La dette publique au 1er trimestre 2008 a fait un bond, passant de 1.209 milliards au 31 décembre 07 à 1.251 milliards d’euros au 31 mars 08. Pour l’essentiel, cette dette, c’est celle de l’Etat. En effet les « administrations centrales » selon la terminologie de l’INSEE, ce sont 1.061 milliards d’endettement fin mars contre 1.027 fin décembre ! J’ai commencé dans un billet en date du 9 août à démonter quelques idées fausses sur la dette de l’Etat ! Poursuivons donc dans ce second billet sur le sujet.
Troisième idée fausse : La France souffre d’une insuffisance d’impôt
La France est parmi les pays aux plus forts prélèvements fiscaux : presque 46 %. En ajoutant les recettes non fiscales, les « administrations publiques » reçoivent la moitié des richesses produites annuellement. Et pourtant rien ne justifie cette importance : ni la qualité de la protection sociale, ni celle du service public. Comme le constate François Villeroy de Galhau, ancien directeur de cabinet de Dominique Strauss-Kahn, « la France est dans une situation singulière puisqu’elle combine un niveau de dépenses nordiques avec un modèle européen de services publics et de prestations sociales ». C’est-à-dire « dépenses fortes et services moyens » !
Soyons clair. La marge de manoeuvre pour augmenter les impôts aujourd’hui est ténue Une hausse d’impôt même forte concentrée sur les revenus les plus élevées fournirait des recettes insignifiantes : prélever 10% point d’impôt en plus sur les tranches de revenus supérieures à 8000 € par mois entraînerait une augmentation du produit de l’impôt de l’ordre de 0,02 % du PIB ; la même augmentation frappant les ménages gagnant plus de 3500 € par mois rapporterait 0,7 % du PIB. Une hausse d’impôt pour rapporter des recettes suffisantes devra donc être généralisée à l’ensemble de la population, mais avec des risques déflationnistes importants. Jacques Chirac en a fait l’expérience, quand augmentant la TVA de 2 points en 1995, il a décalé de plusieurs mois le redémarrage de l’économie. Et c’est Lionel Jospin qui en a profité. Des économistes, se fondant sur l’expérience des pays de l’OCDE, ont d’ailleurs montré qu’aucun d’entre eux n’avait résolu les déficits par une hausse des impôts. A l’inverse, la réussite est venue des politiques de maîtrise des dépenses publiques. C’est ici le véritable défi que la France doit relever, qui est celui de l’efficacité de la dépense publique. A cet égard, Jacques Marseille rappelait que l’inefficience de cette dernière vient de cette gigantesque foire d’empoigne que sont devenues la redistribution et l’obtention de subsides publics : « dans une économie où plus de la moitié du PIB est absorbée par la dépense publique, le meilleur moyen de s’enrichir est d’accroître les prélèvements sur les contribuables. Il est plus rentable de se battre pour un revenu distribué par l’Etat que de créer une richesse dont la plus grande part sera prélevée par d’autres ». Rappelons un constat du rapport publié en 2005 par la Commission « famille, vulnérabilité, pauvreté » présidée par Martin Hirsch sur l’inefficacité dans la lutte contre la pauvreté. des dépenses sociales françaises pourtant parmi les plus élevées d’Europe Bref, maîtriser l’endettement exige aujourd’hui de mettre la dépense publique au service de l’intérêt général : lutter contre la pauvreté, améliorer la protection sociale, cela passe par la déclinaison d’une logique de performance, ce qui implique de définir des objectifs clairs, d’adapter l’organisation publique en conséquence en tenant compte de l’évolution technologique (sortons du découpage administratif issu de l’époque napoléonienne) et de confier au privé les activités qu’il saura réaliser à meilleur coût. C’est aussi accepter une adéquation des retraites – qui n’ont aucune contrepartie pour la collectivité et les générations à venir – aux conditions démographiques et sanitaires de la population, et ce, pour mieux investir !
Quatrième idée fausse : La dette est peu grave car inférieure à la valeur du patrimoine de l’Etat.
En premier lieu, l’argument est arithmétiquement faux ! La valeur des actifs de l’Etat (pour les techniciens : assimilé à l’ensemble des « administrations centrales ») n’excède pas 750 milliards d’euro, même si on peut discuter de la valorisation (qui peut me dire combien vaut le château de Versailles ?). Mais surtout, il y a un biais majeur dans le raisonnement qui veut que tant qu’il y a de l’actif, il puisse y avoir de la dette ! Pourquoi, en effet, aucun banquier n’acceptera de me prêter pour acquérir ce superbe appartement dans le XVIeme arrondissement parisien, qui vaut plusieurs décennies de mes revenus ? Pourtant, après opération, l’actif sera bien égal au passif ! Certes, mais mes revenus ne me permettront pas d’honorer les échéances du crédit. Donc, pour rembourser, il me faudra me « débarrasser » de ce bien immobilier. Au final, je serai bien avancé ! L’idée même d’adosser actif et passif entre donc dans une optique liquidative, c’est-à-dire qu’on pose le principe de la cessation de toute activité, de vendre pour rembourser : plus d’écoles, plus de gendarmeries, plus de préfectures … Imagine-t-on une telle situation (quel symbole ce serait, que la vente du chateau de Versailles !) ? Certes, l’Etat détient des actifs qui ne sont pas nécessaires à son activité. Ceux là peuvent être cédés sans dommage. Mais la dette se reconstituera, puisque sa cause n’est pas éteinte. Il faut bien comprendre qu’une dette (pour les techniciens : autre qu’une avance de trésorerie) se rembourse par prélèvement sur les recettes, non par des cessions d’actif, qui sont ponctuelles et non renouvelables. Bref ! Le château de Versailles ne pourrait être vendu qu’une seule fois, alors que la dette se nourrit de déficits récurrents ! Il reste aussi le patrimoine des Français. Certains sans barguigner avancent l’idée qu’on peut le mettre en parallèle avec la dette de l’Etat. Ce qui implicitement signifie qu’on peut confisquer les avoirs des Français pour rembourser. Espérons que cela restera un délire de l’imagination, car une telle action laisserait des traces …
Avec ces 2 billets, j’ai donc passé en revue 4 idées fausses qui pourtant nous sont ressassées à satiété. La réalité aujourd’hui, c’est que la dette finance du vent en raison des lenteurs de notre pays à s’adapter à un contexte qui évolue en permanence. C’est certes confortable de vivre à crédit, mais la fin en est souvent triste. La France s’est déjà glissée parmi les pays les moins riches de l’Europe des 15. Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins.
A.B. Galiani.
La situation n’est peut-être pas encore totalement désespéré, mais elle devient de plus en plus désespérante. Lorsque l’on entend par ex. ce matin aux inf. la taxe "malus" va probablement être étendue à d’autres objets polluants ? tout est prétexte à taxer ? tout cela bien entendu présenté comme un bienfait pour sauver la planète , disons plutôt que l’Etat, une fois de plus, ne sait plus quoi inventer pour rackéter. Il serait bon de lister toutes les taxes et impôts qui existent en France ! jusqu’où irons-nous ? n’aurait-on pas encore une fois de plus oublié le pouvoir d’achat ?
Il est souhaitable que F.F. et les autres redescendent sur terre et prennent conscience de la réalité sur le terrain, le moral des Français est bien bas, le réveil pourrait être douloureux, ce n’est franchement pas souhaitable.
S.V.P. Monsieur Lambert, mettez-y votre grain de sel … car il semblerait que malgré de probables bonnes intentions, notre cher François n’a pas encore compris ou ne souhaite pas comprendre qu’il est indispensable de nous redonner de l’oxygène , moins de tracasseries admistratives, oublier un peu de nous taxer , qu’il ne laisse plus filer nos gros sous vers l’étranger sous prétexte de ne pas froisser le camp adverse , etc… et là il est probable qu’il aura beaucoup moins de problèmes de dette car la relance sera au rendez-vous et en prime le moral des Français remontera.; mais tout ça est certainement trop simple pour être appliqué.
A Cycnus
Vous me pardonnerez de répondre à vos excellentes remarques sur ce billet qui n’est pas celui auquel vous aviez réagi. Elles vont me permettre de préciser plusieurs choses. Néanmoins et en préalable, je souhaite vous décerner la palme de l’argument le plus humoristique de l’année : demander le paiement de la période de congé des enseignants au titre du chomage, personne ne me l’avait fait jusqu’à présent. Je pense que vous pouvez pourtant mieux faire, en demandant par exemple la prise en charge par les ASSEDIC des week end voire des horaires de 18 heures le soir à 8 heures le matin … Soyons sérieux ; considérons la rémunération sur la durée annuelle en échange d’une production mesurée sur l’année ! lol
Ceci dit, reprenons votre argumentation. Tout d’abord, je partage votre affirmation qui est de rappeler le rôle des fonctionnaires, dont j’ai fait partie. Il n’est pour moi pas question de dénoncer systématiquement les fonctionnaires. Je ne vise que les « fonctionnaires surnuméraires » ; à cet égard, je vous rappelle que les effectifs de la fonction publique croissent à un rythme 2 fois supérieurs à celui de la population active, sans que de véritables justifications apparaissent.
Vous évoquez la rémunération des fonctionnaires. Soyons clairs : la véritable rémunération = salaire brut + charges patronales. Pour un salarié du privé, cela revient à multiplier le salaire net par 2 ; pour un fonctionnaire d’Etat par 2,5 … La rémunération est la contrepartie d’une productivité. Or les effectifs de la fonction publique sont pléthoriques … même s’il y a des manques dans certains domaines. Le fonctionnement de la fonction publique est extrêmement rigide, il n’y a guère de transfert. De fait, le secteur public ne peut fonctionner qu’avec des recrutements « précaires », une sorte d’armée de réserve industrielle eut dit Marx. L’extrême sécurité des uns est payé par d’autres. Enfin, le système d’avancement et de rémunération privilégie l’ancienneté, non la compétence et l’efficacité. C’est pour cela que j’ai démissionné de la FP, lorsque j’ai compris que pour progresser, ce n’est pas la compétence acquise qui compterait mais d’abord l’échelon atteint.. C’est ce qui explique la médiocre productivité du public. C’est d’ailleurs ce qu’avait un jour évoqué Nicolas Sarkozy avec la formule « moins de fonctionnaires mais mieux payés ». Puisque vous évoquez l’enseignement, je reconnais que les enseignants, loin du cliché habituel, font largement leur temps de travail ; mais au sein de l’Education Nationale, gravitent de multiples corps, liés à une organisation qui a eu son utilité, mais qui reste peu changée à l’heure numérique. Secundo : interrogeons nous sur les résultats de l’EN … Le classement de Shanghai, même s’il est critiquable à bien des égards en recoupe d’autres néanmoins qui vont dans le même sens. Au final, trop d’échec scolaire ! Vous parlez de privatisation. J’ignore quelle acception vous donnez à ce terme. Car si l’Etat doit définir et piloter le service public, rien ne garantit qu’il est le mieux placé pour l’assurer. Pour cela, il doit remplir des conditions particulières : vérifier que la production de services est optimale en regard des objectifs à atteindre. Comment peut il le faire en France, lorsqu’il n’existe aucun objectif, aucun contrôle de gestion public et aucune capacité à assurer le respect de l’intérêt général qui est aujourd’hui dominé par les intérêts catégoriels défendus par les syndicats ? Dans la logique corporatiste francaise, le « service public » est un discours qui justifie la mise sous tutelle du citoyen.
Bref, j’en reviens à l’esprit de la LOLF : « passer d’une logique de moyen à une logique de résultat » ! N’oubliez pas que les dépenses publiques, c’est la moitié du PIB, c’est presque 60 % du produit intérieur net … La marge de progression est donc réduite en supposant même qu’elle soit possible sans casse ! Et nous avons tous, collectivement, à y gagner.
Pour redonner de la croissance et par conséquent diminuer la dette , il est nécessaire de redonner du moral ! et ce n’est pas en continuant à alimenter l’incompréhension que nous y parviendrons ; malgré certaines apparences, nous continuons a pratiquer une politique très accentuée à gauche, cela ne marche pas…. le pays attendait autre chose ….
Il y a de bonnes idées à gauche, il y a de bonnes idées à droite, mais malheureusement il semblerait que l’on ne fasse pas toujours les bons choix, notamment en catégorisant les français, ceux qui peuvent et doivent toujours payer et les autres qui ne sont pas pour autant satisfaits , c’est assez frustrant et décourageant .
Ce ne sont pas les belles paroles qui parviendront à résoudre la situation, seule une réelle prise de conscience et des réformes plus significatives sur le terrain pourront endiguer ce cancer qui nous appauvrit de plus en plus chaque jour.
@Jean-Jacques
La bonne séquence maintenant, c’est diminuer les dépenses de l’Etat ce qui diminuera la dette, diminuant l’anxiété des français ce qui, in finé relancera la croissance, de manière saine.
Les vaines politiques de relance de la croissance prennent le problème à l’envers. Et depuis 30 ans, malheureusement, la droite et la gauche ont appliqué ces mêmes politiques de relance, derrière une opposition de façade.
J’espère que le gouvernement actuel, après s’être fait contrer sèchement "red handed" par le retournement des cycles économiques abandonnera définitivement ces chimères.
Au moins, le trou d’air actuel aura eu des mérites pédagogiques.
A AB Galiani,
Cher monsieur je souscris totalement à vos propos.
Notre fonction publique est totalement figée. La triste aventure que je vis très directement et que j’ai exposée, justement pour l’exemple plus haut, me le démontre tragiquement.
Il n’y a pas de patron dans le système. Pour une EHPAD propriété des collectivités territoriale, qui gouverne? Normalement c’est le propriétaire (l’employeur). Comme il ne le fait pas, rien ne se passe. Le deuxième partenaire, la DDASS s’occupe du médical, constate par l’évidence, les défaillances de gestion et de management, mais n’interviend pas car ce n’est pas de son domaine. Idem pour le CG (Conseil Général), qui ne s’immice que dans le prix de journée.
Ces deux organismes, impactent fortement la participation de la collectivité nationale dans les charges financées, via le "GMP" (GIR Moyen Pondéré) qui résulte d’une évaluation du GIR (Groupe Iso-Ressource) notablement surévalué car des personnes totalement autonomes (GIR6), se voient classés semi autonomes (GIR 3), et les semi autonomes eux se voient classés totalement dépendants (GIR 1). Ceci permet de surévaluer le besoin en moyens et donc de le financer (abusivement). Les résidents ne sont pas dupes… "Pourquoi on m’a mis en GIR 3 alors qu’on ne me fait rien?".
Le système est divergent car personne n’a intérêt à réguler. Donc il diverge et la litanie permanente est qu’il faut toujours plus de moyens.
Ensuite c »est effectivement le cloisonnement. Le TPG (Trésorier Payeur Général) n’a pour mission que d’encaisser les chèques des factures émises par l’EHPAD. Si les factures ne sont pas émises, ce n’est pas son problème. Il m’en manque quatre en un an, je n’ai reçu aucune relance, et je dois environ 7200 euros. J’ai tiré la sonnette d’alarme en Février (deux factures à l’époque), pas de réponse.
L’établissement dispose-t-il d’une compta propre et totalement cantonnée? je me le demande. je n’ai pas l’impression que le "chiffre d’affaire réel", soit effectivement mesuré. Ainsi le compte client ne révélera rien.. Les pertes n’apparaitront pas et tout continuera bien tranquillement.
Mon acharnement à remuer cette inertie finit par m’épuiser. Si rien n’est détecté en fin d’exercice 2008, je serai obligé de rétentionner toutes les factures, et de devenir un mauvais payeur, si je veux avoir quelques chances d’alerter ennfin efficacement le système..
C’est un comble. Ce n »est hélas certaienment pas un cas unique. Une EHPAD du secteur privé serait je n’en doute pas plus vigilante de ss prospérité.
Voila qui démontre que l’Etat n’a pas compétence à s’occuper de tout.
Cher A.B. Galiani
« La France est parmi les pays aux plus forts prélèvements fiscaux : presque 46 % »
Vous êtes en dessous de la vérité.
Pour moi, le déficit, c’est tout simplement du prélèvement différé. Mais que ce soit du prélèvement direct ou du prélèvement différé, c’est toujours du prélèvement et donc ils s’ajoutent.
Dans ces conditions, vos 46%, dépassent allégrement les 50%.
Pour le reste, il est amusant d’observer, qu’un ex directeur de cabinet de DSK, trouve que nos services publics ne sont pas à la hauteur.
Qu’ont-ils fait pour y changer quelque chose quand ils étaient au pouvoir ?
A Gerfo
Votre observation est exacte : du déficit, c’est de l’impôt différé. David Ricardo l’écrivait déjà au début du XIX eme siècle ; c’est d’ailleurs pour cela que je distingue les prélèvements obligatoires (auxquels il faut ajouter les recettes non fiscales ; au total 50 % du PIB) et les dépenses publiques (52 % du PIB).
Auquel il faudrait ajouter les intérêt de la dette si on poursuit le raisonnement.