La Tribune de Christine Kerdellant dans l’Express le 19 mars denier, intitulée « la confiance et la foi » m’inspire la réflexion suivante : Pourquoi les gouvernements, pourquoi les acteurs économiques de renommée mondiale ont-ils tant et si longtemps sous-estimé la condition essentielle de la prospérité ? La confiance !
Les historiens décriront sans doute l’aveuglement mortifère dont nous sortons. Une confusion grave des esprits s’est installée entre les deux concepts de libéralisation et de régulation. La nécessité évidente de sortir de l’économie administrée, de libéraliser les activités de marché, à raison de la globalisation, crevait les yeux. Mais plus nous libéralisions, plus la régulation devait être renforcée. Plus les Etats, plus l’Union Européenne encourageaient un marché libre, plus ils devaient, en regard, édicter des règles claires et simples. Ainsi, il aurait dû revenir, dans les domaines de leurs compétences, aux Officiers dépositaires de l’Autorité Publique d’en garantir le respect. C’est tout le contraire qui s’est produit. Les Etats ont voulu rester acteurs, gendarmes, pompiers et donneurs de leçons. L’échec mondial est consommé. Il s’agit maintenant de bâtir un système nouveau, solide et sérieux.
Tout d’abord, plus il sera mondial, mieux ce sera. Car la séquence des règles comptables américaines nous rappelle que si le vent de la croissance souffle souvent de l’ouest, il n’en est pas toujours de même du simple bon sens.
Ensuite, le périmètre respectif des acteurs de marché, et de l’Autorité Publique, doit être clairement défini, afin de ne pas assimiler, par exemple, la vente d’un produit commercial à une prestation juridique ayant force de jugement en dernier ressort. Les Etats doivent se reconstruire, regagner leur crédibilité, cesser de cracher, à la mitraillette, une norme de plus en plus illisible et inapplicable. Et se recentrer, enfin, sur leur rôle régalien, irremplaçable.
A chaque fois que cela leur sera possible, ils doivent confier à des Institutions placées sous leur autorité, des missions de service public qu’ils exercent souvent, directement, dans de mauvaises conditions, attendu le statut surréaliste de la fonction publique. Et cesser de confondre ce qui relève du sceau régalien et des activités libérales classiques.
Enfin une réflexion de fond doit être menée sur les Autorités Indépendantes qui envahissent le paysage institutionnel, à mesure que les Etats se paupérisent, pour accomplir des missions relevant pourtant exclusivement d’organes démocratiquement élus.
Je clos mon propos sur un exemple concret : celui des notaires. Que l’Etat soit monarque ou républicain, ils exercent, et ce depuis 1.000 ans, la fonction de juge de l’amiable. Leurs actes ont valeur de lois pour les parties qui les signent et de jugement en dernier ressort pour celles qui les oublient… Que croyez vous qu’il arrive en période de libéralisation et de dérégulation irréfléchies ? L’Etat oublie tout simplement qu’il les a nommés lui-même en nombre aussi important que les juges judiciaires, qu’il leur a confié son sceau. Et il les tient pour des auxiliaires de justice tels les avocats, excellents juristes par ailleurs, mais qui ne prétendront jamais rendre la justice eux-mêmes, même amiable, sauf à renier leur beau serment de défendre le justiciable.
Mais qui d’autre que le notaire véritable officier de la preuve, pourra conférer à un acte cette incontestabilité d’autant plus précieuse que l’incertitude économique s’accroît ? Faut-il ainsi, en Europe, en France, brouiller les rôles alors que la crise immobilière aux USA a mis l’Etat à genoux !
Malheureusement, le processus brouillon reste le même. Puisqu’il convient de rassurer, ou donner, ici ou là, des gages d’affection à tout le monde, alors au diable la cohérence, au diable les spécificités, par exemple, de la belle fonction régalienne de notaire, véritable acteur de la sphère publique, pourvu que les esprits s’apaisent.
Gageons que l’effondrement collectif dont nous sommes témoins et victimes ait au moins un résultat positif : le sursaut des esprits, la renaissance et la pérennité de notre bien le plus précieux : la démocratie et des institutions solides pour la faire vivre.
La question prégnante de la confiance est au cœur de l’enjeu de la reprise mondiale. Après avoir bouclé le billet précédent sur la tragique confusion entre libéralisation et dérégulation, je me suis demandé si j’avais été assez concret. C’est pourquoi, j’ai posté ce nouveau billet avec un exemple concret, celui que je connais le mieux, celui du notaire, puisque je l’ai été pendant 30 ans ! Il n’est pas totalement inutile d’en parler au moment du rendu du rapport de Jean-Michel Darrois sur la profession d’avocat. Il serait bon qu’à cette occasion, visant à trouver un modèle économique viable pour la profession d’avocat, on n’en vienne pas à ignorer les principes fondateurs du droit, en confondant par exemple l’avocat et le juge qu’il soit judiciaire ou amiable. C’est en qualité de Parlementaire que je souhaite m’exprimer sur le sujet et revendiquer ma légitimité pour le faire. Etant le seul Sénateur issu de la profession notariale, je pense ne pas abuser d’une position dominante par rapport aux autres professions du droit.
Un état endetté jusqu’aux yeux n’est absolument pas crédible, il est menteur, falsificateur, spolieur, jamais personne n’aura confiance dans un état irresponsable qui dépense perpétuellement plus qu’il n’encaisse, enfin c’est bien clair, toutes les grandes révolutions résultent d’une perte de confiance dans l’autorité publique due à la gabegie budgétaire : de la chute de la démocratie athénienne, à la fin de l’empire romain, 1789, la révolution russe, ont fait leur lit sur des états aux gestions irresponsables.
On ne peut faire confiance que dans des gens exemplaires, en premier lieu l’état.
A propos de notaire, j’essaie depuis 1 ans d’obtenir des copies d’actes familiaux qui sont rangés aux minutes d’un de vos confrère, sans réponse à ce jour, pouvez-vous me dire comment le faire bouger ?
Vous êtes le seul parlementaire issu de la profession notariale ? Bel exemple d’efficacité individuelle ! ce qui confirme ce que je pense depuis longtemps : l’addition d’intelligences nombreuses ne sont pas gage de bonne gouvernance , le caractère , la volonté , le courage étant à mes yeux des valeurs prépondérantes notamment en démocratie ….Hélas je crains que notre monde de paillettes et d’images fallacieuses nous conduise encore davantage vers le virtuel , l’irresponsabilité collective. Aujourd’hui vous déplorez l’absence de régulation inspirée par l’ère reaganienne-Tatcher alors que la globalisation de l’économie aurait dû conduire à des garde-fous,à des précautions élémentaires contre les dérives engendrées par la cupidité des hommes. C’était le sens de la question que j’avais posée à M. E. BALLADUR , Premier Ministre , au cours d’une réunion à Toulouse : QUI avait décidé de notre adhésion à l’ouverture de nos frontières au-delà de la préférence communautaire ? COMMENT avait été organisée notre adhésion à cette économie globalisée ? alors qu’il était patent que nous n’allions pas lutter à armes égales ?….Question de bon sens sans doute mais qui ne devait pas coller avec les courbes des modèles mathématiques des économistes, anglo-saxons notamment….Et puis nous avons participé à la survie de millions de Chinois comme si à l’époque des choix la charité faisait partie des arguments….En fait M.BALLADUR avait répondu en citant les travaux de Blair House et de la mise en ordre de notre politique agricole.Je ne me souviens pas d’objections venues du Parlement de l’époque….
je suis toujours surpris par le fait que ce livre exceptionnel de Alain Peyrefitte, La Société de confiance" ait été si peu lu (comme sa tétralogie: De la France). La société française est une société de défiance comme l’italienne, l’espagnole, la portugaise et tant de pays sud américains!
je n’ai jamais cessé de le dénoncer. Mais "vox clamat in deserto!"
et si tout cela correspondait à un dessein?
La question n’est-elle pas: vers quoi chemine "l’Humanité"?
La marche des aveugles de Breughel?
Il me semble que l’on devrait être un peu plus philosophe et non pas s’attarder aux détails!
Aprés tout, le vrai problème ne serait-il pas: 7 …ou 6 milliards au soleil? Mais ils sont le fruit, ou le dégât colatéral, de notre course vers cet horizon impossible et sanglant: l’éternité!
Si les notaires perdent leur monopole, c’est que leur profession est emportée par ce vent général anglo-saxon de libéralisation. Selon ce courant, la mise en concurrence est toujours plus efficace que le monopole.
L’ironie de l’histoire, c’est qu’alors que l’on remet en question le bien fondé de cette doctrine, l’inertie de ce mouvement est telle qu’il produit encore des effets.
La dérégulation de l’économie n’est pas en soi un mauvais système. Cela fonctionnait bien quand les acteurs économiques ménages et entreprises étaient eux-mêmes autorégulés et responsabilisés grâce à des valeurs.
Mais nous avons assisté à une dérégulation économique associée insidieusement à une dérégulation des individus. Ce double phénomène est la cause principale de la crise actuelle. Les individus n’ont plus confiance les uns en vers les autres car ils sentent que les valeurs qui les structuraient s’étiolent et que les règles collectives qui gouvernent l’ensemble ne parviennent pas à compenser la perte des règles individuelles.
La régulation globale internationale est donc un chantier indispensable à poursuivre avec le G20 mais la régulation individuelle en est un autre, plus délicat sans doute !
La confiance, la foi dans quelquechose, ça se mérite Mr Lambert.
Hors comment nos compatriotes peuvent avoir foi et confiance dans le pays, dans leurs parlementaires, dans les institutions quand celles ci ne sont pas exemplaires : je met ici la question de l’indigne absentéïsme parlementaire réccurrent dans notre pays (et de surcroît hautement rémunéré!!) qui n’est soumis à aucune sanction http://www.assemblee-nationale.f...
Cordialement.
@ HERVE : je partage tout à fait votre analyse : l’homme ne vit pas seulement de pain…..
La question prégnante de la confiance est au cœur de l’enjeu
Bonjour, en effet, je trouve ce billet vraiment très pratique. Il y a toujours quelque chose de bonne à apprendre.Merci à vous