Alain Lambert était hier invité sur Public Sénat dans l’émission de Michel Grossiord « Face à Nous » sur différents sujets qui font l’actualité, interrogé par Olivier Baccuzat du Parisien – Aujourd’hui en France, Dominique Thiébaut de Challenge et Franck Dedieu de l’Expansion.
Ainsi Alain Lambert est revenu sur la crise et le plan de relance annoncé par le Président Nicolas Sarkozy, le conflit intergénérationnel à l’aube duquel nous nous trouvons – thème autour duquel Alain Lambert interpelle les Français depuis quelques temps déjà, [retrouvez ici son intervention sur le sujet- , sur le Fonds Stratégique d’Investissement, l’avenir et le rôle de la Caisse des Dépôts où il siège en commission de surveillance, les collectivités locales – sujet dont il a la pratique et une grande connaissance (rappelons son rapport sur les relations entre l’Etat et les collectivités locale)- , les amendements Marini, le travail dominical… bref sur tous les sujets qui font l’actualité et qui touchent de près, ou d’un peu plus loin, les champs d’actions d’Alain Lambert.
En un mot : BRAVO !
Faut le faire, répondre à tout, simplement avec des exemples concrets et une franchise rare en politique, je ne connais pas de ministre qui sache le faire aussi bien.
Sarko a bien tort de se priver de vous.
Continuez, nous on vous suit.
Excellente Interview !
Monsieur le Ministre, la clarté de vos arguments n’a d’égal que la sagesse de vos prises de position.
Orateur talentueux et particulièrement pédagogue, j’ai été sensibilisé par quelques uns de vos arguments (amendement Marini sur la défiscalisation des moins-values boursières par exemple).
Je ne me suis pas ennuyé une seule minute, c’est tellement agréable d’écouter des politiques de votre qualité, on en redemanderait tous les jours.
Monsieur le Ministre, chaque jour qui passe révèle une nouvelle façon de faire de la politique et j’estime en mon âme et conscience que c’est vous-même qui avez impulsé ce mouvement.
Bravo !
Cette franchise ne peut-elle se pratiquer que lorsqu’on ne fait plus partie du cercle rapproché de Sarkozy ? Est-ce que les membres du gouvernement peuvent l’utiliser avec autant d’aisance ? N’étant ni un porte parole de l’Elysée ni un contestataire entêté, vous revendiquez cette parole libre, vous réajustez votre position sur le plan de relance de Sarkozy lorsque ces mesures vous semblent justifiées, vous maintenez certains grands principes de rigueur budgétaire pas toujours appliqués par le gouvernement s’agissant notamment les dépenses de fonctionnement. Vous menez un combat que l’on peut à peine contester. Lorsqu’on est au pouvoir, sous le regard constant de la presse et de l’opinion publique, peut-on faire de la politique avec cette rigueur, cette détermination et ce bon sens ou est-on tributaire "d’un show off" permanent qui font oublier ces grands principes de gouvernance que sont la bonne gestion des comptes de l’état, le retour à l’équilibre, le combat contre cette fracture inter-générationnelle que vous rappelez souvent etc ? Croyez-vous Sarkozy suffisamment responsable pour empêcher certaines bombes à retardement ?
Merci pour votre blog que je découvre avec intérêt.
Finances publiques : ces sources de dépenses ne sont jamais remises en cause :
**Une décentralisation devenue incompréhensible, inefficace et coûteuse
–Rappels historiques
La décentralisation s’est faite essentiellement en 2 étapes :
-Les lois Deferre de 1982/1983 ;
-La « vague II » des années 2000 sous l’impulsion de Jean-Pierre Raffarin, notamment la loi de transferts de compétences du 13 août 2004 et la révision constitutionnelle de 2003.
Citoyens et élus perdus dans la jungle coûteuse de la décentralisation
Ces décentralisations, et tout particulièrement celle de 2004, ont créé une situation extrêmement complexe d’enchevêtrements de compétences. Le citoyen est largement perdu dans cette jungle des compétences partagées entre collectivités et Etat alors que les petits élus locaux n’étaient pas demandeurs et peinent aujourd’hui à savoir ce qui relève de leurs responsabilités.
A titre d’exemple, on ne compte plus aujourd’hui le nombre d’organismes locaux coprésidés par tel élu local et le Préfet, de secteurs (telles la sécurité incendie ou les routes) où une partie des responsabilités incombent à l’Etat, l’autre au département ou à la région.
Les décentralisations ont donc compliqué à l’extrême les politiques publiques, désorienté l’usager et affaibli l’Etat dans sa dimension stratégique, alors que dans le même temps naissaient des seigneuries locales et s’aggravaient les inégalités territoriales.
Pire, une concurrence malsaine s’est peu à peu développée sur les territoires entre les collectivités locales les plus importantes (notamment les régions) et l’Etat.
–Les dépenses locales explosent
Depuis les lois de décentralisation de 1982, le nombre de fonctionnaires publics territoriaux est passé d’un peu plus de 1 million à près de 2 millions. Un chiffre qui s’accroît d’année en année sans que personne ou presque ne le relève, préférant se focaliser sur la seule fonction publique d’Etat. Ils étaient 529 576 en 1977, 1 593 602 en 1995, 1 804 199 en 2005 (selon le Rapport de l’Observatoire des finances locales de juillet 2007).
Les frais de personnel s’élevaient à 27,84 milliards d’euros en 1998. Ils ont atteint 40,69 milliards d’euros en 2005.
Entre 1993 et 2004, les dépenses des collectivités locales ont augmenté de 70%.
Encore en 2007, les dépenses des collectivités territoriales ont crû de 6,9%, à 210 milliards d’euros (cf Les Echos du 26 mars 2008).
Dans le même temps, les concours de l’Etat aux collectivités territoriales ont fortement progressé, passant de 21 milliards d’euros en 1982 à 66 milliards d’euros en 2007.
Alors que les dépenses de l’Etat sont stabilisées depuis le début des années 2000, les dotations aux collectivités progressaient sur la même période de près de 4% par an en moyenne.
–Doublons et dérives
Chaque fois que l’Etat a tenté de regrouper les besoins des communes pour réaliser des économies d’échelle, cela s’est traduit par une augmentation des effectifs de la fonction publique territoriale et la multiplication des dépenses publiques sans amélioration sensible des services rendus.
L’illustration en est offerte par le développement des structures intercommunales. Les dépenses des groupements intercommunaux ont été multipliées par 3,9 de 1993 à 2003 sans que diminuent dans le même temps les dépenses des communes.
Les multiples exemples donnés par la Cour des comptes dans son rapport de 2005 sur l’intercommunalité illustrent ces gaspillages. Au total, les doublons de personnel ont été évalués par la Cour à près de 200 000 agents.
Au-delà de la question des doublons, au fur et à mesure que la décentralisation s’approfondissait, les collectivités les plus importantes ressentaient le besoin de s’affirmer à l’extérieur, via des dépenses somptuaires en nette progression (cf l’Hôtel de région que s’est offert le Conseil régional du Nord Pas de Calais à Lille) et des frais de communication devenus exorbitants (souvent plusieurs millions d’euros par an pour un Conseil régional ou un Conseil général de taille moyenne).
Le département forcément coupable ?
Le discours dominant consiste à généralement incriminer le département, dénoncé comme « l’échelon de trop » du « mille-feuille administratif français ».
Ce discours doit être interrogé, parce qu’il repose sur l’unique postulat selon lequel la France devrait se mettre « à l’heure européenne » en privilégiant l’échelon régional, si possible en se fondant sur des macro-régions capables de rivaliser avec les Länder allemands.
C’est oublier les différences historiques fondamentales entre la France et l’Allemagne, pays fédéral où les Länder ont une réelle légitimité démocratique et une longue tradition d’intervention dans l’économie du pays.
Sans rentrer dans ce débat ici, c’est peut-être au contraire l’échelon régional qui pose problème en France.
Pas réellement adopté par les Français qui le perçoivent comme lointain et artificiel (au contraire du département issu de la Révolution française), l’échelon régional est à la fois trop grand pour être l’échelon de proximité, et trop petit pour être l’échelon des politiques stratégiques.
L’intercommunalité doit également être questionnée, du fait des dérives budgétaires dont elle est responsable et de son incapacité à résorber les inégalités territoriales.
Quand posera t on, au Parlement, enfin ces questions ?
–le lien réel existant entre explosion des dépenses communales et…Cumul des mandats…Qui empêche la réalisation (enfin?) d’un "statut de l’élu" ?
–faut il garder des "communautés de communes" chères et innefficaces qui ne servent, globalement, qu’à faire mousser "Monsieur le maire"?
Ect.
**Autre grand tabou : le coût de l’Europe
Il semble que cela soit une source de dépenses qu’il est interdit d’interroger. Il s’agit pourtant d’une source de dépenses, pourtant énorme et en progression constante, qu’il n’est pas permis d’interroger, sur laquelle flotte un parfum de tabou aussi bien à gauche, à droite que dans les médias dominants.
Remettre en cause le coût devenu exorbitant de l’Europe, c’est immédiatement s’exposer à une pluie de critiques convenues sur le prétendu égoïsme de la démarche, et la nécessité de financer « la solidarité européenne ». Bref, nous devrions sans mot dire accepter à jamais d’être condamnés à cette « double peine » : financer les nouveaux Etats membres de l’Union européenne, et subir dans le même temps le dumping fiscal et social et leur concurrence déloyale.
–Des sommes en jeu pourtant considérables, en nette croissance
Pourtant, les sommes en jeu sont considérables et font de la France le deuxième contributeur net au budget européen.
En se limitant à la seule contribution directe de l’Etat français au budget européen (inscrite au sein des « prélèvements sur recettes » du budget de l’Etat), le différentiel entre ce que verse la France et ce qu’elle reçoit en retour dépasse les 3 milliards d’euros par an depuis 2005, soit 15 fois les économies espérées au titre de la réduction drastique du nombre de professeurs, policiers, gendarmes ou militaires dans le cadre de la RGPP.
Surtout, cette somme a connu ces dernières anné
es une très forte progression, passant de 1 milliard d’euros en moyenne entre 1995 et 2000 à 2,5 milliards d’euros entre 2001 et 2003, et 3 milliards d’euros depuis 2004.
Cette tendance ne devrait pas s’inverser dans les années qui viennent, bien au contraire.
Ainsi, en 2013, le différentiel net devrait encore doubler pour avoisiner, voire dépasser, les 7 milliards d’euros par an (près de 50 milliards de francs, rappelons-le).
En cause : la progression de la contribution française dans le contexte de l’élargissement et de la prise en charge du « chèque britannique », couplée au démantèlement programmé de la PAC, qui bénéficiait largement à la France, et à la quasi disparition des aides apportées aux régions françaises en difficultés, au profit des nouveaux Etats membres.
=> A l’heure où les inégalités et la précarité gagnent du terrain en France, est-il normal qu’une telle source de dépenses, hier acceptable parce que limitée, aujourd’hui conséquente et demain plus lourde encore, échappe à tout contrôle démocratique ? (ALORS QUE, ENCORE UNE FOIS, IL FAUT LE SOULIGNER, LE PARLEMENT NATIONAL A LE MOYEN DE CONTROLER LE FINANCEMENT A L’UE : merci la Declaration de 1789!!!!)
A-t-on le droit de s’interroger sereinement sur l’intérêt des Français à voir une part non négligeable de leurs impôts (7% des recettes fiscales nationales aujourd’hui) partir vers l’Est de l’Europe dans des proportions toujours plus importantes ?
**L’Europe à l’origine d’autres sources de dépenses considérables, mais difficilement quantifiables
J’ai volontairement fait le choix de me limiter ici aux contributions directes de l’Etat au budget de l’Union européenne, parce qu’elles sont immédiatement identifiables et quantifiables.
L’Union européenne est cependant à la source d’une série de dépenses moins directes, qu’il s’agisse des condamnations pécuniaires infligées par l’Union européenne pour non-respect par l’Etat de l’obligation de transposition des directives en droit français (600 millions d’euros provisionnés à ce titre dans le budget 2008), du non-remboursement d’une partie des aides agricoles pour des raisons de procédures (150 millions d’euros par an environ), ou des dépenses non quantifiables mais assurément très importantes induites par l’énergie et le temps que consacrent les administrations et les entreprises à anticiper, puis à se conformer aux exigences croissantes du droit communautaire.
Il va de soi que ces dépenses ne sont jamais débattues.
Pour quelles raisons ne pas le faire ?