Le débat sur la réorganisation totale de l’action publique en France part en feu d’artifice. Chacun commence à mesurer que la crise financière va produire des effets dévastateurs dans nos finances publiques, déjà en bien mauvaise santé. D’abord, disons-le tout net, l’Etat serait déjà en cessation de paiements s’il était un organe de droit privé. Il ne fait face à ses engagements qu’au moyen d’un endettement à la limite extrême de la soutenabilité. Jusqu’au moment où les prêteurs perdront confiance et le bondissement des taux d’intérêts sera alors aussi violent que l’effondrement de la capitalisation boursière que nous venons de connaître.

Sauf à réussir la maitrise de ses dépenses, ce pauvre Etat n’a plus aucune marge de manoeuvre. Les actifs cessibles qui lui restent sont symboliques au regard de sa dette. Ses prélèvements ne peuvent plus être sérieusement relevés sous peine de perdre le reste de compétitivité qu’il conserve. Il cherche donc des financeurs adjoints ! La protection sociale ne parvenant pas même à s’équilibrer, il se tourne tout naturellement vers les collectivités locales. Avec un discours totalement schizophrène consistant à les blâmer de dépenser trop en leur transférant, tout en même temps, de nouvelles dépenses. Le Sapeur Camembert règne en maître dans notre pensée budgétaire.
Pourtant, il nous faut bien trouver une solution. Et vite. Car la crise va produire des dégâts humains et matériels qui devront être traités immédiatement et au meilleur rapport coût efficacité. Et c’est là que le génie de la réorganisation de l’action publique doit opérer sans tabous. La création de commissions en tous genres ne saurait tenir lieu d’action.
Des évidences crèvent les yeux depuis longtemps. N’est-ce pas le moment d’enfin les prendre en compte ?
D’abord convenons ensemble qu’il n’est plus possible de dépenser davantage. Le fruit du travail des Français s’élèvera cette année à environ 2.000 milliards d’euros. Plus de la moitié, soit 1.000 milliards seront consommés par la sphère publique. Aller au-delà serait réduire d’autant le pouvoir d’achat des ménages, la capacité des entreprises à investir, à se développer, à créer de nouveaux produits et donc de nouveaux emplois.
Dès lors, il nous faut décider de plafonner, en euros courants, jusqu’à la fin de la législature, nos dépenses publiques à la somme emblématique de 1.000 milliards d’euros. A charge pour nos différentes administrations de se répartir ces moyens pour accomplir leur mission avec la meilleure efficacité au même prix jusqu’en 2012.
Impossible diront certains ! Au motif que la charge d’intérêt explose, sans parler de celle des pensions etc. Certes, mais qui ose dire haut et fort, en même temps, que nous décidons tacitement de renvoyer à nos enfants ces dépenses courantes d’intérêts et de pensions. Quels grands-parents accepteront d’entendre au journal de 20 heures que le pouvoir d’achat de leurs enfants doit être immédiatement réduit pour leur garantir leur propre niveau de vie, dont on sait qu’il est supérieur à celui de leurs enfants encore appelés à plus de contribution.
Tout cela n’est pas sérieux. Et ne tiendra pas. Le Peuple pourrait se révolter à l’instant même où lui apparaitraient clairement les pires errements dans lesquels nous sommes tombés, à force de ne pas vouloir regarder la vérité en face.
Alors la discussion entre les administrations, pour se partager les 1.000 milliards, risque d’être délicate. C’est pourquoi elle doit être tenue au grand jour devant les Français. Ne s’agit-il pas de leur argent ?
Pour ma part, je pense que l’Etat qui consomme autour de 350 milliards (en comptant les ODAC) doit s’obliger à plafonner ses propres dépenses, en valeur, jusqu’à la fin de la législature. Contrairement à ce que l’on entend, c’est tout à fait réalisable, dès lors qu’il cessera de conserver la main sur des champs entiers de compétences qu’il a désormais délégués à d’autres. En ces domaines, son rôle désormais doit se limiter à celui de stratège, de garant de l’égalité républicaine, et de contrôleur. Il doit s’interdire de prescrire un euro de dépenses nouvelles, sauf à les prendre en charge lui-même, en restant sous le plafond ci-dessus fixé.
S’agissant de notre protection sociale, là encore, tenons-nous le pour dit : il est immoral de la faire payer à nos enfants ! Le plafonnement en valeur est donc, là encore indispensable. Ceux qui proposeront d’accroître les coûts devront en trouver les financements par l’impôt direct afin que les Français sachent où va leur argent.
S’agissant des collectivités locales, elles doivent accepter la même contrainte. Certes, ce ne sera pas facile et il y a fort à parier que, pour réussir, la machine à péréquation devra marcher mieux qu’aujourd’hui. Au moins, elles auront la certitude que l’Etat ne changera pas les règles du jeu, chaque année, au gré de son insolvabilité.
Au total, dans la sphère publique, chacun doit s’habituer à faire avec ce qu’il a. Pour ceux qui n’ont vraiment pas assez, le salut viendra de la suppression de ce qui n’a plus lieu d’exister et qui continue de coûter, sans contrepartie pour le Pays.
Est-il possible de différer encore cette décision ?
Personnellement, je le pense plus. L’accroissement des déficits et de l’endettement nous conduisent à tombeau ouvert dans l’abîme. Il faut donc changer la donne totalement. Mettre tout le monde au même régime. Ne pas accepter d’exceptions. Remettre de l’ordre dans la maison, tout simplement.
S’agit-il d’une promesse de sang et de larmes ? C’est tout le contraire, la conduite harmonieuse d’un changement aussi radical sera une chance inespérée de réenchantement de l’action publique. Ceux qui en auront la charge et donc l’honneur seront habités, comme leurs prédécesseurs, au lendemain des grands conflits, par une volonté inébranlable de rebâtir une administration, revoir les organisations, oublier les acquis pour mieux construire le futur.
La crise nous invite à cette révolution copernicienne. Puisqu’elle est inévitable, engageons-là vraiment, clairement. Assumons-là ensemble, tous ensemble, au delà des clivages, des rancunes et des rancoeurs. Ou des ambitions. L’heure est au courage et à la responsabilité. Personne ne doit manquer à l’appel. Personne n’y manquera.