De façon régulière, je suis amené devant différents publics à présenter l’évolution de la dette publique et ses conséquences sur la vie économique. Voici, en 3 billets, quelques unes des remarques (en italique) qui me sont les plus fréquemment objectées. Et bien sur, voilà les réponses qui sont données.
Un Etat n’a pas le souci de rembourser, sa dette n’est donc pas une créance sur les générations futures :
Sans doute, l’Etat dispose d’un horizon temporel beaucoup plus vaste qu’un particulier ou même qu’une entreprise ; il sera très vraisemblablement encore là dans 50 ou 100 ans, ce qui n’est pas le cas des simples individus que nous sommes. Est ce pour autant qu’il n’a pas le souci de rembourser ? D’aucun font observer que l’Etat fait « rouler » ses dettes (le « roll over » cher au monde de la finance). Dès qu’une échéance tombe, il emprunte à nouveau. Un tel mode de fonctionnement n’a rien de bien inquiétant, bien au contraire. En offrant une « épargne sans risque », il présente des garanties de placement aux agents économiques les plus fragiles, tout en gérant ses besoins ponctuels de trésorerie. Dans ce cas, la dette de l’Etat n’a rien de dramatique.
De même, lorsque l’Etat emprunte pour financer un investissement, ce dernier génère les revenus supplémentaires qui permettent le remboursement. Il n’y a pas non plus dans ce cas de créance tirée sur les générations à venir.
Hélas, la dette de l’Etat en France ne présente pas ces caractéristiques. D’une part, elle finance des déficits. A la différence de « l’emprunt d’investissement », remboursé par les nouveaux revenus générés, il s’agit ici « d’emprunt de consommation ». Prenons un exemple : si j’emprunte pour acheter un logement, mon niveau de vie à venir est modifié que de façon marginale ; je percevrai des loyers (ou, s’il s’agit de ma résidence principale, j’économiserai des loyers) qui seront utilisés pour le remboursement du prêt. En revanche, lorsque j’emprunte pour acheter une chaîne hifi dernier cri – ou tout autre bien de consommation -, j’ai anticipé la dépense de mes revenus à venir ; dans ce cas, le remboursement du prêt réduira mon niveau de vie pendant un temps égal à la durée d’amortissement. Or, c’est bien ce que finance la dette de l’Etat. En effet, les déficits sont des déficits de fonctionnement, ils proviennent de la consommation finale de l’Etat. Autant dire qu’il ne reste rien aux générations à venir.
De plus, la dette publique est croissante, de façon continue, depuis 35 ans. En effet, si après avoir acheté à crédit ma chaîne hifi, je ne veux pas me serrer la ceinture, il faut que je continue à emprunter… C’est la spirale de l’endettement. L’Etat emprunte pour rembourser, ce qui s’appelle, en terminologie pénale, de la cavalerie : ainsi, en 2009, l’Etat aura emprunté environ 250 milliards d’euros (l’équivalent de 70 % de son budget annuel), dont 140 milliards pour couvrir son déficit et 110 milliards pour régler ses échéances.
Dans ce cas, observera-t-on, il n’y a jamais de remboursement, donc les génération à venir ne seront pas mises à contribution ? En effet, loin d’être un simple « roll over », la dette de l’Etat ressemble à une espèce de fuite en avant, selon le principe qui affirme : « j’emprunte donc ne changeons rien». Il y a pourtant une limite, que différents pays ont déjà atteinte. C’est aujourd’hui le cas de la Grèce. La dette publique (constituée pour l’essentiel de la dette de l’Etat) représente aujourd’hui 272 milliards d’euros, soit 113 % du PIB. Elle atteindra, fin 2010, 300 milliards, plus de 120 % du PIB. Les investisseurs, ceux qui prêtent aux Etats, ont désormais un doute extrêmement fort sur la solvabilité, c’est à dire la capacité à rembourser, de l’Etat grec. Ils prêtent donc plus difficilement, en exigeant une « prime de risque » plus importante, c’est à dire que la Grèce empruntera désormais à plus cher. Et il est temps pour elle d’engager des réformes structurelles de maîtrise de ses dépenses publiques, sinon elle pourrait se retrouver même dans l’incapacité de trouver des préteurs. D’autres pays se retrouveront dans une situation similaire, dans les années à venir, surtout dès que le risque de contrepartie lié aux entreprises se réduira.
Au demeurant, raisonnons ab absurdo : s’il est exact que la dette n’est pas une créance sur les générations à venir, pourquoi continuer à payer des impôts ? Il suffirait aux Etats d’emprunter à hauteur de leurs besoins. Pourtant, aucun ne l’a jamais fait ! Il y a surement une raison.
L’Etat dispose d’un vaste patrimoine bien supérieur à sa dette :
L’art de comparer ce qui n’est pas comparable ! Imagine-t-on un instant la possibilité pour l’Etat de céder son patrimoine pour rembourser ses emprunts ? C’est un non sens. On ne peut comparer une dette exigible et un actif non exigible. Hormis une fraction réduite effectivement cessible, l’Etat a besoin de son patrimoine pour accomplir sa mission. L’imagine-t-on vendre ses écoles, ses gendarmeries, ses centres administratifs ? Il faut partir du principe que « ce qui n’est pas cessible vaut 0 ». Accessoirement, en supposant que l’Etat veuille procéder à une telle liquidation, il faudrait prendre en compte : – qu’un actif très spécialisé (une école par exemple) subit une forte décote en cas de vente ; – que des ventes massives provoqueraient une chute de la valeur des actifs.
Enfin, une telle cession ne s’attaque pas aux causes des déficits.
(à suivre)
Et que tout le soucis est bien que personne ne s’attaque aux causes des déficits…
« Un Etat n’a pas le souci de rembourser, sa dette n’est donc pas une créance sur les générations futures » !!
J’ajoute à votre argumentation qu’un Etat a a minima, et heureusement, le souci de payer les intérêts de sa dette.
Ni le FMI, ni les marchés financiers ne laisseront un état augmenter sans limites son endettement. Quand la dette sera arrivée au taquet, les intérêts seront donc financés uniquement par des impôts.
Si rien n’est fait à échéance, c’est 25% de nos impôts qui seront nécessaires pour payer les intérêts de la dette, charges (en dehors du « principal ») qui constituent donc une créance certaine pour la prochaine génération.
Intéressant billet !
Je reviens juste sur le dernier point « L’Etat dispose d’un vaste patrimoine bien supérieur à sa dette » car c’est un argument que j’utilise parfois dans les éternelles conversations de blogueurs, mais jamais pour dire que ce patrimoine pourra rembourser la dette, juste pour dire que si on laisse une dette aux enfants, on laisse aussi du patrimoine…
Mais on est d’accord : faudrait éviter…
a Hervé : oui …
à Nicolas : certes … Mais c’est bien le remboursement de la dette, laquellen’est pas extensible à l’infini qui pénalisera le revenu des générations à venir ; on peut bien sur considerer que le patrimoine de l’Etat contribue un peu à créer ces revenus ; l’école forme les futurs travailleurs qui créeront les revenus nécessaires ; ceci dit, l’accumulation de la dette est plus rapide que l’augmentation de richesse à venir.
quand la nette non productive va nous asservir
quand l’epargne de gestion fond et l’annuité de dette augmente
l’epargne nette devient peau de chagrin
quand les investissements non structurants progressent on fait du snow ball budgétaire.
quand la dette locale+nationale+sociale s’empile c’est la fin
donc oui à la réforme département région
quand la dette progresse l’impôt n’est pas loin
de toute façon l’Asie nous écrase déja et vu le déficit etat unien financé par les chinois ,je ne donne pas cher de notre bonne vieille Europe.
Bonjour, bonne année !
Euh ! ……
C’est bizarre ce que vous dites monsieur Lambert !!!
Si j’achéte un chaîne HIFI, même à crédit …. cela accroît mon confort, ou alors, je ne l’achète pas !
La « cavalerie », ce n’est pas la définition que j’en ai retenue ….
Cette magouille consiste à présenter de fausses créances pour obtenir des prêts.
Exemple, je tire une traite de 10 000 sur A. Lambert et A. Lambert tire une traite de 10 000 sur Yfig … chacun de nous va négocier la traite auprès de sa banque qui prendra des frais et des agios pour nous avoir avancé l’argent …. Mais nous, on s’est fait de la trésorerie sur du vent.
Par contre, emprunter pour rembourser, ce n’est pas pénalement condamnable sauf si l’emprunteur a prévu de déposer son bilan et de planter sa banque !
D’ailleurs, pour emprunter, encore faut-il avoir des garanties ….. sinon …. Et justement les fausses traites de cavalerie permettent d’avoir un pseudo crédit, mais ce n’est pas la config de la dette publique et des emprunts d’Etat !
Bon, continuons ….
Pour le reste, je vous rejoins. Sauf que d’après mes propres lectures, l’Etat ne se prive pas de vendre à tour de bras le patrimoine qui appartient à tous les Français et dont il semble disposer comme s’il s’agissait des biens de l’équipe gouvernementale actuelle …..
Pour ce faire, les ministres ont, au début, invoqué le coût d’entretien des bâtiments mis en vente …. Mais nous savons, vous et moi que ces arguties n’étaient que prétextes puisque tout de suite derrière, les mêmes ministres se sont empressés de LOUER à prix d’or des locaux minables.
Et comment ferons-nous pour récupérer ces biens ?
Il est question, très question, de permettre la vente des œuvres des DRAC et autres FRAC …. mais, il n’y en a que très peu de vendables, les meilleurs seulement puisque le ministère de la culture a largement encouragé l’art merdique !
Pourquoi ?
Mais parce que ….. je vous fais un dessin ?
D’autant que, comme vous le dites, vendre permet d’assurer un train de vie pendant un certain temps (court) mais ne résout en rien la dette !
Allez, j’étais venu pour marquer le début d’année par mes vœux ….. Je n’aurais peut-être pas dû lire votre article ?
Bonne année quand même …..
Je dis « quand même » parce que ce gouvernement est en train de vendre la France, vous citez la Grèce, le port du Pyrée vient d’être racheté par les Chinois et je sais qu’en France, les Chinois sont très attirés par quelques bijoux nationaux qu’ils couvent de leur attention et pour payer ses Falcon et ses « Air Force One », notre aimable président qui ne semble avoir aucune limite quand il s’agit de son prestige (aux frais du contribuable) n’hésitera pas à donner son feu vert à des ventes spoliant les Français.
Je crois, hélas, que cette personne finira mal car il y a toujours un temps pour rendre des comptes quand on fait avec les biens des autres ses propres choux gras !
Il est évident que la dette nationale nous fragilise et nous expose à terme à nous voir à la merci d’appétits pas forcément bienveillants !!!!
Ce gouvernement, comme les suivants doivent tout mettre en œuvre prioritairement pour que cesse cette gabegie et il devra en répondre !
Vive 2010, la France et les Français dont l’identité est certaine et vive les scoubidous de Libourne !
Je suis tout à fait d’accord avec les réponses apportées aux questions.
Le problème avec le déficit, c’est que pour le faire baisser il n’existe pas beaucoup de solutions en dehors de l’augmentation des impôts et de la baisse du train de vie de l’État. La première solution me semble difficilement envisageable, quand à la seconde, avec un peu de volonté, on pourrait y arriver mais il faut être prêt à faire des sacrifices (les élus comme les citoyens) qui risques de s’avérer impopulaires…
Pour éviter les « dépenses de consommation », il est toujours possible d’établir une règle constitutionnelle visant à les interdire pour l’État, comme c’est le cas pour les collectivités locales, mais il faut un préalable à cela : une bonne gestion transparente des finances publiques qui permette l’application d’une telle règle.
On en revient toujours au même point : comment faire comprendre à l’ensemble de la population (et à ceux qui profitent du système) sans risquer une contestation massive qu’il est impératif de faire des économies?
Dernière chose, pour régler le problème des déficits, il faut que tous les acteurs (État, Sécu et collectivités locales) réfléchissent aux mesures à prendre, arrêtent de s’accuser les uns et les autres car tout le monde est responsable de la dette. Il faudrait aussi expliquer aux élus locaux les conséquences des créations de postes de fonctionnaires dans leurs collectivités car cela pèsera lourdement sur leur budget, aux français que la Sécu ne peut pas tout financer et que le système par répartition est battu en brèche. Donc à tous ceux qui sont pour l’immobilisme une réforme est urgente car quand Standard and Poor’s nous aura retirera notre triple A, il sera trop tard et la France ne pourra plus emprunter donc risque une grave crise.
« L’Etat dispose d’un vaste patrimoine bien supérieur à sa dette »
Qu’elle est la part du patrimoine sous forme « liquide » (parts de sociétés quotées) ?
A Yfig,
Juste une precision : ce billet n’est pas de notre hote mais de moi-même.
Bon … Emprunter pour rembourser et donner l’illusion de la solvabilité, comment appelez vous cela ? a tire sur B qui tire sur A, c’est bien créer du crédit qui donne une illusion de richesse … Appelez cela l’arnaque à la Ponzi si vous préferez !
Et quand vous achetez une chaine hi-fi, certes cela améliore votre confort, mais le temps passé à rembourser le pret, vous devez vous serrer la ceinture. Ceci dit, ce n’est même pas sur qu’aujourd’hui l’Etat emprunte pour améliorer son confort : le nombre de fonctionnaires croit beaucoup plus vite que la population, sans que cela traduise une amélioration du service public
A Breizh,
Selon les comptes de l’INSEE, la valeur nette de l’Etat (Etat + ODAC) est … négative ! Son actif s’élève à 700 milliards d’euro, pour un passif d’un peu moins de 1400 milliards.
Je reste prudent : s’il fallait se situer dans une optique liquidative, il faudrait integrer + et – values. Les liquidités et réalisables (titres OPCVM) sont de 400 milliards).
Cela démontre bien néanmoins que la comparaison n’a pas de sens
Je voulais juste écrire ce commentaire pour rendre hommage à un homme qui a passé les dernières années de sa vie à avertir la population et les hommes politiques sur l’état des finances de la France.
Je parle de M Seguin, Premier président de la Cour des comptes jusqu’à ce matin. Quel plus bel hommage pourrait lui rendre ces amis politiques que celui d’écouter et de prendre enfin en compte ces rapports et propositions pour lutter contre le déficit public, sujet qui lui tenait particulièrement à cœur (il n’y a qu’à voir avec quelle passion il en parlait lors de ces interventions publiques)…
Sur le même sujet, je me permets d’indiquer l’article brillant et inquiétant de François Ecalle http://www.debateco.fr/30,1160/2009… il y est question du jeu de Ponzi.
La directive européenne sur la lutte contre le blanchiment d’argent sale,qui date de 2005( !), reste lettre morte pour les gouvernants français.Ce refus est un puissant encouragement aux trafics en tous genres,à commencer par le trafic de drogue et leurs gros bonnets.Il faudrait que le gouvernement français « transpose » la directive en question,c’est-à-dire qu’il l’applique.Mais le gouvernement français ne veut pas.On ne comprend pas du tout pourquoi.C’est probablement pour des raisons techniques.Il est vrai que M.Daniel Bouton,ancien conseiller technique du cabinet de M.Papon et plus récemment patron de M.Jérôme Kerviel,après avoir coulé la Société Générale,aurait peut-être quelque raison de s’inquiéter de ladite directive.Il est vrai aussi qu’un des principaux conseillers de l’actuel gouvernement,M.Le Pen,se réclamait ouvertement de l’attitude « mains propres et tête haute »qui fait sourire n’importe quel démocrate ou n’importe quel républicain.De qui se moquent « nos » dirigeants ?