Le Parlement canadien a voté, hier, une motion de censure qualifiée d’historique, car motivée par « l’outrage au Parlement » reproché au gouvernement. C’est une première dans l’histoire du parlementarisme britannique, dont le modèle canadien est issu.
Pour justifier une telle accusation, il a été notamment invoqué le refus du gouvernement de livrer aux députés des informations précises. Les renseignements demandés concernaient le coût de son programme de lutte contre la criminalité, d’achat d’avions de chasse et d’exonérations d’impôts offertes aux entreprises.
Quels que soient les motifs invoqués, développés dans cet article, la vraie question est de savoir s’il s’agit d’un réveil des Parlements. Cette motion de censure est peut-être une première alerte adressée aux gouvernements, une manière de leur rappeler une exigence démocratique fondamentale : celle de rendre compte aux peuples comme à leurs représentants de leurs décisions, des résultats obtenus et de l’usage fait des lourds prélèvements effectués sur le fruit de leur travail.
La globalisation, l’interdépendance continentale ou mondiale dans lesquelles sont inscrits tous les pays peuvent laisser croire aux gouvernements que leurs seuls partenaires sont leurs pairs dans les grands sommets internationaux. Ils oublient alors qu’ils sont, tout d’abord, les représentants de leurs peuples auxquels ils doivent veiller à rendre des comptes avec clarté, simplicité, transparence et humilité.
Cette première censure, au sein d’un système issu de Westminster, ne sonne-t-elle pas le glas du parlementarisme rationalisé ? Lequel a tellement caporalisé la représentation nationale que les peuples envahissent aujourd’hui plus facilement les rues que les urnes pour faire valoir leur avis.
Cela donne à réfléchir. Qu’en pensez-vous ?
Alain Lambert
Ancien Président de France-Canada.
Attention quand même, il s’agissait d’un gouvernement minoritaire. La censure vient de la conjonction des oppositions, pas nécessairement d’une révolte parlementaire.
J’ai aussi cru comprendre qu’il s’agit d’un choix tactique du premier ministre qui voulait des élections anticipées sans assumer la responsabilité de la décision
Comment pouvez-vous Monsieur Lambert écrire un article aussi long sur une telle motion et ignorer que le gouvernement Harper est minoritaire. La surprise n’est pas que le gouvernement tombe. La surprise c’est qu’il est tenu aussi longtemps car dans l’histoire du parlementarisme Canadien les gouvernements minoritaires du XXeme siècle étaient éphémères. Mais depuis le XXIemem siecle (ou pour être plus précis depuis 7 ans) les canadiens ont décidé de ne plus élire un gouvernement majoritaire. Peut-être considèrent-ils que la politique est une affaire trop sérieuse pour être gérée par un premier ministre assuré de sa majorité. Un sondage révèle que 85% des Canadiens indiquent ne pas s’intéresser à la politique. L’avantage d’un gouvernement minoritaire c’est qu’il ne peut pas faire grand chose.
Il est fort à parier que le paysage parlementaire ne changera pratiquement pas à la suite des élections à venir (avec toutes les provision nécessaires pour ce type de prédiction). Si tel est le cas, le Canada aura dépensé 400 M$ pour faire élire la même chambre.
Français vivant au Canada, je suis la politique canadienne et je comprends assez bien comment cela se passe.
Authueil a raison sur un point: cette censure n’aurait jamais eu lieu si le parti conservateur au pouvoir avait disposé de la majorité. Ses députés, très disciplinés, voire caporalisés comme dit M.Lambert, ont voté comme un seul homme contre la motion qui reconnaît l’outrage au Parlement. On ne peut donc pas vraiment parler de révolte parlementaire contre un exécutif trop dominateur – alors que pourtant, l’exécutif qui vient d’être renversé était beaucoup plus dominateur que la moyenne des exécutifs canadiens.
Par contre, la décision de renverser le gouvernement est revenue, pour l’essentiel, à l’opposition. Chacun essaie de faire croire que c’est la faute du camp d’en face, car les Canadiens n’aiment pas les élections (ils trouvent ça casse-pieds et trop coûteux !). Certes, le Premier Ministre Stephen Harper aurait pu tenter quelques gestes de conciliation pour l’éviter. Mais il était devenu assez clair que les trois partis d’opposition avaient décidé de le renverser, malgré le risque significatif que les conservateurs deviennent, cette fois, majoritaires.