Les choses deux fois répétées ne plaisent pas toujours. Charles Milhaud, (ex) patron de la Caisse Nationale des Caisses d’Epargne, vient d’en faire l’amère expérience. On aurait pu croire qu’après l’affaire de la Société Générale, les dispositifs de contrôle des salles de marché auraient été renforcés. Manifestement, l’Ecureuil s’était senti moins concerné pour connaître à la mi octobre un « incident »de marché (à 750 millions, quand même). Rappel des faits et analyse !
La Caisse d’Epargne a conduit une activité de marché dite de « compte propre » car financée par les fonds propres de l’établissement (et non l’argent des déposants). Et ce, jusqu’au printemps dernier. En effet, en avril 2008, la Caisse Nationale (CNCE) a décidé de stopper cette activité, qui au demeurant n’avait jamais connu un fort développement. Les quelques personnes (moins d’une dizaine) qui y étaient affectées étaient loin de tenir la comparaison avec les équipes de spécialistes de la Société Générale ou la BNP. La CNCE s’est engagée alors dans une gestion dite « extinctive », c’est à dire qu’on laissait courir les engagements en cours jusqu’à leur terme, sans en prendre de nouveaux. C’était sans risque, bien évidemment ! Du moins, le croyait-on. L’équipe de gestion s’est donc allégée, par départ ou réaffectation. Au final, il ne restait que 3 traders dont le rôle était simplement de veiller à la correcte liquidation des contrats en cours. Faut-il y voir l’illustration du proverbe qui veut que « l’oisiveté soit la mère de tous les vices » ? Malgré l’interdiction qui lui était faite, l’un d’entre eux s’est lancé dans des prises de position qu’il jugeait sans risque. Jugement qu’au demeurant, l’Inspection Générale de la CNCE n’a pas partagé dans son rapport diffusé en octobre 2008 puisqu’elle a évoqué des expositions croissantes à des chocs extrêmes.
Lorsque le marché s’est fortement agité au début du mois d’octobre, le risque pris sur ces positions s’est brusquement révélé ! Les pertes se sont accumulées … Quelques millions d’euros d’abord. Très vite, plus d’une centaine de millions, au moment où le trader a donné sa démission. Et le temps d’informer les instances dirigeantes (quelques jours plus tard !), de prendre la mesure des dégâts (bien lentement) et les dispositions ad hoc, les pertes ont atteint 750 millions.
Cette affaire, moins de 10 mois après celle, similaire, de la Générale suscite, à juste titre colère et questionnement.
Est-il normal d’abord que les banques se lancent dans des activités spéculatives ? La spéculation, rappelons-le, est une prise de position qui consiste à faire un pari sur une évolution hasardeuse, pour en tirer un gain. A lire la presse ou à entendre certains responsables politiques, les banques spéculeraient massivement. Hélas, la recherche de sensationnel par ceux qui doivent vendre du papier ou par ceux qui veulent conforter les certitudes de possibles électeurs l’emporte sur l’exactitude de l’information. Une banque – du moins soumise à la règlementation française – ne spécule pas. C’est même tout le contraire qui est exigé des autorités de tutelle dont le maître axiome pourrait être : « identifier, mesurer et maîtriser les risques ». Si la Générale comme l’Ecureuil se sont trouvés en position spéculative, la cause en revient à des initiatives personnelles contraires aux stratégies des établissements. Ce sont donc les contrôles permanents internes qui ont été défaillants, et ce n’est pas moins grave ! Nous sommes dans une situation dans laquelle on donnerait le permis de conduire après un examen difficile, sans qu’il existe par ailleurs des moyens de vérifier le respect des dispositions du code de la route.
Faut-il alors renforcer le contrôle interne et la règlementation ? Les dispositions qui existent sont déjà très importantes. La dérèglementation souvent évoquée relève largement du fantasme. A en croire ceux qui l’évoquent, le monde bancaire serait une jungle sans loi. Rien n’est plus faux. S’il y a eu « déréglementation », c’est simplement que le système bancaire français à la fin des années 70 était au bord de l’asphyxie, vivant largement de subventions publiques (je rédigerai un billet sur ce thème). On a donc rapporté des textes, en même temps qu’on en créait de nouveaux. On évoque l’interdiction des activités de marché. A-t-on interdit l’automobile, au prétexte qu’à une époque, elle provoquait 15 000 décès par an ? Ces activités de marché participent au financement des entreprises quoi qu’on en dise. Et ceux qui les dénoncent le plus fort ne sont pas ceux qui les connaissent le mieux. Renforcer le contrôle interne ou la règlementation ? On peut toujours … Les défaillances évoquées supra sont cependant venues d’une violation de la règlementation : absence de surveillance hiérarchique, absence de contrôle de 2eme niveau, absence de calcul quotidien des résultats des positions qui aurait permis de détecter en amont les positions perdantes, absence de respect du processus d’alerte (qui veut qu’au plus haut niveau, on soit immédiatement informé des dysfonctionnements). Bref, le trader fou n’aurait jamais dû être en mesure de prendre des engagements interdits sans que ceux-ci soient rapidement détectés. Et cela, c’est une faute grave de la banque ! Renforcer la règlementation, peut être ! Mais commençons déjà par respecter celle qui existe.
J’entendais, il n’y a pas si longtemps, le patron d’une banque affirmer que chez lui les postes de cadres dirigeants étaient prioritairement réservés aux commerciaux. Ce qui était une façon de démontrer la piètre estime dans laquelle il tenait les contrôleurs. L’Ecureuil vient de faire une (nouvelle) démonstration éclatante : 750 millions de pertes, c’est l’équivalent de la masse salariale annuelle (charges comprises) de plus de 10 000 contrôleurs ! Réglementairement, le patron du contrôle interne, c’est le patron de la banque. Ayant failli, Charles Milhaud a laissé la place. Hélas, tous les dirigeants dans une situation comparable n’ont pas eu cette délicatesse !
A.B. Galiani.
Ne vous inquiétez pas…Le cher Milhaud a maintenant une place au soleil ! (Cf le Figaro)
Pendant ce temps là…On discute propagande entre "gouvernants" !
"Les dirigeants européens prépareraient secrètement une campagne d’une ampleur sans précédent pour propager les cultures et les aliments génétiquement modifiées dans toute l’Europe. Des documents confidentiels obtenus par le quotidien britannique The Independent, rédigés à la suite d’une série de réunions à huis clos des représentants des 27 gouvernements, dévoilent ces plans pour « activer » l’introduction des cultures et des aliments modifiés et « s’occuper » de la résistance du public contre eux. Ni la composition du groupe, ni ses objectifs, ni le résultat de ses réunions n’ont été rendus publics. La liste des participants montre que le Président français Nicolas Sarkozy et Madame Angela Merkel, la Chancelière de l’Allemagne, ont envoyé de proches collaborateurs. Pour les "Amis de la Terre", « le but de Barroso est d’obtenir aussi vite que possible des OGM en Europe. Alors, il fonce vers les Premiers ministres et Présidents pour leur dire de pousser leurs ministres et de les faire rentrer dans les rangs. »
par Geoffrey Lean (The Independent, 26 octobre 2008)
Traduit de la version originale anglaise
"Des documents confidentiels obtenus par The Independent révèlent que Gordon Brown et d’autres dirigeants européens préparent secrètement une campagne sans précédent pour propager les cultures et les aliments génétiquement modifiées en Grande-Bretagne et sur l’ensemble du continent.
Rédigés à la suite d’une série de réunions à huis clos des représentants des 27 gouvernements, ces documents dévoilent des plans pour « activer » l’introduction des cultures et des aliments modifiés et « s’occuper » de la résistance du public contre eux.
Ces documents dévoilent également la volonté des dirigeants de demander aux «représentants agricoles» et aux « industries », y compris vraisemblablement des compagnies géantes de biotechnologie comme Monsanto, de se faire entendre pour contrecarrer les « intérêts » des écologistes.
La nouvelle de ces plans secrets doit forcément créer une tempête de protestations au moment où les préoccupations populaires au sujet de la technologie GM augmentent, même dans les pays qui l’ont jusqu’à présent acceptée.
L’opposition du public empêche toute culture modifiée en Grande-Bretagne. La France, l’un des trois seuls pays européens a l’avoir fait pousser en quantité, a suspendu leur culture. La résistance contre cette culture augmente rapidement en Espagne et au Portugal.
Harcelée, l’industrie de la biotechnologie a mené une campagne de relations publiques établie autour de l’assertion très contestée selon laquelle la modification génétique serait nécessaire pour nourrir le monde. Elle a eu un certain succès auprès des gouvernements où les ministres ont osé parler de plus en plus en faveur de cette technologie, ainsi qu’ à la Commission européenne, qui s’est vantée d’avoir « d’excellentes relations de travail » avec les lobbyistes des OGM.
Des réunions secrètes ont été convoquées par José Manuel Barroso, le président de la Commission favorable aux OGM, et présidées par son chef de cabinet, Joao Vale de Almeida. Les Premiers ministres de chacun des 27 membres de l’Union européenne ont été invités à désigner un représentant spécial [sic, ndt, qu’on peut soudoyer ?].
Ni la composition du groupe, ni ses objectifs, ni le résultat de ses réunions n’ont été rendus publics. Mais l’Independent a obtenu des documents confidentiels écrits par le président, notamment la liste de l’assistance et les conclusions des deux réunions tenues à ce jour, le 17 juillet et il y a juste deux semaines, le 10 octobre 2008.
La liste montre que le Président français Nicolas Sarkozy et Madame Angela Merkel, la Chancelière de l’Allemagne, ont envoyé de proches collaborateurs. La Grande-Bretagne était représentée par Sonia Phippard, directeur pour l’alimentation et l’agriculture au Ministère de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales.
Les conclusions révèlent que les discussions tournaient surtout autour de la façon d’accélérer l’introduction des cultures et des aliments génétiquement modifiées et de persuader le public à les accepter.
Les produits modifiés doivent être approuvés par l’UE avant qu’ils ne puissent être semés ou vendus quelque part en Europe. Mais, bien que les fonctionnaires de la Commission soient en général très favorables, les gouvernements européens sont divisés, ce qui a conduit dans l’impasse le Conseil des ministres où ils étaient représentés.
Dans ce cas, les bureaucrates de la Commission passent à travers malgré tout. Ils sont légalement autorisés à le faire, mais les gouvernements et les groupes environnementaux qui rejetaient les OGM ne sont pas satisfaits.
Les conclusions de la première réunion demandaient « l’accélération de la procédure d’autorisation fondée sur de solides évaluations de manière à rassurer le public » tandis que la seconde rajoutait : «Des décisions pouvant être prises rapidement sans compromettre la sécurité. »
Mais les documents font aussi comprendre que M. Barroso va au-delà de la simple exhortation, essayant d’obtenir des Premiers ministres qu’ils rejettent leurs propres ministères de l’Agriculture et de l’Environnement en faveur des OGM. Ils signalent que le président « a rappelé l’importance pour les premiers ministres de considérer plus largement la situation. Il invite les participants à rapporter les débats du groupe à leur chef de gouvernement, et à souligner l’importance d’attirer leur attention sur les discussions en cours au Conseil des ministres. »
Helen Holder des Amis de la Terre en Europe, a déclaré : « Le but de Barroso est d’obtenir aussi vite que possible des OGM en Europe. Alors, il va droit aux Premiers ministres et présidents pour leur dire de pousser leurs ministres et de les faire rentrer dans les rangs. »
Les conclusions des réunions sur l’opposition du public sont encore plus incendiaires. Les documents considèrent « la meilleure façon de s’occuper de l’opinion publique » et demandent « un dialogue sans émotion, basé sur le fait des normes élevées de la politique de l’UE envers les OGM. » Et ils notent l’emphase du président sur « le rôle de l’industrie, des partenaires économiques et de la science pour contribuer activement à ce dialogue. » Le président rajoute que, « le public se sent mal informé » et « les représentants agricoles devraient se faire entendre plus souvent. » Et dans une attaque dissimulée contre les groupes écologistes, il dit que le débat « ne doit pas être abandonné à certaines personnes qui n’ont qu’un droit légitime, sans aucun véritable intérêt».
Ce qu’ils en disent :
« Nous devons nourrir 2,5 milliards de gens supplémentaires. Il serait extraordinaire que nous ne choisissions pas d’exploiter la plus importante percée dans la science biologique. » Professeur Allan Buckwell.
« Les nouveaux développements vont bénéficier aux plus pauvres du monde agricole : riz génétiquement modifié résistant à la sécheresse, cultures transgéniques dotés de gènes protégeant contre la maladie. » Lord Dick Taverne, Sense About Science.
« Les cultures génétiquement modifiées posent des risques inacceptables aux agriculteurs et à l’environnement et n’augmentent pas le rendement en dépit d’un financement en millions de dollars du contribuable du Roya
ume-Uni. » Kirtana Chandrasekaran, Amis de la Terre.
« Les cultures génétiquement modifiées n’ont pas un rendement supérieur. Des scientifiques ont découvert que l’insecticide des cultures génétiquement modifiées peut fuir et tuer les champignons bénéfiques du sol. » Peter Melchett, Soil Association."
Questions & réponses sur le problème des OGM
Combien d’OGM sont cultivés en Europe ?
Très peu. Les documents vantent une augmentation de 21 pour cent des surfaces l’an dernier, prouvant « l’intérêt croissant. » Mais ça ne couvrait que 0,119 pour cent des terres agricoles en Europe.
Quels sont les problèmes?
Surtout environnementaux. Les essais officiels en Grande-Bretagne ont montré que faire pousser des cultures génétiquement modifiées était pire pour la faune que les cultures classiques. Plus grave, les gènes s’échappent des plantes modifiées et créent de super mauvaises herbes qui contaminent les cultures normales et biologiques, interdisant aux consommateurs le choix du produit sans OGM.
Mettent-ils la santé en danger ?
Difficile à dire. Certaines études montrent qu’elle le peuvent, d’autres (notamment pratiquement toutes celles de l’industrie) sont rassurantes. Le problème est qu’il y a eu très peu de recherches véritablement indépendantes et confirmées par des spécialistes. La plupart des consommateurs ont conclu raisonnablement qu’ils préféreraient être prudents plutôt qu’avoir à le regretter, d’autant plus qu’ils n’ont aucun intérêt à acheter des OGM.
Peuvent-ils nourrir le monde ?
Bien sûr que non à peu de chose près. Malgré tout le matraquage publicitaire, les variétés génétiquement modifiées actuelles ont un rendement inférieur à celui de leurs homologues conventionnelles. Les semences sont coûteuses à acheter et à faire pousser, de sorte que les fermiers riches du monde développé ont tendance à les utiliser, chassant les pauvres du business et augmentant la misère. La plus grande évaluation agricole jamais réalisée, présidée par le professeur Robert Watson, maintenant scientifique en chef du Defra, a récemment conclu qu’elles ne feraient pas l’affaire."
Sources (versions originale/traduite) : The Independent & Centre de recherche sur la mondialisation
Et on ose prétendre que les "politiques" s’occupent du bien public ! Le représentant, pour la France, c’était Monsieur Jouyet ?
@ ABG,
N’est-il pas possible d’introduire des mécanismes permettant de limiter la spéculation sur les marchés ?
Certains ordres d’achat ou de vente sur les marchés financiers ou de matières premières répondent à des besoins de transactions commerciales (adossés à des échanges de biens) ou à des couvertures de risques.
D’autres sont passés uniquement dans un objectif de bénéfices financiers à court terme sans lien direct avec l’économie réelle, ce sont ces ordres que l’on peut qualifier de spéculatifs.
Pensez-vous possible la mise en place de mécanismes de contrôle au niveau mondial permettant de limiter progressivement ces ordres déconnectés de l’économie réelle ? Par exemple la limitation des ordres à terme.
Ou est-ce selon vous une vision utopique?
A Hervé : bonne question, qui appelle 2 remarques : la première, c’est qu’il reste délicat de distinguer ce qui est spéculatif de ce qui est couverture. Pour les banques, pas trop de difficultés cependant. En effet, les opérations sur « instruments financiers à terme » doivent s’inscrire a priori dans une stratégie formalisée et cohérente, dont les risques sont identifiés, mesurés et encadrés. Tout controleur (interne ou externe) doit être en mesure de vérifier cette cohérence. Pour les autres natures d’opérateurs, il reste très difficile d’effectuer le distinguo. D’autant que la spéculation – et c’est ma 2eme remarque – est nécessaire aux marchés pour leur assurer de la liquidité et une régulation. En effet, si tout le monde nourrit les mêmes anticipations, il peut être difficile d’y trouver une contrepartie. Le spéculateur va plutôt essayer d’aller à l’encontre des mouvements de masse. Le vrai risque, c’est le spéculateur insolvable, celui qui a pris des positions qu’il ne peut assumer. Sur les marchés organisés (la bourse par exemple, par opposition au marché de gré à gré où chaque opérateur traite avec une contrepartie identifiée), toute position perdante, même potentiellement, entraîne le versement d’appels de marge, c’est à dire le paiement d’une somme équivalente à la perte, ce qui sert de garantie. Si un intervenant ne peut la payer, ses positions sont dénouées et il se retire. La généralisation de marchés organisés au détriment de marchés de gré à gré peut être une solution, encore qu’en règle générale les opérateurs sur le marché se connaissent. La crise que l’on vit n’est pas vraiment d’origine spéculative. Il y a un Etat, les USA, qui a soutenu l’activité économique en poussant à l’endettement des ménages y compris les plus fragiles. Des crédits ont été consentis par des courtiers qui n’étaient pas des banquiers mais qui pour se refinancer ont refilé ces crédits aux banques. La France est ni plus ni moins en train de faire la même chose par le recours massif à la dette publique et en cherchant à faire financer parles banques des entreprises non pérennes.
@ AB Galiani,
Merci pour cette explication, mais tout de même :
Quand un spéculateur (je ne trouve pas d’autre mot) achète à terme du pétrole en période de hausse, non parce qu’il en a besoin mais parce qu’il anticipe une poursuite de la hausse et qu’à terme il le revendra pour encaisser une plus value (sur un bien qu’il n’a jamais possédé), quel est l’intérêt économique de l’opération ?
Je ne vois qu’une conséquence néfaste, son achat-vente accroit artificiellement la hausse et participe à la formation d’une bulle dangereuse.
Autre sujet sur lequel j’aimerais bien avoir votre éclairage :
Comment expliquez –vous que les Chinois aient acheté régulièrement des bons du Trésor Américains rémunérés avec des taux très bas et portés par une monnaie en constante dépréciation ?
Cela semble une aberration financière et je crois que ces achats massifs, contraires à une logique de marché, ont contribué à la crise dans la mesure où ils n’ont pas poussé la Fed à remonter ses taux.
@ A.B. GALIANI : Vous lire est toujours instructif notamment quand il s’agit du secteur bancaire , monde que je ne connais que comme simple usager. Par contre dans une autre vie j’ai été un praticien des marchés publics passés au nom de l’Etat et je cherche à comparer ce qu’étaient nos systèmes de controle avec ceux que vous connaissez parfaitement dans votre profession qu’au demeurant vous défendez fort bien. Je ne suis pas toujours convaincu par vos affirmations. C’est ainsi que vous écrivez " l’équipe de gestion S’EST donc allégée,par départ ou réaffectation ". Je ne savais pas que l’auto-gestion ,utopie d’une époque , était pratiquée par le mangeur de noisettes…. Je ne crois pas davantage aux moyens insuffisants des CONTROLEURS mais plutot au laisser faire de la hiérarchie dont le laxisme n’avait que les probabilités de profits comme excuses…. Ou bien alors à quoi servent ces dirigeants apparemment très bien rémunérés ?. Je ne crois pas davantage à leur " délicatesse " , la retraite du PDG sera confortable et je ne me fais pas de soucis pour le déroulement de carrière de ses collaborateurs , médiatiquement limogés….Courtoisement votre.
A Hervé : Votre « spéculateur » a-t-il ainsi contribué à la hausse du pétrole ? Pas si sur ! Sur le marché à terme, certes. Mais ce qui qui fait le prix, c’est l’offre et la demande à l’instant T. Or même un spéculateur sait que les prix « ne peuvent grimper jusqu’au ciel ». Dit autrement, pour reprendre les termes d »un analyste : « la spéculation est comme l’écume de la vague ; poiur qu’il y ait l’écume, il faut qu’il y ait la vague ». Comme toujours, votre remarque reste cependant pertinente. La crise de 29 est venue du fait qu’aux USA, on avait pris l’habitude de s’endetter auprès des banques pour acheter des titres en bourse, qu’on revendait avec plus value. Les arbres ne montant pas etc … qq uns se sont avisés à un moment que la valeur des actions était sans commune mesure avec la profitabilité des entreprises et ça a été non pas le krach mais les krach de 29. D’ou l’impossibilité de rembourser les prets d’où les faillites bancaires … Resituons bien où est le risque : ce n’est pas vraiment la speculation, mais l’impossibilité de faire face aux pertes. C’est pourquoi aujourd’hui vous n’avez pas le droit d’acheter des titres à crédit. C’est pourquoi un banquier rechigne (encore que …) à préter 100 % voire 110 % du prix d’une acquisition immobilière. Pour les chinois : ou est leur interet d’acheter à taux bas ? ils ont des liquidités à placer, résultant de leurs excédents commerciaux. Ils vont placer là où ca leur parait le plus sur, aux USA : bonne réputation, peu d’inflation … La FED n’a pas remonté ses taux tant que le risque inflationiste était faible. C’est vrai, les chinois prennent un risque de change. Contraire à une logique de marché ? Pas sur ! Personne n’a contraint les chinois à faire ainsi : ils ont agi après avoir pesé le pour et le contre. On est donc dans une logique de marché.
A Yffic : Pfouououou … Comme quoi « tout ce que vous direz pourra être utilisé contre vous ». Quand j’écris que l’équipe s’est allégée, j’évoque un fait, non une décision que l’équipe aurait prise elle-même. J’ignore le rôle de la DRH de la CNCE, mais j’imagine qu’elle a adapté les effectifs à l’activité, après échange avec les instances concernées. En l’occurence, je crois savoir que le patron de l’équipe a quitté la CNCE fin septembre. Il n’y avait dans ce cas plus de hièrarchie donc plus de contrôle hiérarchique (l’arrêt de l’activité est prévue fin 2008 : on n’attend pas ce moment là pour recaser les gens). Quant au terme « délicatesse », prenez le comme un doux euphémisme …
@AB Galiani,
Dans une bonne logique de marché financier, les Chinois auraient pu placer leurs excédents en euros, meilleure monnaie, meilleurs taux, voire en Suisse …
L’autre hypothèse, c’est qu’ils n’agissent pas selon une logique financière mais en suivant une logique de domination commerciale à long terme. Par exemple, en ayant conclu un « deal » avec les USA :
On achète vos bons du Trésors peu rémunérateurs et vous nous soutenez à l’OMC pour nous permettre d’exporter partout dans le monde sans trop de barrières douanière.
Qu’en pensez-vous ?
A Hervé : Il y a peut être aussi que les Chinois (comme les japonnais) sont un peu coincés. S’ils vendent, eu égard aux avoirs détenus, ils font s’effondrer le $ et donc prennent de plein fouet le risque de change !
@ A.B. GALIANI : Dans un avion quand le pilote est défaillant ( des malaises ça existe , voire des décès…) c’est le commandant de bord qui mène tout son équipage et ses passagers à bon port…..Dans la Banque , quand le petit chef est parti on laisse les gamins jouer avec les noisettes de la maison ( des centaines de millions d’euros en l’occurence…) et personne n’est responsable ? Je viens meme de lire que Mossieur Charles continuait à exercer ses talents à l’ombre des cocotiers……Décidément vos euphémismes sont bien doux en effet…..
N’y aurait-il pas, tout simplement, deux sortes d’individus, ceux qui vivent très bien au dépend de ceux qui subissent ! le ver semble s’être confortablement installé dans le fruit ex . la déviance du système bancaire , à quoi servent les "patrons" royalement payés ???
parallélement on constate que des millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté ; il y a quand même lieu de s’interroger ! la terre ne serait-elle plus ronde ? marchons-nous sur la tête ? possédons-nous encore quelques valeurs ? Constater ne suffit pas ; nous continuons toujours à chanter les mêmes et éternels refrains qui n’aboutissent pas franchement à une prise de conscience constructive et réformatrice susceptible d’enrayer un phénomène déstabilisant et incomprésensible.
A Yffic : Il me semble que la réction du conseil de surveillance de la CNCE n’a pas trainé. L’affaire était révélée le 17 octobre et Charles Milhaud invité à quitter son poste le 19 ! Je n’ai en revanche pas pu vérifier l’information selon laquelle il prendrait la tête d’Oceor, filiale de l’Ecureuil … dont le siège est à Paris (et non sous les cocotiers).
A Patrick S. : En effet, on peut se demander pourquoi le secteur public dispose au final de plus de la moitié du PIB français, pourquoi les dépenses sociales sont en France parmi les plus importantes du monde et pourquoi malgré tout autant de pauvreté ? Et si c’était une question d’efficacité ?. Remarquez, je dis ça … Mais quand même je m’étonne : pourquoi les effectifs de la fonction public croissent ils 2 fois plus vite que la population active ? pourqoi a t on des départs massifs en retraite avant même 60 ans ? Et pourquoi 1 français sur 4 a-t-il un régime de retraite généreux payé par le contribuable ? pourquoi l’école a-t-elle tant de difficulté à former des diplomés qui s’insèrent dans le monde du travail ? Peut être qu’on pourrait se demander pourquoi les 2 assemblées ont voté à l’unanimité la LOLF dont les maîtres mots sont « performances et résultats » … Ceci dit, je pense comme vous : certaines rémunérations de patrons ressemblent à de l’abus de bien social !
a A.B.Galiani
votre affirmation…
"Si la Générale comme l’Ecureuil se sont trouvés en position spéculative, la cause en revient à des initiatives personnelles contraires aux stratégies des établissements. Ce sont donc les contrôles permanents internes qui ont été défaillants, et ce n’est pas moins grave ! Nous sommes dans une situation dans laquelle on donnerait le permis de conduire après un examen difficile, sans qu’il existe par ailleurs des moyens de vérifier le respect des dispositions du code de la route."
me semble difficile à accepter pour ne pas dire complaisante…
contrairement à ce que vous affirmez… les logiciels de salle de marchés sont bourrés de "radars" il SUFFIT DE LES ACTIVER….
si les directions ne les ont pas activés c’est qu’elles encourageaient la spéculation…
cela est notoire et a été mis en évidence à la SG et ailleurs ou les bénéfices énormes
réalisés par les "traders" étaient mis en avant, jusqu’au début 2008,
pour justifier:
-la liberté d’action accordée aux "traders" et
-leurs REMUNERATIONS COLOSSALES dont une partie revenait à l’encadrement …
oui les "rogue traders" sont à condamner mais ils ne doivent pas servir de bouc-émissaires pour absoudre leur encadrement
A m.a : Un radar ne fait pas la difference entre un navire ennemi et un navire allié. il faut ensuite une analyse. C’est vrai qu’à la Générale, il semble que la hiérarchie ait fait preuve de négligence coupable. A l’Ecureuil, il n’y avait plus de hiérarchie ! Secundo : si il doit exister des dispositifs de controle permanent (middle office, back office, « risk management » …), c’est bien parce que l’on sait que le contrôle hiérarchique ne peut suffire, ne serait ce que pour les raisons que vous évoquez… Le cas de l’Ecureuil me semble empreint de naivité plutot que de cupidité ; je vous rappelle que cette activité était arretée – ce qui d’ailleurs avait été signifiée à la Commission bancaire (dont le sens de l’humour, lorsqu’elle découvre qu’on lui raconte des craques, est inférieur à zéro !). Concernant les rémunérations, l’AMF (autorité des marchés financiers) a déjà proscrit la « prime à la pièce » pour les ventes de produits financiers. Cela peut être étendu aux rémunérations des intervenants en salle de marché. Mais que les choses soient claires ! Il ne faudrait pas en conclure que le mode de rémunération de la Fonction Publique qui favorise l’ancienneté et le nombre d’enfants soient idéal aussi ! L’Etat aussi glisse tout doucement vers l’insolvabilité.
Réminiscence d’une autre vie : contrairement à ce que l’on pourrait croire les radars, du moins en aéronautique, sont plus "intelligents" et la détection de l’aéronef s’accompagne d’un message d’identification ( I.F.F.)…..
Le siège de la filiale est sans doute dans les beaux quartiers mais les etablissements opérationnels sont tous outre-mer et n’est ce pas le role d’un chef que d’aller inspecter ? Quoi qu’il advienne ces situations me laissent amer, vivement la nuit du 4 aout !
A Yffic : Au temps pour moi … Vous me pardonnerez, je l’espère, je suis officier de réserve dans une autre arme.
@ AB Galiani,
N’est-ce pas indécent de comparer les salaires des traders et des 50 patrons les mieux payés de France avec ceux de la fonction publiques. Rappelons que ces derniers en moyenne gagnent 310 fois le SMIC …
En 1685 un certain Jean-Baptiste Colbert a coécrit un document que l’histoire a retenu sous le nom de « code noir ». Il s’agissait de règlementer et d’éviter les dérives d’un commerce déjà considéré comme immoral selon les principes religieux de l’époque, le commerce des esclaves noirs.
Quel rapport penserez-vous ? Lointain mais j’ai lu cela cet après-midi au musée de Nantes.
Je crois que nous avons besoin d’un nouveau Colbert pour mettre un peu de l’éthique dans le monde de la finance.
A Hervé : je ne tente nullement une comparaison. En revanche, il ne faudrait pas que les rémunérations exorbitantes de quelques uns (qui au final ne concernent que les entreprises qui les embauchent) éludent un problème de fonds qui est la dérive généralisée des finances publiques (qui concerne tout le monde), largement imputables à la sous productivité (sureffectif, absence de culture du résultat) et aux régimes spéciaux de retraites du secteur public. Quant à Colbert, je ne le considère pas comme un parangon de vertu : carrièriste, sans pitié pour ses adversaires, il pourrait être aussi l’emblème d’une certaine caste . Tant mieux qu’il ait dénoncé le « commerce triangulaire ». Il n’a pas été le seul … Tient, d’ailleurs, savez vous qu’il a aussi inventé l’un des premier système de retraites (pour la marine)
@ AB Galiani,
Colbert n’a pas dénoncé le commerce triangulaire, il a cherché à l’organiser, le réglementer pour (supposition personnelle) le rendre « acceptable » et par là en assurer la pérennité. D’où l’analogie avec la problématique actuelle : comment aujourd’hui réguler, rendre acceptable et viable dans la durée le capitalisme.
Les rémunérations démesurées des grands dirigeants ne résultent pas je crois d’un équilibre apporté par un libre marché mais surtout d’un système au sein duquel une caste au travers de conseils d’administration croisés et de comité de rémunération opaques s’octroie de larges privilèges.
A Hervé : par cette comparaison, vous considerez que le capitalisme ne serait pas moral. Même Marx ne va pas jusque là ! Comte Sponville dit que le capitalisme n’a que la morale que lui donne. Aphatie (cf billet d’Alain Lambert hier soir) parle du capitalisme honni qui nous nous nourrit. Pour ma part, j’ai souvent observé que ceux qui dénonce le capitalisme cherchent aussi une justification morale à leur comportement prédateur. Pour le s rémunération des grands dirigeants, je pense que votre thèse se défend assez largement? Certes un dirigeants efficaces obtiendra plus facilement ce qu’il veut, mais je doute qu’il y ait beaucoup de mécanismes de contrôle. Soyons franc, la FP ne fonctionne pas vraiment differement quand les ministres sortent eux mêmes du sérail. Ainsi Edouard Balladur en 1993 a allongé la durée de cotisations des salariés du privé. Il n’a pas touché aux régimes spéciaux des fonctionnaires qui étaient déjà l’urgence. Mais il faudrait être mauvaise langue pour rappeler qu’il est lui même un fonctionnaire.
à AB Galiani,
Je partage le point de vue de Comte Sponville, le capitalisme n’est ni moral ni immoral et je pense comme vous sans doute que c’est le seul système qui puisse apporter un peu de prospérité aux hommes.
Mais pour bien fonctionner, il a besoin que ses acteurs (comme dans tout système humain) soient auto-régulés par un minimum d’éthique. A défaut, ce qui me semble être le cas actuellement, le capitalisme doit s’adapter en se dotant d’un peu plus de règles.
@ AB Galiani,
compte tenu tenu de votre réponse toujours aussi
"empreinte de circonstances atténuantes" pour les banques
je souhaite préciser ma position
1) je n’ai pas fait allusion au système de rémunération de la "ponction" publique…
(ai laissé volontairement la coquille) mais je partage votre point de vue à ce sujet…
2) les rémunérations parfois colossales des traders avec leur répercussion sur les primes de l’encadrement des traders crée une complaisance de-facto entre les traders et leur encadrement engendrant les dérives qui nous préoccupent
3)les "radars" des logiciels de salles de marchés auxquels j’ai fait allusion ne sont pas "militaires" mais déclanchent toutes les alertes nécessaires et souhaitables dans les cas de la CNE ou de la SG les alertes ont soit:
a) été délibérément ignorées
b) été mises hors service…
A Hervé : largement d’accord avec vous. Mais les règles ne sont pas tout… Elles doivent elles-memes respecter des règles. A cet égard, je vous renvoie à mon billet d’avril 2006. A m.a. : je n’accorde nulle circonstance aux banques. J’essaie seulement de faire la part des choses. Et l’absence de contrôle de 2eme niveau (CNCE) ou la permanence de lacunes identifiées dans le dit contrôle (SG) sont des fautes gravissimes. Je considère comme inacceptable le fait que la SG n’ait pas viré son patron. Accepterait elle aussi sans broncher de fermer les yeux sur un employé qui pique dans la caisse ? PS : j’avais bien compris que les radars que vous évoquiez n’était pas militaires …
La morale suit les contingences et adope le profil qui nous intéresse le plus collectivement.
L’occident a utilisé l’esclavage puis la colonisation puis le capitalisme puis la financiarisation pour assurer sa domination.
Ce ne sont que les facettes d’une même tendance qui est la domination de l’occident sur la planète depuis 500 ans.
Face à chaque cirse, on cherche des boucs émissaires: les traders, les spéculateurs, les patrons etc …
Mais il n’y a qu’une seule réalité finalement derrière tout cela: Après avoir dominé le monde, l’occident et nous, les occidentaux, vivons au dessus de nos moyens, habitués que nous sommes à un niveau de confort qui n’est plus tenable.
Les américains, individualistes, surconsomment individuellement en arnaquant le reste du monde grâce à leur puissance financière, cause de la crise présente. (Qui croira que les agences de notation se sont à ce point massivement trompées ?).
Les européens, plus collectifs, se surrendettent à travers leurs Etats pour s’allouer un paquet d’avantages sociaux sans précédents dans l’histoire.
Le problème c’est que nous avons oublié de partager avec le reste du monde et que, celui-ci s’étant réveillé, les richesses ont tendances à se disperser selon le principe des vases communicants, réduisant ainsi partiellement la notre.
Sur ce, je ne fais pas de morale.
La nature a procédé selon un mécanisme des plus efficace: la percolation.
Ainsi, la percée scientifique et technologique qui a conduit à l’explosion de l’humanité c’est accomplis au sein un petit groupe de civilisations. Puis, une fois la percée établies, ce savoir, cette culture, s’est massivement et brutalement transmis à l’ensemble des civilisations. C’est la phase dans lequel nous nous trouvons.
Sur ce, on peut aussi imaginer le potentiel d’un monde où toutes les civilisations de la planète auront un niveau de développement élevé.
Cela ne peut être fait sur le même modèle que le notre car ce n’est pas tenable et cela nous impose des changement de comportement assez radicaux, source de nos désagréments actuels.
Mais c’est de toute façon inéluctable.
La nature ne fait pas de morale et n’a qu’un principe: l’efficacité.