Vincent Humbert, tétraplégique, Chantal Sébire atteinte d’un cancer du visage, devenu incurable : autant d’existences brisées par la souffrance permanente, insoutenable. Ils nous laissent absolument désemparés face à la terrifiante question de l’euthanasie.
En France, le parti est pris de privilégier la vie, au nom de la dignité humaine. Beau principe, évident, théoriquement mais qui ne résiste guère à la douleur, à la détresse et au désespoir des malades et de leur famille. Peut-on choisir de mourir ? Quel devrait être, alors, le rôle du médecin, soumis au respect du serment d’Hippocrate qui lui interdit de donner la mort à son patient ? Ces interrogations épouvantablement délicates, Marie et Vincent Humbert les ont courageusement soulevées. Leur combat et celui du Dr Frédéric Chaussoy a donné lieu à l’adoption, le 22 avril 2005, d’une loi sur la fin de vie, autorisant la seule euthanasie passive. Le droit de mourir demeure tabou, chez nous alors que d’autres Etats européens ont légalisé l’euthanasie active, dans un cadre rigoureux. Quels choix opérer ? Quelle est la marge de manoeuvre réelle de nos dirigeants, de nos parlementaires ?
La Mission Léonetti d’évaluation de la fin de vie vient apporter des éléments de réponse. Le rapport présenté au Premier ministre François Fillon, mardi dernier, exclut la légalisation de l’euthanasie et préconise le renforcement de l’accompagnement des malades, de leurs proches et des médecins. La loi dont le député UMP Jean Léonetti est le principal architecte doit être mieux connue de tous, représentants du corps médical, de la magistrature. Les députés proposent la création d’un congé d’accompagnement de fin de vie ou bien encore, la mise en place d’un médecin référent pour les soins palliatifs, au sein de chaque département. Des mesures intéressantes mais insuffisantes, sans doute. Les politiques ne sauraient affronter seuls de tels débats qui touchent à la condition et à la liberté de l’Homme. Ne revient-il pas aux scientifiques, aux philosophes, aux humanistes de les aider et d’éclairer leurs décisions ? Qu’en pensez-vous ? Nous attendons, avec impatience, vos réactions.
Retrouvez les articles paru dans le Monde. La législation de l’euthanasie exclue Le suicide assisté écarté
Beaucoup d’hypocrisie, due à notre culture.
Il n’en reste pas moins que chacun est propriétaire de son corps, qui est un droit supérieur à la loi d’où quelle vienne, avec ou sans médecin accompagnateur.
C’est effectivement une question d’autant plus grave que la France parait là encore crispée sur son passé religieux. Et que aussi elle est dénoncée pour être le pays de l’acharnement thérapeutique. La médecine en France est dont extrêmement cléricalisée, comme une véritable religion avec ses dogmes immuables, une autorité illimitée etc.
Pour ma part et tout en étant bien conscient que j’écris , je crois, encore en bonne santé , pour avoir suivi de prés les affaires connues (combien ne le sont-elles pas…hypocrisie propre à tout système) je crois que le droit de mourir est un droit imprescriptible qui doit pouvoir s’exercer de manière objective, désentimentalisée, désidéologisée. Dés lors qu’il est demandé consciemment par la personne qui souffre irrémédiablement. Il ne sagit donc pas seulement d’euthanasie passive mais active. Personne n’a le droit de se substituer ou de s’imposer à la personne qui souffre désespérément. Que l’on encadre ce droit pas de problème, que’on l’assortisse d’un accompagnement approprié… mais qu’on le reconnaisse à tout homme parce que respectueux de l’Homme cela me parait un droit imprescriptible, inaliénable, consubstantiel à la nature humaine. Il ne relève pas du suicide. C’est un droit médical.
Je trouve anormal et choquant que le rapporteur de la loi se soit vu confier l’évaluation, qu’il n’ait pas jugé utile d’étudier les solutions mises en œuvre en Suisse et aux Pays-Bas avant de clore la rédaction de son rapport. Outre l’absence de recherche constructive d’une solution française appropriée,çÇa ne contribue pas à donner une bonne image du travail parlementaire.
Un comité des sages réunissant effectivement scientifiques, philosophes, humanistes, grands médecins, magistrats, ne serait-il pas effectivement plus légitime et plus crédible que des politiques, pour prendre le temps de débattre, d’entendre celles et ceux qui ont déjà dû affronter cette question et réfléchir pour proposer au législateur une alternative claire à l’hypocrisie actuelle ?
C’est en fait toujours le même probléme touchant à la légitimité de la parole. Personne ne peut parler au nom des déportés des camps. De quel droit peut-on alors parler au nom de ceux qui vivent un fin de vie qui ne présente plus aucune qualité ?
Les problèmes philosophiques et éthiques sont très intéressants mais ils viennent après que les problèmes concrets soient eux-mêmes solutionnés.
Concernant la santé, le problème actuel c’est comment fait-on pour financer nos dépenses ? Est-ce que nous sommes prêts collectivement à cotiser plus ? Souhaitons- nous privatiser le traitement des affections de longues durées ? Voulons- nous laisser plus de dettes à nos enfants ? Si la réponse est non à ces trois questions, il faut bien se demander comment dépenser moins.
Et alors quelles sont les dépenses les moins indispensables dont nous pourrions faire l’économie ?
(Cette manière d’aborder la question n’est sans doute pas politiquement correcte)
Le titre : l’euthanasie : « une terrifiante question de vie et de mort » ;
Il me semble que plus que la question, c’est la mort qui est terrifiante.
Nous avons l’instinct de survie et envisager la mort ne nous fait pas plaisir et même nous terrifie. C’est sans doute ce qui explique que dans les sociétés riches, où la médecine a fait d’énormes progrès, où l’espérance de vie est passée de 40 ans en 1900 à plus de 80 ans maintenant, on ne veut plus entendre parler de la mort.
C’est tellement vrai que le nombre de morts dans les hôpitaux fait partie des critères négatifs. Pourtant, la plupart des gens meurent dans les hôpitaux, même si on dit qu’ils sont morts, d’un infarctus, d’un accident vasculaire, d’une infection pulmonaire, d’un arrêt cardiaque (forcément). Rarement, on dit que c’était la fin naturelle de leur vie. La mort n’est plus naturelle.
Pourtant, si on sait en reculer l’échéance, on ne sait pas l’éviter.
Alors, plutôt que de la nier, de se mettre la tête dans le sable, je crois qu’on aurait intérêt à regarder la mort en face et à en gérer les modalités.
Ce qui voudrait dire que parfois, on pourrait transformer le diagnostic d’insuffisance d’un grand nombre d’organes en diagnostic d’accompagnement de fin de vie. L’intérêt serait d’avoir un accompagnement adapté aux besoins de la personne : écoute , confort, antalgiques. Ca éviterait une série d’examens coûteux , inutiles, douloureux.
Et lorsque des individus ont la lucidité de voir leur état, l’acceptent, souhaitent en aménager les modalités, y compris en utilisant l’euthanasie, pourquoi ne pas accéder à leur demande ?
Il y a aussi le cas, comme Vincent Humbert qui préférait mourir plutôt que de vivre la vie qui lui était réservée. Je pense que les individus doivent être maîtres de leur destinée, à partir du moment où ils ne nuisent pas à autrui et, dans un cas comme celui là le protéger contre lui-même est de l’abus de pouvoir.
Notre éthique de protection de la vie est beaucoup moins scrupuleuse lorsqu’il s’agit de vendre des armes qui tueront des personnes en pleine santé .Dans ce domaine, il y a beaucoup plus de questions éthiques à se poser.
Beaucoup de lâcheté de nos élus, médecins se cachent derrière les belles formules "protection de la vie"…
Chaque individu doit avoir le droit de choisir sa fin de vie ! Comme le combat pour l’ivg, le droit à mourir est un combat pour que l’individu puisse se réapproprier un corps qui appartient encore à une société saturée d’hypocrisie et de sadisme !
Enfin un moyen efficace de réduire la dette de la France !
J’ai lu qu’aux Pays Bas, si l’on est opposé à l’euthanasie active, on doit s’inscrire dans un registre, mais qu’en l’absence de déclaration, le consentement est supposé (un peu comme pour le don d’organe).
L’avantage est qu’ainsi les maisons de retraites peuvent plus facilement respecter leur budget. Et puis en cas de problèmes, les archives peuvent brûler. Ainsi la loi de finance sera vraiment respectée !
Vraiment débarrassons-nous de ce cléricalisme rétrograde qui considère que la vie humaine possède une valeur non économique, indépendamment des capacités productives de chacun…
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Plus sérieusement :
– ne confondons pas le droit au suicide d’un adulte bonne santé et les capacités cognitives affaiblies de quelqu’un en grande souffrance. Dans ce dernier cas la décision est toujours appréciée par quelqu’un d’autre.
– un médecin est supposé mettre en oeuvre des techniques pour prolonger la vie et réduire la souffrance. L’euthanasie active relève d’une autre profession (les "thanatogénieurs" ?)
– pour définir les conditions d’une "mort digne", il faudrait préciser ce que serait une "vie indigne". Les réflexions du siècle passé sur le sujet, ne semblent hélas pas très encourageantes …
A Julius
Le rôle du médecin est aussi d’accompagner la fin de la vie.
Votre conception du rôle du médecin est très répandue dans le monde médical, c’est pourquoi certains ont tendance à soigner les personnes comme si elles ne devaient jamais mourir. Parfois, on soigne des symptômes en les sortant du contexte, c’est cela l’acharnement thérapeutique. Un médecin digne de ce nom doit savoir admettre la réalité quand une personne est mourante, aider la famille à accepter la situation et adapter le traitement à cette réalité. Dans ce cas, le traitement est un traitement palliatif qui peut se pratiquer partout et pas seulement dans les unités de soins palliatifs. Il est fait d’écoute de la personne et de la famille, d’aide de la famille à accepter l’état et la volonté de la personne, d’aide au confort, d’antalgiques.
L’euthanasie est un outil supplémentaire dans l’accompagnement de fin de vie dont pourraient bénéficier les personnes qui le souhaiteraient.
La mort digne ou indigne : Je pense que la mort est toujours digne. Parfois, on confond dépendance et dignité. Même très dépendant, l’être humain reste digne. Je pense que ce qui donne un plus dans la reconnaissance de sa dignité pour une personne est de prendre en considération sa conception de la fin de sa vie. Quand on ne l’écoute plus parce qu’il ne peut plus s’imposer, quand on décide à sa place (pour son bien ?) on le considère comme un objet, on lui enlève de sa dignité.
à Monique,
1° les médecins ont peut être des idées valables sur ce que doit être l’éthique de leur métier; veut-on qu’ils soient des techniciens de la biologie, répondant aux demandes de celui qui les paye ?
Est-ce à un médecin de donner les injections léthales aux condamnés américains ? Si c’est le même métier, vous déhumanisez nécessairement toutes les fonctions médicales. C’est le même problème avec la "médecine sportive" payée pour obtenir des performances, sans souci de l’impact sur la santé de l’individu .
2° bien sur, il ne faut pas décider à la place du patient, mais que vaut une décision prise 30 ans avant, en méconnaissance des conditions réelles de la situation en cause ?
Nécessairement, vous mettez en place une procédure administrative, dont les critères de décisions ne peuvent pas rester "humains" bien longtemps.
3° l’expression vient de l’ADMD : "pour le droit de mourir dans la dignité", cela suppose qu’il existe des morts indignes et des vies qui ne "méritent pas d’être vécues".
Le problème se pose aussi pour les enfants trisomiques; doit-on culpabiliser ceux qui refusent de tuer leur enfant sachant qu’il naitra trisomique ?
Car permettre de faire le choix, c’est permettre aux compagnies d’assurance santé de le mettre dans leur contrat, donc de pénaliser financièrement ceux qui font le choix de la vie.
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Les techniques médicales permettent de décider "rationnellement" de la vie d’autrui, le droit ne doit pas permettre aux considérations économiques de s’en emparer.
Le suicide oui, lorsque la volonté propre est forte, mais aucun organisme économique ou social ne doit être autorisé à y prêter la main. Ceux qui le font, doivent toujours savoir qu’ils auront à en rendre compte et qu’il y a présomption de meurtre …