le rendez-vous présidentiel de 2012 doit être l’occasion, selon l’expression, de « remettre l’église au milieu du village » France et ainsi répondre à l’attente pressante des Français.
Ces principes dépassent la personne des candidats, elle est la matrice politique, institutionnelle et démocratique de notre grand pays. Ils sont aussi un avertissement pour le président à venir afin qu’il sache que les dirigeants des pays ne peuvent s’accommoder, à discrétion, ou selon leurs caprices, des institutions héritées de la 5ème République.
Votre avis ?
Merci pour ce rappel du fonctionnement de notre démocratie.
J’y retrouve ce que j’enseignais à mes élèves en éducation civique et que je suis surprise de ne plus observer en France depuis 5 ans.
Alors, à votre question, pour moi, la réponse est clairement: non!
J’ai lu avec attention votre texte « pour remettre l’Eglise au milieu du village ». Je m’attendais à lire un sujet sur l’eventualite de voir disparaître nos Églises. Ouf ! Je suis soulagée ! Par contre je pense que le sujet en question intéresse très peu les français. Ils ont des préocupations beaucoup plus importantes et concrètes pour le devenir de la France en cette période. Il serait de bon sens et en mettant de côté ses égos pour se rassembler enfin. Ni gauche ni droite ni centre et bien sur ni extrémistes rien que des français pour sauver leur pays.
Chère Delalande,
J’ai partagé votre inquiétude. La belle expression française, si simple et si parlante, « remettre l’Eglise au milieu du village » peut être sujette à des interprétations polémiques, surtout par les temps qui courent, où la laïcité donne lieu à tant de débats passionnés et où les racines chrétiennes fissurent le pacte républicain (le lecteur, indulgent, voudra bien me pardonner la métaphore filée.)
En revanche, je crois que vous avez tort. La façon dont nous sommes gouvernés, même si elle ne nous intéresse pas, peut avoir une influence sur la façon dont nous sommes entendus, et au final, sur notre quotidien.
Je vais donc reprendre un peu de saucisson laïc et de vin athée, et profiter du temps libre que m’offre le retard de ma prochaine pour commenter sur le fond.
Cher Alain Lambert,
Je suis à 1000% d’accord avec le fond de votre billet.
Et pourtant, une fois n’est pas coutume, je vais prendre la défense de Nicolas Sarkozy. Il n’a fait qu’officialiser, que rendre évidente une pratique ancienne, qui date probablement du renvoi de Chaban et de la nomination de Messmer par Pompidou : en France, le Premier Ministre est un Vice-Premier Ministre.
Notre constitution, beaucoup plus bavarde que l’américaine, et infiniment plus longue que la britannique – qui n’est pas écrite – reste néanmoins très floue. On se souvient de la crise des Ordonnances, et du débat sans fin sur la valeur institutionnelle du présent de l’impératif. La Vème ne prévoit pas d’autre mécanisme de résolution des conflits que le rapport de forces. La constitution de 58 est un texte médiocre, qui se refuse à trancher entre des inspirations diverses et contradictoires.
Notre exécutif bicéphale ne fonctionne de façon équilibrée que dans deux circonstances :
– en période de cohabitation
– quand le Général De Gaulle est président de la République.
Vous conviendrez que ces circonstances sont rares, et pas toujours souhaitables. Une réforme de nos institutions semble donc nécessaire.
Dans la lettre comme dans la pratique de notre constitution (l’esprit se discute…), le Premier Ministre n’est pas notre chef de gouvernement.
D’après l’article X, il « dirige L’ACTION du gouvernement », et d’après l’article Y, le président « préside le Conseil des Ministres ». On a donc une ambiguïté dès le départ, qu’est venue compliquer l’élection du PR au suffrage universel depuis 62.
Pour revenir à un système équilibré, il suffirait d’un toilettage constitutionnel, mais il faudrait une révolution des mentalités, des habitudes, de tout ce qui fait l’adhésion des citoyens au système démocratique.
Sur le plan institutionnel, il suffirait de supprimer « l’action » dans le « descriptif de poste » du PM, et de transférer le droit de dissolution du PR au PM. On aurait ainsi, comme on ne l’a jamais eu sous la Vème, la IVème ou la IIIème, un gouvernement fort et stable (tant qu’on préserve le scrutin majoritaire), ayant des rapports équilibrés avec le parlement. Et un président qui se consacre à son rôle, très vaste, d’arbitre, de garant des institutions, d’incarnation et de représentant de la France, à l’intérieur comme à l’étranger.
Là où ça devient compliqué, c’est qu’il faudrait faire des législatives le grand rendez-vous démocratique où l’on décide quel camp, quel leader doivent gouverner, tandis que les présidentielles, selon la formule consacrée « rendez-vous entre un homme et le peuple », deviendraient l’occasion de choisir une personnalité consensuelle, d’expérience, pour nous représenter.
Ce n’est peut-être pas dans notre tradition. Mais tout ce qui est nécessaire et bon adviendra, parce que si nous ne vivons pas dans le meilleur des mondes possibles, c’est qu’un monde meilleur est en train de le remplacer – ou que ma petite amie sonne à la porte.
Bien cordialement,
SG
Cher Alain Lambert,
Je suis pas d’accord avec votre analyse.
F. Fillon a dans son livre théorisé l’effacement du premier ministre et la prééminence du président qui seul a reçu l’onction du suffrage universel. Je ne vois pas en quoi son analyse est mauvaise.
Je ne vois pas de gain démocratique à avoir un premier ministre porteur de tous les pouvoirs alors, que le premier ministre est choisi et nommé par le président, et que le président peut l’utiliser comme fusible. Chaque français sait depuis le début de la cinquième république que la réalité du pouvoir est entre les mains du président, et que l’élection importante est l’élection présidencielle. Cet état de fait a été conforté par le quinquennat voulu par Jospin. La pratique actuelle du couple Sarkozy-Fillon n’est donc pas choquante.
Votre seul argument est la fidélité à la lettre de la constitution de la cinquième république. Il ne s’agit pourtant pas d’un texte sacré.