La dernière loi de finances avant la présidentielle de 2012 est en débat à l’Assemblée Nationale. Gageons qu’elle nous accordera son lot de comique fiscal. La question de la fiscalité est un marronnier de la politique comme la presse a les siens. Mais c’est aussi un sujet de controverse idéal puisque personne ne parle de la même chose. Le périmètre des (PO) prélèvements obligatoires n’étant pas le même que celui des recettes publiques, on peut ajuster sur deux tableaux différents selon les besoins de la présentation.
Mon différend avec le Président de la République est né de cette question et, 5 ans après, c’est amusant de le raconter car désormais tout est prescrit. Je n’ai ni rancœur ni rancune, simplement la conviction que le pire ennemi de la démocratie est la courtisanerie.
Appartenant depuis très longtemps à ce que je croyais à l’époque être l’un de ses premiers cercles d’amis, j’avais travaillé d’arrache-pied entre 2004 (époque à laquelle j’avais été renvoyé par Jacques Chirac pour sarkosysme excessif) et 2006 pour donner à la campagne de 2007 un contenu économique et financier qui fasse sens et qui soit responsable.
Mon orthodoxie financière n’était pas sans agacer le candidat mais elle était tolérée par affection.
Elle devint une maladie honteuse lorsqu’une kyrielle d’énarques courtisans s’est abattue sur la partie marketing de la campagne. Les propositions les plus mirobolantes se succédèrent, sans que ledit candidat, il faut bien l’admettre, n’y soit pour grand-chose, sauf de les avoir crues possibles.
Il est vrai qu’être vulnérable à la flatterie est un handicap pour un chef.
La question des prélèvements obligatoires fut l’un des motifs parmi les plus bruyants de notre brouille. J’appris un soir par le Monde que le candidat dont je me pensais le « conseiller » proposait soudain une baisse des prélèvements obligatoires de 4 points de PIB. C’était surréaliste, sauf à anticiper une violente récession durant laquelle les PO baissent mécaniquement souvent plus qu’on ne le voudrait.En revanche quand la croissance est insolente, ils s’envolent (exemple 1999).
J’imaginais donc qu’on aurait pu envisager la croissance, mais ce n’était pas la ligne de communication choisie. Le sésame de l’époque était la baisse des prélèvements ! J’obtins cependant, dans le Figaro du lendemain, que cette annonce soit faite pour une durée de dix ans et non plus de cinq ans. Je ne me voyais pas aller expliquer tous les soirs, face à Eric Besson qui était alors mon contradicteur pour le PS, comment nous pourrions réaliser cette opération miracle. Vous noterez au passage que lesdits PO étaient de 43,3% en 2007 et qu’ils sont annoncés, par le gouvernement lui-même, comme de 44,5% en 2012. Nous sommes donc loin de la baisse de 4 points promise avec autant d’aplomb que de candeur. Mais Sébastien, François et Emmanuelle vous m’avez snobé à l’époque et je n’ai pas aimé. Je ne vous confierai pas mon épargne, croyez-moi !
Mais le clou de la kermesse survint autour du 15 février, lors d’un déplacement du candidat dans l’ile de la Réunion. Le Monde sortit alors, à tort un article sur une réunion tenue à l’Assemblée Nationale avec François Fillon, Gilles Carrez, Pierre Méhaignerie, Christian Blanc qui aurait été supposée contrarier les projets fiscaux de la campagne. S’il en fût question, ils n’en furent pas le motif.
A compter de cette date, je fus excommunié, sans la moindre explication, et naturellement chassé par la Cour infernale qui vibrionnait autour de notre héraut. Il est vrai que nous avions déjà bataillé sur la baisse des droits de succession sur laquelle j’étais très réservé.
Cette anecdote n’aurait pas grand intérêt si elle n’expliquait comment fonctionnent les machines infernales de campagne électorale et les conséquences qui en résultent. Les candidats finissent par croire à leurs promesses, même les plus ingénues. Et le pire est qu’ils essaient de les mettre en œuvre. Ce fut le cas, avec la célèbre loi TEPA qui n’avait d’autres ambitions que de baisser les impôts, droits, taxes et cotisations en tous genres. La mode aujourd’hui est de relever les mêmes impôts, droits, taxes et cotisations du même genre, avec une imagination en progrès. Non pas par idéologie, mais en raison des déficits et de la dette.
C’est pourquoi, il faut absolument que les candidats à la prochaine présidentielle inscrivent le redressement de nos finances publiques en première et absolue priorité. Car, au lendemain, ils n’auront plus aucun motif de reporter cet impérieuse nécessité. S’il faut relever les prélèvements, ils le seront. S’il faut plafonner les dépenses des administrations publiques (APU) en euros courants sur toute la législature, ils le feront. Cela deviendra probablement une nécessité quelque soit l’élu ! Ceux qui ne l’annonceront pas seront quand même obligés de le faire.
C’est à ce prix que la note de la dette française ne sera pas dégradée, c’est à ce prix que l’Euro sera sauvegardé, c’est à ce prix que la protection sociale sera préservée dans ses fondements, c’est à ce prix que la compétitivité de la France, et ses emplois ne seront pas anéantis.
Maintenant guettons ce que vont nous dire les candidats !
on donne l’exemple c’est un billet fait à l’étranger – délocalisé ! 🙂
« Miroir, dis mois que je suis toutjours la plus belle » ….
« Cette anecdote n’aurait pas grand intérêt si elle n’expliquait comment fonctionnent les machines infernales de campagne électorale et les conséquences qui en résultent. »
L’auteur d’un livre sur un célèbre roi de France y explique que le premier devoir du Prince est de prendre de la distance par rapport aux conseils de ses conseillers… qui tous ou presque ont un intérêt dans leurs conseils.
Le conseiller sincère et désintéressé est une anomalie — que les camarillas se chargent de neutraliser, enkyster ou expulser.
« Les candidats finissent par croire à leurs promesses » : pas tous ! Selon Jean-François Revel, François Mitterrand n’avait pas pris la peine de lire les « 110 propositions ». Ce qui le dispensait sans doute d’y croire.