Je poursuis ma chronique de rapporteur spécial de la mission « transports » de la commission des finances du Sénat avec un nouvel épisode de la ligne A.
Grâce à certains d’entre vous, nul n’ignore plus que la ligne A a fait l’objet d’un arrêt de travail spontané à la suite de l’agression d’un agent des transports publics le 30 juin. La « matinale » de France Inter du 2 juillet annonce le « retour à la normale », qu’a entendu une partie des usagers s’apprêtant à s’engouffrer dans leur RER préféré. Qu’on en juge, par le vécu de ce matin.
En fait, l’interconnexion n’était pas rétablie à Nanterre préfecture, les trains de Cergy et de Poissy partant sur la gare Saint-Lazare.
Vers 9h03, à Sartrouville, le conducteur annonce aux voyageurs de sa rame bondée qu’à la suite d’un incident sur le quai, son train ne prend plus de voyageur. Colère chez plusieurs d’entre eux. Mais quelques minutes plus tard, heureuse surprise pour ceux qui n’ont pas eu le temps de descendre : le train repart, avec les usagers qui étaient restés ! Rage des voyageurs descendus et parvenus sur un autre quai, de voir partir le train, sous la pluie qui vient de se mettre à tomber. Mon collègue François Gerbaud a pour eux cette jolie expression : « les usagers très usagés ».
Une autre rame arrive. Son conducteur annonce qu’il n’ira pas à Saint-Lazare, mais s’arrêtera à Nanterre-Préfecture, station de l’interconnexion, toujours pas rétablie. Nouveau changement pour les voyageurs, qui doivent pénétrer dans un train déjà plein arrivant de Saint-Germain en Laye. Le train repart vers Châtelet, où il arrive vers 9h35. Peu avant son arrivée, un différend éclate entre deux voyageurs quelque part dans la rame, sous un prétexte probablement futile. Déchaînement de violence, les femmes s’écartent, quelques hommes s’interposent. Les coups pleuvent, les insultes, l’un des deux voyageurs a des dents cassées et les lunettes explosées, l’autre la pommette éclatée, tous deux ont le visage en sang…
En descendant du train, on regarde la montre : on n’a guère que 35 minutes de retard par rapport à l’heure d’arrivée théorique.
« Retour à la normale » sur le RER A. En effet, une « norme » faite de dysfonctionnements permanents et de violence au quotidien. A qui désormais s’adresser ?
A un psy.
En fait, lorsque vous avez des gens dont on explique qu’avec la pression internationale, il faut travailler plus, être plus rentable, sinon la société disparait, sinon l’emploi disparait, avec des systèmes de management très durs, une pressions très forte sur les humains qui s’entassent à la Défense, ils sont conditionnés sur le quai comme des chevaux dans les portillons de départ ou la course doit les faire arriver. Si vous contraignez un français de tradition raleur, parfois sans référence de comportement en société, ni valeurs, c’est l’animal qui se réveille en lui.
D’ailleurs le transport de bestiaux conviendrait peut être mieux. Je préfère le nom de "train de la mine".
Ces désagréments de plus en plus nombreux fond que tout simplement ils craquent.
Je suis partagé. D’un côté, la RATP fait des efforts, avec la mise en place du système SIEL qui informe des horaires de train en direct sur les quais et sur Internet. La RATP fait également des efforts en mettant en place des voix numériques dans les trains pour informer les voyageurs. Cela fait d’ailleurs rire assez régulièrement car le chauffeur se trompe souvent dans les boutons. Nous avons des messages du type : "Le train ne marquera pas l’arrêt à la station LAPLACE" puis quelques secondes et "Prochain arrêt, LAPLACE."
Pour ma part, je préférerai que l’on investisse dans des trains supplémentaires que dans des gadgets électroniques, mais il faut tout de même saluer l’initiative.
La RATP fait également des efforts pour changer les rails en les remplaçant par des rails de très grande longueur pour réduire les nuisances sonores et rendre plus confortable le voyage.
D’un autre côté, certains conducteurs ont encore beaucoup trop d’égoïsme dans leur comportement, inacceptable est le terme exact. Je dois saluer tous les agents de la RATP qui acceptent d’encaisser impuissant la grogne justifiée des voyageurs.
Avant hier, il y a eu un suicide sur la ligne B, sous ma rame. Le conducteur très choqué semble-t-il, nous a tout de suite prévenu. Bonne communication. Les pompiers sont arrivés 10 minutes plus tard. Malheureusement, il était trop tard, la victime avait perdu la tête.
Pendant ce temps là, les voyageurs sont restés enfermés au soleil 40 minutes, à en faire tourner la tête. Mais, la RATP a fait venir des assistants de sécurité et à fait évacuer le train dès que le travail des pompiers était terminé.
Les bus n’ont jamais pu contenir le volume de voyageurs.
Le trafic a du être interrompu encore 1 h 30 de plus environ, le temps de dérouler la procédure administrative.
La RATP a coupé la ligne en deux, afin d’assurer une partie du trafic de chaque côté.
C’était je pense une bonne gestion de crise.
Cependant, d’une manière générale, la qualité de service se dégrade : temps de parcours allongés considérablement +30 à +50% de temps en plus depuis 10 ans.
Des collègues mettent moins de temps à venir d’Orléans qu’un banlieusard à venir sur Paris.
Alors maintenant que faire ?
Arrêtons de densifier la population sur Paris, nous sommes aujourd’hui 11 millions d’habitants avec près de 1000 habitants au km2. Comment rééquilibrer la densité de population avec la province ? L’exercice est délicat je le sais.
Pour en revenir aux transports en IDF, il y a une saturation du trafic que seules de nouvelles infrastructures peuvent contenir.
Des rames plus nombreuses, un maillage plus important, un doublement des grandes artères permettrait d’assurer une meilleure continuité de service tout en doublant la capacité de transport de voyageurs.
Ceci est l’étape numéro 1 qu’il faut avoir mis en service avant de penser à mettre des taxes sur les voitures polluantes dont on est bien content qu’elles roulent car il faudrait mettre ces nouveaux voyageurs soit dans la cabine de pilotage, soit sur le toit.
Que coûtent à la France, la concentration parisienne et l’hypertrophie de Paris ?
Faut-il repenser le grand Paris ou déconcentrer la France ?
Il suffit de quelques taxis, de camions manifestant autour de la capitale ou de grévistes de la RATP pour la bloquer.
Quand Rungis, bloqué, ne pourra plus nourrir Paris, nos Politiques entourés d’Experts réfléchiront à des solutions applicables dans une dizaine ou une vingtaine d’années.
Que font nos grands stratèges ?
Le prix du barril à plus de 250 $, comme le prédit le président de Gazprom, nous fera enfin secouer les neurones.
Aujourd’hui, la synthèse vocale dans le RER B nous a encore amusée :
roulant à 40 km tout à fait normalement, la voix a pris la parole "Veuillez ne pas gêner la fermeture des portes, le train ne peut repartir", et puis plus rien.