Voici le billet posté par le Monde ce matin, sur son site internet, relativement à la Présidence du Sénat. Pour ma part, je n’ai pas souhaité parler pour Jean-Pierre Raffarin. Il lui appartiendra de donner son sentiment sur le contenu de notre entretien. Mais il va de soi que la réforme constitutionnelle appelle à faire naître un nouveau Sénat. Pour ma part, je m’y sens prêt. Je soutiendrai Philippe Marini lors de la primaire car ses positions sur le nécessaire redressement des comptes publics correspondent exactement à ma pensée. S’il n’était pas retenu par le Groupe, à mon grand regret, il me semble que Jean-Pierre Raffarin serait le candidat légitime de l’UMP. A défaut, les choses se règleront directement en séance le 1er octobre sous les yeux des Français. Car le Sénat n’appartient pas aux Sénateurs mais à la France et aux Français. L’obstination du Groupe UMP à refuser de s’ouvrir aux autres groupes de la majorité aura été une erreur stratégique majeure. Je me suis épuisé à le dire, mais je n’ai pas été entendu. Il faut très vite rétablir au sein du Groupe un dialogue sincère et profondément respectueux les uns des autres, à défaut il explosera très vite.

Ils se sont croisés, tout au long de la soirée, mais se sont à peine parlé. Gérard Larcher, Jean-Pierre Raffarin, Philippe Marini sont tous les trois candidats à la primaire qui, mercredi 24 septembre, désignera celui que le groupe UMP souhaite voir accéder à la présidence du Sénat. Dimanche 21 septembre, chacun a soigneusement évité de croiser le fer avec ses rivaux. Juste quelques amabilités convenues, deux ou trois considérations d’ordre général, et puis s’en est retourné à sa campagne, celle qui doit décider du successeur de Christian Poncelet.
Le président sortant, lui, ne s’est pas montré dans la salle des Conférences, où un studio aménagé par la chaîne Public Sénat retransmet en continu les résultats et les commentaires des élections sénatoriales. Evitant tout contact avec la presse, il est resté longtemps enfermé dans son bureau. « Il fait son travail de président : il félicite les nouveaux élus et réconforte les battus », justifie son cabinet.
Jusqu’au bout, M. Poncelet aura voulu se croire président. Quand les invités ont commencé à prendre congé, les techniciens à ranger leur matériel, les journalistes à se retirer, il a enfin franchi la cour qui sépare le Petit Luxembourg –la résidence des présidents du Sénat– du Palais. Escorté de deux huissiers en habit d’apparat, l’épée au côté, le bicorne à la main, il a gravi l’escalier d’honneur puis s’est engouffré dans le couloir menant à l’étage du groupe UMP.
Les convives avaient presque fini de faire un sort au buffet. « On n’avait pas prévu que les électeurs des Français de l’étranger viendraient tous ici pour fêter la défaite de Paillé », avoue un responsable du groupe. Le « tombeur » de Dominique Paillé, conseiller politique de Nicolas Sarkozy et porte-parole de l’UMP, est Christophe Frassa, un divers droite. A peine élu, il a décidé de rejoindre le groupe UMP. Il y est fêté comme un héros.

FINS DE RÈGNE TOUJOURS CRUELLES

Pendant ce temps, M. Larcher, un verre à la main, picore dans les plateaux qui n’ont pas encore été liquidés. Un mot à chacun – »on s’appelle demain, sans faute » –, un bras sur l’épaule de son interlocuteur. Le sénateur des Yvelines sait y faire. Les pointages au soir de l’élection semblent le placer en situation favorable. Un peu plus tard, il quitte les lieux. Confiant.
M. Raffarin, lui, est entouré de sa garde rapprochée. Il y a là Jean-Claude Carle, sénateur de Haute-Savoie et ancien secrétaire du Sénat, Bernard Saugey, sénateur de l’Isère et vice-président de la commission des lois et Roger Romani, le très chiraquien sénateur de Paris. Autour du quatuor, devise une pléthore de conseillers des cabinets ministériels, de Matignon et de l’Elysée. « Il faut tirer les leçons politiques de ce scrutin », répète le sénateur de la Vienne, convaincu d’être le mieux placé pour renouer le dialogue avec les autres composantes de la majorité.
« Le président vous appelle », lui glisse alors une collaboratrice. L’ancien premier ministre s’éclipse. On le guide vers un bureau adjacent. Cinq minutes, pas plus, avec le président sortant : juste le temps de laisser M. Poncelet lui faire part de son souhait « que tout se passe dans les meilleures conditions ». Le sénateur des Vosges peut quitter la scène, épaules voûtées. A peine quelques fidèles sont là pour le saluer. Les fins de règne sont toujours cruelles.
MM. Raffarin, Saugey, Romani et Carle s’isolent alors dans un bureau. Ils débouchent une bouteille de champagne. Cette fois, la bagarre est lancée, il s’agit de faire vite. Pas un regard pour M. Marini, qui fait les cent pas dans le couloir. M. Raffarin fonce vers Alain Lambert, qui refuse toujours de se plier à la primaire UMP. Il l’entraîne par le bras et s’isole avec lui.
Il est presque 22 heures lorsque les deux hommes ressortent. « Il appartient à Jean-Pierre Raffarin de mettre l’UMP, et sans doute le président de la République, face à ses responsabilités, confie le sénateur de l’Orne. Ce soir, nous avons la démonstration que cette stratégie qui consiste à limiter la majorité à la seule UMP est une erreur. Je lui ai fait part de mon sentiment. Il ne m’a pas donné le sien. Mais si Marini n’est pas en mesure d’être élu, je voterai pour Raffarin. » La contre-offensive menée par le sénateur de la Vienne vient de marquer un point.

LE MONDE | 22.09.08 | 07h35 • Mis à jour le 22.09.08 | 07h37