TRIBUNE LIBRE :

Les chroniques de Jacques Attali dans l’Express sont toujours intéressantes et piquantes ! Ce sont les bonnes questions qui sont soulevées, sans crainte et en toute transparence ! Je vous propose de découvrrir celle publiée cette semaine qui roule sur l’après-crise. Vous verrez que selon Jacques Attali, toutes les mesures n’ont pas été prises pour nous extraire de ce marasme et qu’une fois encore, la démagogie et les belles paroles qui n’engagent à rien ont primé sur l’efficacité et le bon sens ! Si nous ne renversons pas très vite la vapeur, nous courons au désastre ! Que doit-on attendre de l’Europe, à la veille d’un scrutin important ? Quelles sont les menaces réelles qui planent sur nous?

Je vous laisse parcourrir ce texte et attends avec impatience vos commentaires !

Passer aux choses sérieuses

Par Jacques Attali, publié le 02/06/2009 15:34 – mis à jour le 03/06/2009 15:36

« Contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, la crise s’approfondit : aux Etats-Unis, tous les déficits augmentent, les défauts des banques s’aggravent et, même si Wall Street est en hausse, sa valeur est encore inférieure de 40 % à celle d’octobre 2007. De plus, chacun murmure, dans les cercles informés, qu’il faut s’attendre à d’autres tsunamis : sur les crédits immobiliers privés, sur les cartes de crédit et sur l’immobilier commercial.

Pour y répondre, les Etats-Unis, dans un pari fou, investissent l’argent qu’ils n’ont pas dans les secteurs de pointe. Et la Chine, dans un pari tout aussi audacieux, abandonne tout espoir d’une reprise de ses exportations vers l’Amérique et investit 20 % de son PIB, dans une relance gigantesque, en infrastructures internes. L’Europe, elle, ne fait rien. Paralysée par son histoire et par ses prudences, elle préfère croire que la crise va se régler d’elle-même. Ayant tout misé sur une réforme de la gouvernance mondiale, dont la comédie de Londres n’a naturellement pas accouché, elle semble désormais attendre que le marché sorte de sa poche un remède miracle. Privée de dirigeants audacieux à Bruxelles, l’Union ne se donne aucun moyen nouveau, ni pour protéger ses banques ni pour relancer ses secteurs de pointe. 2008 et 2009 resteront comme les années du néant européen. L’euro lui-même ne résistera pas à un tel choc. Il est temps pour la France de comprendre qu’à ce rythme-là le pire est presque certain : un marché immobilier en baisse, une surcapacité de production dans les grands secteurs, une récession en 2009, 2010 et même 2011. Le chômage dépassera les 3,5 millions de personnes ; le déficit budgétaire atteindra, malgré tous les maquillages, 8 ou même 10 % du PIB, sauf augmentation massive des impôts, ce qui sera de plus en plus difficile avec l’approche de l’élection présidentielle. Les élites scientifiques et techniques se révolteront ou partiront, écoeurées par la révélation des fortunes faites dans la finance. Il faut affronter une réalité difficile et la répéter tous les jours, jusqu’à ce qu’on la comprenne : si le pouvoir politique n’agit pas de façon véritablement révolutionnaire, la récession est là pour au moins dix ans, qui débouchera sur un décrochage de l’Europe et de la France, à jamais distancées par les pays qui auront compris l’importance des bouleversements en cours. Agir, c’est donc relancer massivement l’industrie par des dépenses clairement ciblées sur les secteurs d’avenir : la santé, l’énergie, l’agriculture, les infrastructures, l’environnement, les nouveaux matériaux, les logiciels, les nanotechnologies, les neurosciences, les services de pointe et les industries culturelles. Et, pour cela, augmenter significativement les salaires des chercheurs, des professeurs, des médecins, des ingénieurs, c’est-à-dire de tous ceux qui, par leur créativité, apportent au pays. Au détriment, si nécessaire, des revenus et privilèges de ceux qui les dirigent, les financent ou les distraient. Agir, c’est aussi accepter provisoirement des déficits ciblés pour financer ces dépenses d’avenir. C’est promouvoir de nouveaux modèles d’entreprises, plus soucieux du long terme, proches de ceux des ONG et des services publics. C’est orienter la finance vers la prise de risque dans les secteurs de long terme et non vers le profit pour compte propre. Ce n’est pas d’un nouveau plan de relance dont nous avons besoin, mais d’une véritable prise de conscience des urgences culturelles et politiques. Et en particulier d’une remise en cause radicale de la répartition des pouvoirs entre ceux qui créent et ceux qui financent, condition, une fois de plus, de notre survie. »