Ouragan.jpg.bmpDans un premier billet, le 21 juin, j’expliquais que le fait générateur de la crise trouvait son origine les politiques de relance conduites menées par les Etats dans la première moitié des années 2000. Le fait déclencheur avait été la hausse des matières premières imputable à la croissance mondiale. Voici le second billet qui explique comment la croissance par la relance s’est autodétruite par le surendettement.

Donc, l’augmentation du prix des matières premières va provoquer la crise. Premier effet : elle conduit ipso facto à pénaliser la demande intérieure, puisque le pouvoir d’achat utilisé pour payer plus cher les importations ne peut plus l’être pour la production intérieure. Dans le même temps, les Banques Centrales haussent leurs taux d’intérêt pour contrer les tensions inflationnistes. Ainsi, les USA vont passer d’un taux de « base » de 1% en 2004 à 5,25 % en 2006. Pour nombre d’emprunteurs américains, c’est une augmentation forte de leurs échéances de prêt. Pour exemple, l’échéance mensuelle d’un prêt de 100 000 € augmenterait à ce régime de 250 € ! Dans ces conditions, les défaillances d’emprunteurs s’accroissent, entrainant une augmentation des ventes sur le marché immobilier tandis que les acheteurs se raréfient … entraînant la baisse des prix du marché !

Et ce sont les défaillances d’emprunteurs qui vont révéler la crise en 2007. En effet, la rentabilité de l’activité bancaire est faible. Cette remarque peut prêter à sourire quand on évoque par exemple les 5 milliards de résultat annuel (en temps normal) de la Société Générale. Mais pour obtenir ces 5 milliards, la Société Générale a un encours de crédit de 500 milliards d’euros. En clair, il suffirait d’une augmentation des clients en difficulté équivalent à 2 % des encours pour que la banque affiche des pertes. On imagine alors la conséquence des défaillances en chaine d’emprunteurs sur les banques US. Et tout le monde va être concerné, parfois sans le savoir.

Il y a en effet un fait aggravant. Les courtiers qui financent les ménages du « subprime » n’ont que peu de moyens financiers. Aussi, pour se refinancer, ils ont vendu les prêts qu’ils avaient consentis aux banques. Avec 2 conséquences : d’une part, ceux qui engageaient les prêts n’étaient pas très regardant à la qualité des emprunteurs, puisqu’ils savaient qu’ils n’auraient pas à assumer les défaillances. D’autre part, les banques ne mesuraient pas la qualité du risque qu’elles prenaient et se sont refinancées, elles-mêmes en créant des titres, des valeurs mobilières, contenant parfois (mais seulement parfois) ces actifs.

C’est la titrisation. En effet, les banques financent l’économie par des prêts directs aux emprunteurs ou par des titres, obligations ou autres. Ceux qui ont investi dans les titres créés pour la circonstance ont pu acheter des « crédits subprime » sans le savoir. Et au cours de l’été 2007, on a vu un mouvement de défiance généralisée entre banques. Personne ne sachant où étaient les crédits « toxiques », tous ces titres sont devenus invendables, entrainant des difficultés d’établissements bancaires (ou de compagnies d’assurance) qui devaient en céder pour se fournir en liquidité. On s’est ainsi retrouvé dans une situation paradoxale : d’importantes masses de liquidité existaient mais ceux qui les détenaient refusaient de les prêter, de crainte d’une défaillance de la contrepartie. Ce sont les Banques Centrales, conformément à leur rôle de prêteur en dernier ressort, qui ont fourni les liquidités nécessaires. Le montant réel de ces avances a d’ailleurs été souvent exagéré : jusqu’à 95 milliards en aout 2007 et non un peu plus de 200 milliards, somme qui fut évoquée dans la presse mais qui ne tenait pas compte des remboursements des banques.

Néanmoins, la défiance ne s’est pas estompée pour autant. Et c’est ce qui a provoqué des défaillances en chaîne : absence de préteurs (Lehman Brother), fuite des déposants (Fortis, Northern Rocks) … Bref ! De nombreuses banques se sont vues contraintes de baisser pavillon faute de capitaux. Les normes comptables ont contribué à aggraver les pertes puisqu’en application des règles IFRS (voir mon billet du 13 mai), les titres suspects à tort ou à raison de « contenir » des crédits « toxiques » devenant invendables ont du être comptabilisés pour zéro.

Moins de capitaux pour les banques veut dire moins de prêts. L’activité bancaire est naturellement « pro-cyclique » : quand tout va bien, les banques prêtent plus facilement et accélèrent le cycle économique. En revanche, en période de difficultés, elles se montrent plus réservées contribuant au ralentissement. Ce phénomène est renforcé par la réglementation, puisque lorsque les clients apparaissent plus fragiles – et c’est le cas en période de crise -, elles doivent règlementairement disposer de plus de fonds propres. Ces derniers étant limités, elles prêtent donc moins.

Et demain ?

Plus de réglementation bancaire ?

En Europe, celle-ci est déjà dense, et n’a cessé de se renforcer depuis 25 ans. En France, les années 80 ont été caractérisées par la mise en place d’une régulation concurrentielle du secteur bancaire suivie de la privatisation des établissements de crédit. L’Etat a laissé des banques exsangues qui vivaient largement de subventions – les bonifications d’intérêt -. Le dispositif prudentiel encadrant le secteur financier, repose à la fois sur un ensemble d’organes de tutelle (pilotés par la Banque de France, le Ministère des Finances, l’Autorité des Marchés Financiers …), et sur une réglementation qui n’a cessé de s’étoffer. Le but recherché, entre autres priorités, a été le renforcement des fonds propres– ce qui n’a jamais remis en cause la régulation concurrentielle -. Sans doute, va-t-on trouver ici ou là des modifications, qui vont contribuer à améliorer la transparence, renforcer les fonds propres et définir la responsabilité du « titriseur ». Le contrôle interne est également en train de passer d’une logique de moyens à une logique de résultat. Et l’Union Européenne vient de créer 3 nouvelles autorités de tutelle.

Aux Etats-Unis, le projet d’Obama n’a rien de révolutionnaire pour un Européen. Le système prudentiel US est né de la crise de 1929 et n’a concerné que les banques qui avaient souffert à l’époque. Il étendra la surveillance prudentielle à tous les établissements de crédit.

Mais il faut aussi que les Etats cessent de se doper à la relance pour éluder toute réforme de fond. D’autant que pour sortir de cette crise de surendettement, ils ont continué à massivement s’endetter. Le cas de notre pays reste édifiant. L’endettement de la France et des Français croît toujours très vite (cf. mon billet précédent) alors qu’il n’y a guère de marge de manœuvre, la pression fiscale représentant déjà 60 % du produit intérieur net.

Certes, les réformes sont en cours mais se heurtent à des résistances. Les mouvements sociaux à l’Université ou à l’Hopital sont autant de frondes de mandarins qui se voient remis en cause. Le Premier Ministre de la LOLF, Lionel Jospin, n’a pas hésité à défiler avec les syndicats de La Poste. Comme quoi les bonnes intentions s’effacent devant les intérêts particuliers ! Bien que son périmètre ne s’étende pas, le secteur public recrute toujours et même de plus en plus : de 1986 à 1996, les effectifs totaux de la fonction publique ont cru à un rythme supérieur de 25 % à celui de la population active ; de 1996 à 2006, ils ont cru à un rythme supérieur de 60 % à celui de la population active. Cela confine au délire !

Pire, n’avoir pas véritablement réformé les régimes spéciaux va conduire à l’accroissement de la fiscalité locale, puisque des classes d’âge nombreuses de fonctionnaires territoriaux commencent à partir. La variable d’ajustement, c’est le contribuable. Et peut être verra-ton bientôt des cas de surendettement simplement en raison de l’impossibilité d’honorer les impôts locaux. L’Europe, sous la pression de la France, veut limiter certaines indemnités des dirigeants de banque. C’est une bonne idée, pourvu qu’elle soit appliquée aussi à tous ceux qui usent de leur situation pour s’octroyer des avantages. L’Etat doit donc donner l’exemple. On peut certes continuer comme avant, tant que l’Etat trouvera des préteurs. Mais, tout doucement, la dette publique pourrait bien glisser vers la catégorie des « actifs toxiques ». Nouvelle crise financière en perspective ?